Monde
Israël dans le Golfe Persique,
c’est un
pas assuré vers la guerre !
Abdel Bari Atwan
Fresque murale sur
un des murs de l’ex-ambassade des
États-Unis à Téhéran
Photo : Archives
Lundi 12 août 2019
Abdel Bari Atwan
– La dernière chose dont l’Arabie
saoudite et ses acolytes ont besoin,
c’est de la « protection » israélienne.
L’inclusion
d’Israël dans l’alliance régionale
formée par les États-Unis dans le but de
protéger les navires dans le Golfe et le
détroit d’Hormuz, est un grand pas en
avant dans le processus de normalisation
rampant entre Israël et la plupart des
États arabes du Golfe.
Israël n’est pas un
État littoral du Golfe et n’y a aucun
commerce maritime. Ce n’est pas non plus
une grande puissance navale qui peut
ajouter une capacité significative aux
centaines de navires de guerre
américains, britanniques et alliés et
aux navires de soutien qui envahissent
la voie navigable. Son inclusion dans
cette alliance est un pur stratagème
visant à accélérer la normalisation dans
les domaines militaires et répressifs,
et à en faire un acteur clé de la
région.
C’est le ministre
des Affaires étrangères Israël Katz qui
a révélé pour la première fois qu’Israël
se joignait à cette coalition. Il a
déclaré que sa principale contribution
serait dans les « opérations de
renseignement » – l’une des exportations
les plus lucratives d’Israël – et qu’il
espérait que cela conduirait à
l’établissement de relations complètes
avec les États du Golfe.
Cette coalition a
été rejetée par la plupart des pays
européens, à l’exception notable de la
Grande-Bretagne. Ces pays ne veulent pas
être associés aux politiques
irresponsables de l’actuelle
administration américaine dans la
région, ni être entraînés dans les
guerres qui pourraient en résulter
contre l’Iran et ses divers alliés et
relais.
L’escalade
constante de la pression militaire de
Trump sur l’Iran et l’intensification
des tensions dans la région du Golfe
semblent faire partie d’un plan bien
établi. Tout d’abord, abandonner
l’accord nucléaire et imposer des
sanctions draconiennes pour étouffer et
affamer le peuple iranien, provoquant
ainsi des représailles de la part de
l’Iran… puis cela peut alors servir de
prétexte pour « internationaliser » le
détroit d’Hormuz (situé dans les eaux
territoriales iraniennes et arabes), ce
qui pourrait éventuellement déclencher
une guerre.
L’adhésion d’Israël
à la coalition navale est un prélude à
une pleine intégration en tant que
premier proxy de Washington pour la
protection des États du Golfe contre la
menace supposée du prétendu danger
iranien. Cela signifie déconnecter
complètement ces pays de leur milieu
arabe et islamique, et les lier
complètement à Israël dans une nouvelle
structure militaire.
Les Israéliens et
les conseillers de Trump estiment que le
moment est venu d’agir dans ce sens,
étant donné que les États arabes
traditionnellement les plus influents –
tels que l’Irak, la Syrie, l’Égypte et
l’Algérie – sont tous occupés par leurs
difficultés intérieures. Ils semblent
avoir fait le bon calcul, du moins pour
le moment. Aucune objection à cette
initiative n’a encore été entendue de la
part de l’Irak ou de l’Égypte, et encore
moins des États du Golfe.
Pourtant, dans le
passé, chaque fois que les États-Unis
ont formé des coalitions pour lutter
contre les guerres dans la région –
qu’il s’agisse de la guerre au Koweït,
de l’invasion de l’Irak ou de la
campagne contre le groupe État islamique
– les États-Unis avaient délibérément
exclu Israël afin d’éviter toute
réaction publique.
En joignant cette
coalition navale, Israël deviendra un
partenaire direct de toute guerre que
les États-Unis mèneront contre l’Iran.
Cela signifie que les Iraniens et leurs
alliés et mandataires considéreront son
infrastructure vitale, et non pas
seulement les navires de la marine
déployés dans le Golfe, comme une cible
légitime pour des tirs de missiles de
représailles.
L’adhésion d’Israël
à la coalition pourrait également jouer
entre les mains des autorités de
Téhéran, leur permettant de mobiliser
davantage de soutien de la part de
l’opinion et d’isoler les États du Golfe
en raison de leur collusion avec Israël
et ses projets expansionnistes.
Israël, tout comme
son allié américain, ne fournira pas ses
services de protection et de sécurité
gratuitement. On peut s’attendre à ce
qu’il commence à envoyer ses factures
aux États du Golfe et à exiger un
remboursement sous forme d’argent
liquide et de concessions politiques.
Trump, pour sa
part, a été élu sur une promesse de ne
pas entamer de guerres plus coûteuses au
Moyen-Orient. S’il estime qu’une guerre
contre l’Iran à l’instigation et à
l’initiative d’Israël est un pour lui un
engagement électoral, il pourrait
simplement retirer les forces
américaines de la région – comme il l’a
fait en Irak, et comme il est sur le
point de le faire en Afghanistan et peut
également le faire en Syrie. Cela
laisserait les États du Golfe pris en
otage sous la « protection » supposée
d’Israël et soumis à ses diktats
politiques.
Ces États ont
commis plusieurs erreurs majeures de
calcul stratégique au cours des
dernières années : 1) ils se sont
associés à l’occupation de l’Irak, qui a
combattu l’Iran pendant huit ans en leur
place, 2) ils commencent à reconnaître
l’échec de leur guerre contre le Yémen
3) et l’aventure du changement de régime
en Syrie a eu un résultat désastreux.
Entrer dans une alliance avec Israël
serait leur plus grande erreur à ce
jour.
Israël serait à
peine capable de se protéger lui-même en
cas de guerre avec l’Iran. Il ne serait
pas en position de protéger qui que ce
soit, surtout pas les États du Golfe.
*
Abdel Bari Atwan est le rédacteur
en chef du journal numérique
Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de
L’histoire secrète d’al-Qaïda, de
ses mémoires,
A Country of Words, et d’Al-Qaida
: la nouvelle génération. Vous
pouvez le suivre sur Twitter :
@abdelbariatwan
9 août 2019 –
Raï al-Yaoum – Traduction :
Chronique de Palestine – Lotfallah
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