Opinion
L'Ukraine,
un coup sévère pour l'Union européenne
Akil Cheikh Hussein
Vendredi 6 décembre 2013
Avec l'intégration de la Croatie à
l'Union européenne en juillet 2013 et la
candidature acceptée de la Macédoine, du
Monténégro, de l'Albanie et de la
Bosnie-Herzégovine, l'Union attire vers
elle la plupart des pays de l'Europe de
l'Est et ne lui reste que poursuivre sa
marche vers les pays restants concernés
par le «Partenariat oriental», qui sont,
à l'exception de la Russie, La
Biélorussie, l'Ukraine, l'Arménie,
Azerbaïdjan et la Géorgie.
Néanmoins, ce qui fut facile pendant la
décennie qui a suivi l'effondrement de
l'Union soviétique, celle de la grande
ruée de tous les pays de l'Europe de
l'est vers le paradis de la démocratie
et du capitalisme, est de nos jours
entravé par de sérieuses difficultés et
hantises. Il n'est plus en fait permis
de négliger les crises qui sévissent
dans la zone euro et qui ont conduit,
au-delà de la Grèce, du Chypre, de
l'Irlande et du Portugal, des pays
fondateurs comme l'Italie et l'Espagne,
au bord de la faillite économique. Ni de
sous-estimer les grandes évolutions en
Russie sous le président Poutine qui
parait décidé de récupérer la place
avancée que son pays occupait lors de
l'ère soviétique, ce qui passe
obligatoirement par le fait d'empêcher
l'Union européenne de poursuivre ses
avancées en Europe de l'Est.
Il est certain que la volte-face
ukrainienne qui vient de tomber sur
l'Union européenne comme un coup de
tonnerre, constitue un moment décisif
qui aura probablement de considérables
répercussions dans l'intérêt de la
Russie et de ses alliés sur les deux
plans européen et international.
Le Partenariat oriental lancé par
l'Union européenne en 2009 et qui
nourrit son rêve de pénétrer
profondément vers les deux flancs,
occidental et méridional, de la Russie
commence à se disloquer avant même de
faire ses premiers pas. Les relations
entre l'Union et la Biélorussie sont
gelées; l'Arménie a annoncé son
intention de rejoindre l'Union douanière
dirigée par la Russie; l'Azerbaïdjan est
plutôt sceptique quant à rejoindre
l'Union européenne. Même la Géorgie qui,
sous le président Mikael sakashvili,
brûlait d'enthousiasme pour une telle
«promotion», s'aperçoit depuis les
confrontations militaires avec la Russie
en 2008, de la nécessité de ne pas aller
trop loin quant à attiser la colère de
Moscou.
Tout cela n'est pourtant pas de la
taille de la volte-face ukrainienne. On
s'attendait à ce que la troisième
réunion dans le cadre du Partenariat
oriental tenue mercredi et jeudi à
Vilnius en la présence des présidents
des 28 et de ceux de six pays candidats,
soit l'occasion d'un grand saut
historique avec la signature du traité
du partenariat par l'Ukraine. Les
raisons en sont l'importance
démographique et économique de ce pays
en comparaison avec les autres
candidats, mais aussi la possibilité de
parier sur lui en tant que rival pesant
en face de la Russie.
Il est certain que l'arrogance de
certains dirigeants de l'Union
européenne a joué un rôle dans le
renoncement de l'Ukraine à signer le
traité. D'après des responsables russes,
ils se sont mis à poser des ultimatums
en tentant d'imposer des dictats à
l'Ukraine et de la traiter comme une
«quasi-colonie». Ils ont surtout menacé
de ne pas ratifier le traité avant que
l'Ukraine n'introduise des réformes en
matière de la démocratie, de la justice
et du régime électoral. De plus, ils ont
insisté sur la nécessité de libérer
l'opposante Ioulia Tymochenko et de
l'autoriser à quitter le pays pour des
soins médicaux à l'étranger.
Quoi qu'il en soit, le président
ukrainien, Victor Ianoukovitch, a
justifié le gel des négociations en
signifiant que son pays compte attendre
des conditions plus favorables à ses
propres intérêts, ce qui signifie qu'il
considère les conditions européennes
comme injustes.
Cet avis n'est pas celui du seul
président ukrainien. Des observateurs
occidentaux trouvent étrange l'accord
donné par le gouvernement ukrainien au
début des négociations à un traité qui
ouvre son pays, de cette manière peu
équilibrée, devant les investissements
et les marchandises européennes: Entre
2000 et 2007, les exportations de
l'Ukraine vers l'Union européenne sont
passées de 8,4 milliards de dollars à
12,4 milliards, alors que celles de
l'Union vers l'Ukraine sont passées de
5,5 milliards à 22,4 milliards de
dollars.
Une simple comparaison entre
l'intégration par l'Ukraine de l'Union
européenne ou de l'Union douanière
dirigée par la Russie montre que la
seconde option lui est beaucoup plus
avantageuse. Cette option lui permet une
meilleure intégration avec des pays
possédant des structures économiques
identiques héritées de l'ère soviétique,
ainsi que de considérables potentialités
industrielles et agricoles, alors que la
première ne fait que brader ces
potentialités au profit des entreprises
européennes, ces entreprises qui
s'intéressent des conditions propices au
pillage plutôt que de celles propices au
développement.
Il faut ajouter que l'Ukraine sera
engagée dans une confrontation difficile
avec la Russie au cas où elle
rejoindrait l'Union européenne. Elle
pourrait même être menacée de
dislocation à un moment où les habitants
des régions centrales et orientales ne
cachent pas non seulement leur désir de
renforcer les relations avec la Russie,
mais de s'y être intégrées pour de bon.
Source: French.alahednews
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