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Compte à rebours vers la guerre
Abdel Bari Atwan
Téhéran -
Fresque murale glorifiant la révolution
iranienne - Photo : archives
Mercredi 8 mai 2019 Combien de temps avant que les
États-Unis/Israël et l’Iran n’en
arrivent aux coups directs ?
Le compte à rebours
a commencé. Quelques jours seulement
nous séparent du 2 mai, lorsque le
deuxième et dernier stade des sanctions
américaines contre l’Iran entrera en
vigueur.
L’administration
Trump veut mettre fin à toutes les
exportations de pétrole de l’Iran, qui
s’élevaient à 1,7 million de barils par
jour en mars. Elle a levé les
dérogations accordées à huit pays – tels
que la Chine, l’Inde, la Turquie et le
Japon – leur permettant de continuer à
du pétrole iranien. La plupart de ces
États s’opposent aux sanctions et, avec
la Russie, estiment qu’elles vont
déstabiliser non seulement le marché
mondial du pétrole mais tout le
Moyen-Orient.
Le chef suprême de
l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, a
souligné qu’il y aurait des représailles
pour les sanctions. Il a envoyé un
message clair à Trump – en anglais – sur
son compte Twitter, indiquant que l’Iran
ne resterait pas inactif face à ces
« mesures hostiles » et qu’elles « ne se
laissera pas faire sans réponse ».
Le président Hassan
Rohani a quant à lui fustigé l’Arabie
saoudite et les Émirats arabes unis qui
ont promis de compenser l’absence de
pétrole iranien sur les marchés. Il a
ajouté que les deux États devaient leur
existence même à l’Iran – qui avait
refusé de soutenir les plans de l’ancien
président irakien Saddam Hussein de les
envahir en 1990 – et s’étaient
transformés en ennemi du peuple iranien
en soutenant les initiatives
américaines.
Le ministre des
Affaires étrangères, Javad Zarif, a pour
sa part déclaré lors d’une visite à New
York que les États-Unis savaient que
s’ils voulaient avoir accès au détroit
d’Ormuz, ils devront parler à ceux qui
le protègent, à savoir les Gardiens de
la Révolution iraniens.
Ni Khamanei ni
Rohani n’ont expliqué la nature de la
réaction de représailles de l’Iran au
cas où ses exportations de pétrole
seraient interrompues. Celles-ci
rapportent au pays 44 milliards de
dollars par an, sans lesquels l’Iran
serait confronté à une crise économique
majeure. Mais nous pouvons spéculer sur
certaines possibilités.
Premièrement,
l’Iran pourrait fermer le détroit
d’Ormuz et empêcher environ 18 millions
de barils de pétrole par jour d’être
exportés de l’Arabie saoudite, des
Émirats arabes unis, du Koweït et de
l’Irak. Le commandant Alireza Tangsiri,
chef des forces navales des Gardiens de
la Révolution, a averti que l’Iran
bloquerait la voie navigable s’il
n’était pas autorisé à exporter son
pétrole.
Deuxièmement,
l’Iran pourrait officiellement se
retirer de l’accord nucléaire et
reprendre l’enrichissement de l’uranium
à un rythme plus rapide, ce qui lui
permettrait de développer une capacité
militaire nucléaire.
Troisièmement,
l’Iran pourrait libérer la Garde
révolutionnaire, ainsi que des groupes
alliés en Irak, en Syrie, au Liban
(Hezbollah) et en Palestine (Hamas et
Jihad islamique), pour lancer des
attaques sur des cibles américaines et
israéliennes dans diverses parties de la
région et peut-être même au-delà.
Enfin, l’Iran
pourrait essayer de fermer le détroit de
Bab al-Mandeb à l’entrée de la mer
Rouge, ou de menacer le trafic maritime
via des attaques de ses alliés yéménites
Ansarallah (Houthi) sur des navires
américains, israéliens ou autres.
Trump a insisté sur
le fait que le détroit d’Ormuz est une
voie navigable internationale que tous
les pays doivent pouvoir utiliser
librement et que le fermer serait une
violation du droit international – comme
si des sanctions unilatérales visant à
contraindre 80 millions de personnes à
se soumettre ne constituaient pas une
violation de la loi internationale…
L’Iran a un État
institutionnel. Il possède également un
savoir-faire et une expertise dans tous
les domaines, un vaste patrimoine
culturel et un formidable arsenal
militaire de fabrication locale. On ne
peut pas s’attendre à ce qu’il agite un
drapeau blanc face à cette déclaration
de guerre américaine visant à saper son
régime, à semer le chaos sur son
territoire, à menacer son unité
géographique et démographique et à
appauvrir son peuple.
