Iran
Ne sous-estimons pas l’Iran !
Abdel Bari Atwan
Abdel Bari Atwan -
Photo : Quantara.de
Vendredi 2 août 2019
Abdel Bari Atwan
– Les États-Unis et leurs alliés
seraient totalement stupides de
continuer à pousser Téhéran à bout.
Les États-Unis et
leurs alliés occidentaux qui s’affairent
aujourd’hui contre l’Iran commettent une
grave erreur de jugement. Ils
sous-estiment le pouvoir de l’Iran et de
ses alliés dans la région, leur réaction
probable aux provocations militaires et
politiques auxquelles ils sont soumis et
les conséquences potentiellement
désastreuses d’une nouvelle escalade.
La crise actuelle
liée à la détention de pétroliers en est
le meilleur exemple.
Lorsque le
dirigeant iranien Ali Khamenei a averti
que son pays allait se venger de la
saisie par les forces britanniques la
semaine dernière d’un pétrolier iranien
dans le détroit de Gibraltar, les
autorités de la Grande-Bretagne ont
estimé qu’il ne s’agissait que d’une
exagération verbale. Ils ne
s’attendaient pas à ce que la menace
soit traduite dans la pratique. Mais
cela s’est réalisé : les forces navales
iraniennes ont procédé à la saisie d’un
pétrolier britannique dans le détroit
d’Hormuz, affirmant qu’il avait violé la
réglementation maritime, s’était heurté
à un bateau de pêche iranien et avait
pollué les eaux du Golfe.
Le Royaume-Uni n’a
pas arraisonné le pétrolier iranien
Grace Ibec parce qu’il avait enfreint
les lois, mais sur instructions de
Washington. Et les gardiens de la
révolution iraniens n’ont pas saisi deux
pétroliers britanniques dans le Golfe
(dont un a été relâché par la suite)
pour des raisons de sécurité ou
d’environnement. Ils l’ont fait pour
obtenir une monnaie d’échange afin de
forcer les autorités britanniques à
restituer leur propre navire.
Les dirigeants
iraniens veulent envoyer un message
clair aux États-Unis et à leurs alliés
occidentaux : ils tiennent parole et ne
resteront pas sans réaction face à un
assaut concerté contre leur économie et
leurs intérêts. Cela poussera les choses
aussi loin que nécessaire, même si la
situation dégénère en guerre totale.
Surtout, l’Iran n’est pas disposé à
répéter l’expérience de l’Irak qui a été
soumis à un blocus économique de huit
ans avant de se voir envahi et dévasté
et son régime renversé. Il espère que le
message a été reçu et bien compris.
L’Iran ne restera
pas en retrait et ne permettra pas que
son peuple soit soumis à la famine ou à
l’étranglement de ses exportations de
pétrole. Les flottes et les porte-avions
américains ne l’impressionneront pas, et
les éventuelles négociations ne se
dérouleront qu’à des conditions qui
seront les siennes. Il a montré sa
détermination en abattant un drone
américain qui n’avait pénétré que d’une
courte distance dans son espace aérien,
et en mettant en œuvre sa menace de
produire et de stocker plus d’uranium
que prévu dans l’accord nucléaire après
l’abandon de ce dernier par les
États-Unis. Si Washington et ses alliés
ne comprennent pas le message, ils
risquent de commettre une nouvelle
erreur stratégique catastrophique qui
leur coûtera très cher, à eux et à leurs
obligés dans la région.
Aucun de ces alliés
n’a encore cédé aux pressions pour
rejoindre la nouvelle alliance
anti-iranienne proposée par les
États-Unis, à l’exception des
gouvernements de l’Arabie saoudite et
des Émirats arabes unis. Ceux-ci doivent
jouer leur rôle habituel en réglant les
factures de cette alliance et en
ravitaillant et entretenant ses navires
de guerre avec l’argent de leur peuple.
La force de l’Iran
ne découle pas de son arsenal de
missiles balistiques et de petits
bateaux de guerre difficiles à détecter,
mais de sa volonté de résister, et de sa
capacité à exercer des représailles
contre toute agression.
Lors de mon
interview samedi au programme
Dateline de la BBC à Londres, on m’a
demandé, si j’étais conseiller auprès de
la première ministre britannique Theresa
May, quelle serait ma recommandation au
sujet de la détention du pétrolier
britannique. J’ai répondu que même si je
n’étais pas et ne serais jamais dans une
telle situation, je lui conseillerais
(1) de libérer le pétrolier iranien, (2)
de le faire sans délai, et (3) de
prendre ses distances de la politique
téméraire de Tump, sous peine de se
retrouver confrontée à une avalanche de
problèmes au Moyen-Orient et en
particulier dans le Golfe.
L’Iran n’est pas
isolé. Ses alliés de « l’axe de
résistance » régional – en Syrie et en
Irak, au Liban et au Yémen sont
également déterminés à résister et à
exercer des représailles contre toute
agression. L’époque où les gouvernements
du reste du monde faisaient la queue
pour rejoindre les « diverses »
coalitions et jouer un rôle symbolique
dans les guerres du Moyen-Orient,
convaincus qu’ils ne rencontreraient que
peu de résistance, est bel et bien
révolue.
*
Abdel Bari Atwan est le rédacteur
en chef du journal numérique
Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de
L’histoire secrète d’al-Qaïda, de
ses mémoires,
A Country of Words, et d’Al-Qaida
: la nouvelle génération. Vous
pouvez le suivre sur Twitter :
@abdelbariatwan
21 juillet 2019
–
Raï al-Yaoum – Traduction :
Chronique de Palestine – Lotfallah
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