Un nouveau rapport israélien ment
à propos de l’antisémitisme
Ali Abunimah
Un nouveau
rapport du Ministère israélien des
Affaires stratégiques tente de souiller
le mouvement de boycott, de
désinvestissement et de sanctions en le
qualifiant d’antisémite.
Dimanche 6 octobre 2019
Israël prétend que
tous ses crimes et ses réalisations sont
des crimes et des réalisations juifs et
que, par conséquent, quiconque condamne
les crimes israéliens condamne tous les
Juifs.
Mais les opposants
raisonnables d’Israël insistent sur le
fait que les crimes d’Israël ne sont pas
commis au nom de tous les Juifs.
Pourtant, deux
groupes ont intérêt à gommer la
distinction entre Israël, d’une part, et
les Juifs pris individuellement et
collectivement, de l’autre.
Le premier groupe
est constitué des antisémites qui
veulent s’emparer des crimes israéliens
pour justifier leur fanatisme contre les
Juifs – ces personnes ne sont pas
motivées par une réelle solidarité avec
les Palestiniens.
Le deuxième groupe
est constitué d’Israël et de ses
partisans dans le monde entier qui, en
impliquant les Juifs dans les crimes
d’Israël, veulent utiliser les Juifs et
la préoccupation sérieuse sur
l’antisémitisme comme un bouclier pour
Israël.
En criant au loup,
ce second groupe nuit à la lutte, que
tous les antiracistes doivent soutenir,
contre le véritable fanatisme anti-juif.
Dans cet esprit,
Israël a publié mercredi un
rapport prétendant « démasquer » le
mouvement BDS – boycott,
désinvestissement et sanctions – comme
un mouvement intrinsèquement antisémite.
Lors d’une
conférence de presse à Bruxelles, le
ministre israélien des Affaires
stratégiques,
Gilad Erdan, a déclaré que « les
dirigeants du BDS qui utilisent un
langage et des images antisémites qui
prouvent également leurs principes,
consistant à boycotter les Juifs parmi
les nations, Israël, sont antisémites ».
C’est un vieux
thème qu’Israël poursuit avec une
vigueur renouvelée.
Dans cet article,
je ne répondrai qu’aux affirmations du
rapport à propos de moi et de The
Electronic Intifada. Je reviendrai plus
tard sur le reste du document de 94
pages.
Distorsions et
mensonges
Il n’est pas
surprenant que les attaques du
gouvernement israélien contre moi et
cette publication contiennent des
distorsions et des mensonges flagrants.
Par exemple, le
rapport inclut ce tweet que j’ai publié
le 13 février:
Israel poisons Palestinians in West Bank by moving unregulated chemical industries to its illegal racist colonies, and its siege and wars have made 95% of Gaza's water unfit to drink. But ok, EU "experts" are coming to learn from this toxic, criminal apartheid regime. 🇮🇱💩🇪🇺 https://t.co/h7PzudX6bF
Le rapport affirme
que selon le tweet: «Ali Abunimah accuse
Israël d’empoisonner l’approvisionnement
en eau des Palestiniens, accusation qui
remonte à la diffamation antisémite de
crime rituel du Moyen Âge dans laquelle
les Juifs étaient accusés d’avoir
empoisonné les puits d’Europe et ont été
tenus responsables de la peste noire. «
Comme quiconque lit
le tweet peut le constater, il n’accuse
pas Israël d’avoir «empoisonné les
fournitures d’eau des Palestiniens».
Cependant, le tweet est tout à fait
exact.
Je déclare que «le
siège et les guerres d’Israël ont rendu
95% de l’eau de Gaza impropre à la
consommation».
En fait, c’était
une sous-estimation.
Ma source est
l’ONU, qui déclare que 95% de l’eau de
Gaza provient d’un unique aquifère.
«Aujourd’hui, 97%
de cette eau est impropre à la
consommation humaine d’après les normes
de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS)», a déclaré le Bureau de la
coordination des affaires humanitaires
des Nations Unies
en novembre 2018.
Le rapport indique
comment l’aquifère est épuisé et
contaminé en raison d’une
sur-extraction.
«La situation des
eaux et des égouts à Gaza, y compris la
contamination de l’aquifère, a été
exacerbée au cours des dix dernières
années par une série d’autres facteurs,
notamment les dommages causés aux
infrastructures lors des hostilités
récurrentes», indique OCHA
Il note également
que la
crise électrique chronique à Gaza –
résultat du siège israélien – et que les
restrictions imposées par Israël à
l’importation de pièces détachées
détériorent davantage le fonctionnement
et l’état des systèmes
d’approvisionnement et d’épuration des
eaux.
