The Electronic
Intifada
Israël écarte plus de 1000 plaintes
contre la torture
Ali Abunimah
Ali Abunimah – 12 décembre 2016
La famille d’Arafat Jaradat pleure à ses
funérailles dans le village de Sair, en
Cisjordanie occupée, le 25 février 2013.
Ce père de deux enfants est mort à la
suite d’un interrogatoire dans la prison
israélienne de Megiddo, et une autopsie
a révélé qu’il avait été torturé. (Oren
Ziv – ActiveStills)
Israël n’a pas voulu lancer la moindre
enquête criminelle pour torture, malgré
les plus de 1000 plaintes déposées par
ses victimes depuis 2001.
La semaine dernière, le quotidien de Tel
Aviv Haaretz a révélé que l’unité du
ministère de la Justice chargée
d’enquêter sur les plaintes contre la
torture, connue sous l’acronyme hébreu
de Mivtan, n’employait qu’un seul
enquêteur.
Le Mivtan « n’a jamais lancé la moindre
enquête criminelle contre un agent du
Shin Bet, même s’il lui est arrivé
d’examiner quelques centaines de
plaintes » rapporte Haaretz, se référant
à cette agence de la police secrète
israélienne, également connue sous le
nom de Shabak, Agence de sécurité
d’Israël, ou Service général de
sécurité.
Le fait qu’il n’y ait qu’un seul
enquêteur signifie « qu’il est peu
probable que les plaintes puissent être
examinées à fond » indique Haaretz. « En
pratique, alors, l’unité ne peut pas
interférer avec le travail du Shin Bet,
même si les plaignants ont signalé des
formes graves et prohibées de torture –
notamment des coups violents et des
privations de sommeil de longue durée ».
De 2001 à 2008, près de 600 plaintes ont
été déposées au Mivtan, mais chacune
d’entre elles a été écartée. Durant
cette même période, les enquêtes étaient
menées par un agent du Shin Bet, ce qui
veut dire que c’est l’agence qui était
accusée de torture qui était elle-même
chargée de l’enquête.
En 2013, le ministère de la Justice a
désigné une personne apparemment plus
indépendante pour diriger cette unité,
mais sans aucun résultat : aucune des
300 enquêtes environ conduites depuis
cette nomination n’a abouti à une
investigation criminelle, selon Haaretz.
L’impunité s’étend même aux
circonstances où il est apporté une
preuve forte que la torture a entraîné
la mort du détenu, comme dans le cas
d’Arafat Jaradat, père de 33 ans de deux
enfants, décédé après un interrogatoire
israélien dans la prison de Megiddo en
2013.
Le Mivtan ne donne que le nombre
d’enquêtes qu’il conduit, pas le nombre
total des plaintes qu’il a reçues.
Cependant, Efrat Bergman-Sapir, avocate
de l’organisation sans but lucratif,
Comité public contre la torture en
Israël, a déclaré à Haaretz que son
organisation avait déposé plus de 1000
plaintes depuis 2001.
Pas d’exception pour la torture
Dans plusieurs cas cités par Haaretz, le
Mivtan a jugé que les techniques
d’interrogatoire utilisées contre les
Palestiniens et, dans au moins un cas,
contre un Israélien juif, étaient
« nécessaires » – impliquant ainsi que
des méthodes comme la privation de
sommeil, les coups, ou le ligotage d’un
prisonnier en position douloureuse
seraient légales en droit israélien.
En mai, Israël a envoyé une délégation
de 13 membres à la 57e session de la
Convention contre la Torture aux
Nations-Unies, pour répondre aux
questions que posait son bilan sur les
droits de l’homme.
Dans son intervention préliminaire,
Eviator Manor, l’ambassadeur d’Israël
aux Nations-Unies, a déclaré : « la
composition de notre délégation ici,
aujourd’hui, reflète l’importance que
nous attribuons aux conventions des
Nations-Unies relatives aux droits de
l’homme ».
« Ils ont fait tout leur possible pour
sortir aussi exemplaires que possible.
Ils n’ont éludé aucune question, ils
sont restés corrects », a déclaré à
l’époque Andrea Barsony, de
l’organisation Médecins pour les droits
de l’homme/Israël, à The Electronic
Intifada.