La nomination du
major-général Hossein Salami en tant que
commandant de la Garde révolutionnaire,
le jour même où Mike Pompeo a annoncé la
levée des dérogations, implique la mise
en place d’un plan clair de
représailles. Salami est considéré comme
un membre de l’aile dure qui a
actuellement le dessus sur le processus
décisionnel à Téhéran. Il a menacé à
plusieurs reprises d’effacer Israël de
la carte s’il attaquait l’Iran,
conseillant aux Israéliens « d’apprendre
à nager » afin de pouvoir s’échapper par
la Méditerranée si cela se produisait.
La Garde
révolutionnaire pourrait toucher de
nombreuses cibles américaines dans la
région. Les plus évidentes sont les 5500
soldats américains et leurs 30 bases
militaires en Irak, ainsi que les 2000
autres dans le nord-est de la Syrie. Il
existe également de nombreuses bases
aériennes et navales américaines au
Koweït, au Qatar, dans les Émirats et à
Bahreïn, en plus des bases non déclarées
en Arabie saoudite. Ces bases pourraient
bien devenir des cibles d’attaque si
l’ordre d’agir est donné ou si la guerre
éclate.
Trump mène le monde
vers une guerre catastrophique, dont les
plus grands gagnants seront probablement
les « ennemis » supposés de son pays, en
particulier la Russie. Une guerre ferait
monter les prix du pétrole (qui ont déjà
augmenté de 44% à quelque 65 dollars le
baril depuis le début de l’année).
Chaque dollar supplémentaires pour un
baril augmente de 4 milliards de dollars
par an le Trésor russe. Cela permettrait
de contrer efficacement l’impact des
sanctions économiques imposées par les
États-Unis à la Russie après l’annexion
de la Crimée.
Les plus grands
perdants seraient les Arabes – en
particulier l’Arabie saoudite et les
Émirats arabes unis pour avoir
ouvertement pris position dans la
tranchée américaine en promettant de
compenser toute pénurie de pétrole
iranien. Les pays d’Europe occidentale,
qui consomment 13 millions de barils de
pétrole par jour, seraient également
perdants car le prix du pétrole pourrait
atteindre plus de 100 dollars le baril
et leurs économies en souffriraient.
Trump est devenu
une marionnette entre les mains d’Israël
et de son lobby aux États-Unis. Toute
guerre qu’il déclencherait dans la
région aurait pour objectif de faire
d’Israël son suzerain et son maître
éternel et de lui permettre d’établir
son « Grand Israël » sur une grande
partie de son territoire – du Nil à
l’Euphrate. Les dirigeants arabes
seraient réduits au statut de gardiens
et de maires locaux qui agissent sur les
instructions de Netanyahu ou de celui
qui lui succédera. C’est pourquoi le
dévoilement du « deal du siècle » –
conçu par Netanyahu et présenté par le
gendre de Trump, Jared Kushner, à divers
régimes arabes – a été reporté au mois
de juin : c’est-à-dire après la probable
confrontation avec l’Iran.
Dans le processus,
la Syrie ne doit pas être autorisée à se
rétablir et le Hezbollah ne doit pas
disposer d’une capacité en missiles
susceptible de dissuader toute agression
israélienne contre le Liban.
C’est Israël, son
fantoche Trump et certains de ses
dirigeants arabes alliés, qui veulent
cette guerre et qui frappent les
tambours pour elle. Ils devront en
supporter les conséquences. Nous
soutenons qu’ils vont sortir vaincus.
Les Arabes, ayant sombré dans les
profondeurs de l’humiliation et de la
soumission, n’ont plus rien à perdre.
*
Abdel Bari Atwan est le rédacteur
en chef du journal numérique
Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de
L’histoire secrète d’al-Qaïda, de
ses mémoires,
A Country of Words, et d’Al-Qaida
: la nouvelle génération. Vous
pouvez le suivre sur Twitter :
@abdelbariatwan
25 avril 2019 –
Raï al-Yaoum – Traduction :
Chronique de Palestine – Lotfallah
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