Raï
al-Yaoum
Palestine : Les conséquences
imprévues
de la décision de Trump
Abdel Bari Atwan
Jeudi 21 décembre 2017 L’initiative de
Trump sur Jérusalem a remis la Palestine
sur le devant de la scène arabe et
islamique.
En reconnaissant
Jérusalem occupée comme la capitale de
l’État d’occupation israélien, le
président américain Donald Trump a mis
une balle dans le pied de ses alliés
« arabes sunnites » du Golfe
arabe – principalement l’Arabie saoudite
et l’Égypte.
Il a également
allumé la mèche d’une intifada qui
pourrait durer des mois, voire des
années, et qui sera le prélude d’une
guerre régionale qui remodèlera la carte
de la région, l’équilibre des pouvoirs
et les alliances.
Le pari de Trump,
salué par le premier ministre israélien
Binyamin Netanyahou et le lobby
israélien à Washington, a marginalisé
les deux principaux alliés arabes des
Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et
l’Egypte, et a considérablement renforcé
la position de deux Etats non arabes,
l’Iran et la Turquie, qui sont en
compétition avec eux pour le leadership
du monde islamique et de ses autorités
religieuses.
Le fait que le
commandant iranien Qassem Soleimani en
appelle publiquement aux dirigeants des
ailes armées des groupes palestiniens et
offre tout son soutien aux forces de
résistance contre Israël, montre
l’émergence de l’Iran en tant qu’allié
principal des Palestiniens et de leur
intifada à un moment où la plupart de
ses rivaux arabes du Golfe sont en train
de normaliser leurs relations avec
l’Etat israélien et de se rendre
complices de Trump dans la judaïsation
la ville sainte.
Soleimani a gagné
toutes les campagnes qu’il a menées. Il
est intervenu au Kurdistan irakien et y
a contrecarré le référendum. Il a
combattu aux côtés de l’armée syrienne
pour aider l’État syrien à reprendre le
contrôle de la majeure partie du pays.
Il a fondé les Unités de Mobilisation
Populaire (UMP) en Irak et les a aidées
à reconquérir Mossoul et la plupart des
autres villes irakiennes. Et le voilà
maintenant qui commence à s’occuper
d’Israël et de Jérusalem occupée, tandis
que les potentats arabes ne font que
dépenser leur argent en produits de luxe
et engraisser leurs armées désœuvrées.
L’Arabie saoudite a
misé sur la création d’une alliance
arabo-islamique sunnite pour contrer
l’expansion de l’influence chiite
iranienne. Mais la crise actuelle sur
Jérusalem a porté un coup dur à cette
ambition, en favorisant l’émergence d’un
front islamique qui inclut les deux
Etats régionaux les plus puissants – la
Turquie sunnite et l’Iran chiite – et
qui s’unit aux peuples arabes, chrétiens
inclus, sur une base non sectaire ou non
confessionnelle pour affronter Israël et
son allié Trump et pour obliger le monde
à voir le conflit sous son vrai jour, à
savoir celui d’un peuple opprimé par un
Etat colonisateur raciste et sans merci.
Ce n’est pas un changement qu’Israël et
ses alliés de l’alliance « sunnite
modérée » avaient anticipé.
La lutte contre le
projet raciste de colonisation
israélienne est maintenant au sommet des
priorités irano-turques et
arabo-musulmanes, comme en témoigne le
sommet islamique convoqué cette semaine
en Turquie pour discuter de Jérusalem.
Il convient de noter que l’Arabie
saoudite s’est dissociée à l’avance de
la conférence et de ses travaux en se
faisant représenter par son ministre des
Affaires islamiques – le niveau de
représentation le plus bas possible – et
que l’Égypte n’envoie que son ministre
des Affaires étrangères, ce qui signifie
que les deux gouvernements jouent un
rôle de moins en moins grand dans une
question qui revêt une importance
capitale pour le monde islamique.
Dans son discours
de lundi soir, avant une grande
manifestation dans la banlieue sud de
Beyrouth, le secrétaire général du
Hezbollah, Hassan Nasrallah, a
immédiatement tiré profit de ce
revirement stratégique en déclarant que
son parti et ses alliés allaient
désormais se recentrer sur la cause
palestinienne après leurs victoires
remportées ailleurs dans la région (une
allusion à la Syrie, à l’Irak et au
Yémen).
La réalisation
stratégique la plus importante des
Iraniens dans la région a été la
création d’organisations paramilitaires
populaires et non officielles
parallèlement aux armées
officielles – comme la Garde
révolutionnaire en Iran, les Unités de
Mobilisation Populaire (UMP) en Irak, le
Hezbollah au Liban,
l’Ansarullah Houthi au Yémen, le
Hamas et le Djihad islamique en
Palestine occupée – capables de mener
une guérilla efficace et décisive, et à
qui elle a fourni des missiles assez
puissants pour dissuader leurs ennemis
puissamment armés par les Etats-Unis.
Le soulèvement
populaire palestinien qui a éclaté à
Jérusalem l’été dernier et qui a forcé
Netanyahou à abandonner sa tentative de
fermer la mosquée al-Aqsa a cessé dès
que les exigences immédiates des
manifestants ont été satisfaites. C’est
parce qu’il était spontané, non
organisé, et qu’il ne recevait pas de
soutien extérieur. Ce serait différent
dans le cas d’une nouvelle intifada, car
elle serait soutenue par un élan
populaire arabe et islamique sans
frontières, d’importantes organisations
et de grands pays islamiques.
Trump mérite notre
gratitude pour sa décision sur
Jérusalem, car elle a uni le monde
islamique et porté un coup mortel à la
division sectaire entre les Sunnites et
les Shiites. Elle a isolé ses alliés
arabes qui normalisent leurs relations
avec Israël et deviennent ses alliés ou
ses amis. Il les a privés de la
direction du monde islamique et a
marginalisé leur rôle. Et, plus
important encore, il a mis ses alliés
israéliens dans une situation dangereuse
qui devrait les inquiéter et les
alarmer.
Un message fort aux
adeptes arabes de la normalisation qui
soutiennent Trump et sont complices de
sa décision provocatrice et raciste, a
été adressé par les Palestiniens à la
délégation du Bahreïn quand elle est
arrivée en Israël cette semaine. Elle a
été accueillie avec colère par les
habitants de Jérusalem-Est : l’accès de
la mosquée d’al-Aqsa lui a été refusé
par les gardes locaux, et l’accès à la
bande de Gaza lui a été interdit par des
manifestants qui ont menacé de lancer
des chaussures contre ses membres.
Tout cela montre
que l’humeur d’une grande partie du
public arabe a changé et que l’avenir
nous réserve bien des surprises.
Abdel Bari Atwan
http://www.raialyoum.com/?p=795122
Traduction :
Dominique Muselet
Source :
» »
http://chroniquepalestine.com/jerusalem-consequences-imprevues-decision-trump/
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