Mais après avoir étudié comment Israël
traitait avec dureté les prisonniers
palestiniens, le Comité contre la
Torture aux Nations-Unies a publié un
rapport sans complaisance.
L’organisme recommande qu’Israël doit
« veiller à ce que tous les cas
d’allégations de torture et de mauvais
traitement fassent l’objet d’une enquête
rapide, efficace et impartiale, et que
les auteurs présumés soient dûment
poursuivis et si reconnus coupables,
qu’ils soient punis par des peines
proportionnelles à la gravité de leurs
actes ».
Notant que l’interdiction internationale
de la torture « est absolue et
intangible, et qu’aucune circonstance
exceptionnelle ne peut être invoquée par
un État signataire de la convention pour
justifier des actes de torture », le
Comité des Nations-Unies demande à
Israël « de supprimer totalement la
nécessité comme justification de la
torture ».
Les faits et chiffres révélés par
Haaretz indiquent qu’Israël ne fait
aucun effort sérieux pour enquêter et
punir la torture par son personnel, et
encore moins pour y mettre un terme,
tout en lançant une campagne élaborée au
niveau international pour redorer son
image sur les droits de l’homme.
À noter que les efforts d’Israël pour se
tailler une exception juridique pour la
torture, malgré l’interdiction
internationale absolue, ont été évoqués
par les États-Unis pour justifier leur
propre recours à la torture.
Tolérance à l’égard de la
torture
Les révélations sur l’ampleur de
l’impunité dont jouissent les
interrogateurs israéliens tombent au
moment où un nouveau sondage, réalisé
par le Comité international de la
Croix-Rouge (CICR), constate que
l’opinion mondiale devient de plus en
plus tolérante à l’égard de la torture.
En septembre, le CICR a interrogé 17 000
personnes, dans les cinq pays membres du
Conseil de sécurité des Nations-Unies,
de même qu’en Suisse et dans dix pays
« touchés par une guerre » – incluant
Israël et la Palestine (la Cisjordanie
et la bande de Gaza occupées).
Au total, 66 % des personnes interrogées
déclarent que la torture est
« condamnable », tandis que pour 27 %,
elle « fait partie de la guerre ».
En Israël, seuls 44 % affirment que la
torture est condamnable et 38 %
l’acceptent comme partie intégrante de
la guerre.
Reflétant peut-être le fait qu’ils
vivent sous l’occupation militaire
israélienne depuis des décennies, les
Palestiniens sont d’après le sondage les
plus endurcis à la torture : seuls 35 %
– le taux le plus bas de tous les pays –
disent qu’elle est condamnable, alors
que 52 % disent qu’elle fait partie de
la guerre.
Mais quand il est question des
circonstances spécifiques pour le
recours à la torture, les Israéliens
sont parmi les plus enthousiastes. Quand
il est demandé si un combattant ennemi
capturé peut être torturé pour obtenir
une information militaire importante,
ils ne sont que 25 % des Israéliens à
répondre « non », alors que la moitié
d’entre eux disent qu’elle serait
acceptable.
En revanche, 53 % des Palestiniens
rejettent la torture sur un combattant
ennemi, tandis qu’un tiers estime
qu’elle serait acceptable. Selon le
sondage, les Palestiniens sont les plus
opposés à la torture d’un combattant
ennemi de toutes les opinions exprimées
au Royaume-Uni, aux U.S.A., au Nigéria
et en Ukraine.
Le CICR constate qu’au niveau
international, la tolérance à l’égard de
la torture est en augmentation. Dans un
sondage similaire de 1999, 66 %
rejetaient la torture des combattants
ennemis, à comparer avec les 48 %
d’aujourd’hui.
Mais c’est l’opinion publique au Yémen –
pays qui est depuis deux ans soumis à un
siège de famine et à une campagne de
bombardements catastrophiques de la part
des Saoudiens, assistés et armés
directement par les États-Unis – qui,
actuellement, exprime le rejet le plus
fort de la torture : 100 % s’y opposent
en toutes circonstances.
https://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/israel-dismisses-1000-complaints-torture
Traduction : JPP pour l’Agence Média
Palestine
© 2011
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Publié le 25 décembre 2016
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