Mon tweet dit
effectivement qu ‘«Israël empoisonne les
Palestiniens en Cisjordanie en
transférant des industries chimiques non
réglementées dans ses colonies racistes
illégales».
C’est vrai.
Dans mon livre de
2014 intitulé The Battle for Justice
in Palestine, je décris comment des
entreprises israéliennes quittent leur
territoire pour s’installer dans des
zones industrielles situées à
l’intérieur de colonies en Cisjordanie
occupée, où elles peuvent se soustraire
à la réglementation environnementale
israélienne.
Un exemple que je
cite est la zone industrielle de
Nitzanei Shalom construite sur des
terres confisquées près de la ville de
Tulkarem. Les usines ont commencé à
quitter Israël dans les années 1980, à
la suite de plaintes pour pollution dans
les villes israéliennes.
L’une des usines,
Geshuri Industries, fabrique des
pesticides et autres produits chimiques.
D’après son PDG, il s’est déplacé en
Cisjordanie occupée avec
«l’encouragement du gouvernement».
En 2010, le groupe
de défense des droits de l’homme Al-Haq
a produit cette vidéo de cinq minutes
résumant l’impact toxique de l’usine de
Geshuri:
Dans la vidéo, Imad
Odeh, un habitant de la région, raconte
à Al-Haq que, les jours où un vent d’est
souffle la pollution vers les colonies
israéliennes voisines, l’usine de
Geshuri ferme. Il dit qu’elle ne
fonctionne que quand des vents du nord
ou de l’ouest poussent la pollution vers
les Palestiniens.
D’après Al-Haq, les boues toxiques
de Nitzanei Shalom ont été déversées sur
des terres palestiniennes, tandis que
les émissions provenant de la
fabrication de pesticides ont accru la
présence de gaz nocifs.
Le groupe indique
que les effets connus de ces poisons sur
la santé comprennent les maladies de
peau, des problèmes de foie, des
problèmes de reproduction et
d’infertilité, des dommages au système
immunitaire, des troubles endocriniens,
de l’asthme et des maladies
respiratoires, de l’hypertension et
d’autres problèmes cardiovasculaires, et
des cancers.
Ce ne sont là que
des exemples du racisme environnemental
et de la pollution toxique inhérents à
l’occupation militaire israélienne et à
l’exploitation des terres
palestiniennes.
Pourtant, le
gouvernement israélien veut qu’on écarte
cette preuve de ses crimes comme si
c’était une calomnie médiévale de sang
rituel.
Condamner les
néo-Nazis est de l’ « antisémitisme »
Selon le rapport,
cet article est un exemple de
présentation erronée d’ »Israël comme
État nazi »
Le rapport ne
conteste aucun fait cité dans mon
article, qui indique comment les
dirigeants du parti néo-nazi allemand
Alternative for Germany admirent
Israël – des sentiments chaleureux que
certaines personnalités israéliennes
sont
heureuses de retourner.
Je considère ces
néo-nazis allemands comme odieux. Mais
apparemment, en critiquant leur alliance
avec les politiciens israéliens, on
devient un « antisémite » aux yeux de
son gouvernement.
La troisième fois
que le rapport me mentionne, il
s’insurge sur la façon dont j’ai
« comparé les soldats israéliens à ‘des
gardiens du ghetto, des occupants, des
tireurs d’élite et d’autres meurtriers
d’enfants palestiniens.’ »
Qui peut
sérieusement nier que les soldats
israéliens sont des occupants qui
tirent sur des enfants dans ce que
même des commentateurs israéliens
horrifiés par les actions d’Israël ont
appelé un ghetto?
Ce film, que le
lobby israélien a tenté de
supprimer, montre comment le
ministère des Affaires stratégiques d’Erdan
est engagé dans une campagne secrète
visant à espionner et à saboter les
activités licites de la société civile
des défenseurs des droits des
Palestiniens aux États-Unis.
Le gouvernement
israélien peut dépenser d’énormes
ressources sur les médias sociaux, et il
peut trouver des expressions
d’antisémitisme parmi les activistes,
qu’elles proviennent du sectarisme ou de
l’ignorance. Mais ceux-ci ne
représentent ni ne caractérisent le
mouvement.
Les dirigeants du
mouvement de solidarité avec la
Palestine ont toujours été les premiers
à condamner toute expression de racisme,
y compris l’antisémitisme.
Ils ont
souligné qu’il n’y a pas de lieu de
blâmer collectivement les Juifs pour les
actes criminels commis par Israël contre
les Palestiniens et que, malgré son
insistance, Israël ne représente pas
tous les Juifs.
Israël n’a aucune
défense pour ses crimes, il ne lui reste
donc qu’à essayer de nuire à tout un
mouvement pour la liberté, la justice et
l’égalité.
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