Tunisie
Tunisie. Sauver le
blogueur Zakaria...
Zohra
Abid
Mardi 21 février
2012
Zakaria Bouguira, un jeune étudiant en
médecine (et blogueur à ses heures) a
été torturé après le 14 janvier et,
selon ses dires, la police continue à le
persécuter. Une pétition à signer vient
d’être lancée.
Par Zohra Abid
Dans cet appel, une date limite a été
fixée au 29 février et une adresse email
mise à la disposition de ceux qui
souhaitent soutenir le jeune homme
traumatisé par ce qu’il a vécu et par ce
qu’il a vu, de ses propres yeux, au
moment de son arrestation. Et pas
seulement! Car après avoir porté
plainte, il a été contraint de signer la
version dictée par la police de son pays
post-révolutionnaire. Ceux qui veulent
se joindre au mouvement de sa défense
n’ont qu’à se rendre sur le site de
l’association Action des chrétiens pour
l’abolition de la torture (Acat).
L’homme qui
filme avec son portable
Selon ce que raconte le jeune homme,
son seul tort est d’être blogueur. Et de
se trimballer souvent avec son portable
filmant des scènes du quotidien afin de
les diffuser sur son blog. Ceci déplaît
à certains agents de la police qui n’ont
pas encore rompu avec les anciennes
pratiques sous Ben Ali.
L’histoire de ce jeune homme à la
fleur de l’âge avec la police a démarré
dimanche 13 novembre 2011. Une date
gravée dans sa mémoire et il aurait
beaucoup de mal à l’oublier. Du moins
pour l’instant. Ce jour-là, il était par
hasard avec sa mère à l’aéroport.
C’était au moment où une cinquantaine de
supportes marocains – venus assister au
match de football disputé entre
l’Espérance de Tunisie et Widad
Casablanca et qui a débouché sur un lot
de violences et de dégradations –, qui
s’apprêtaient à prendre le vol du
retour, ont été tabassés par la police
des frontières. Zakaria Bouguira n’a pas
laissé la scène lui échapper et s’est
empressé de la filmer avec son téléphone
portable. Du coup, l’un des agents l’a
violemment appréhendé avant d’appeler en
renfort une vingtaine de ses collègues
lui assénant «devant témoins, et
toujours à l’aéroport, des coups de
poing, de pied et de matraque».
Zakaria
Bouguira
Polices et
journalistes complices
Les policiers, pris en flagrant
délit, l’ont traité de traître. Ils
craignaient qu’il mette la vidéo de
l’arrestation violente des Marocains sur
Facebook.
Conduit par la suite au poste de
police des frontières, le jeune homme
est passé encore à tabac... Selon son
récit, il a été cogné davantage par tous
les agents qui passaient dans le bureau.
L’homme raconte même amèrement les
menaces de viol. Les policiers l’ont
notamment menacé de l’envoyer dans le
centre de détention de Bouchoucha disant
que là-bas «on l’obligerait à mettre une
jupe et on le violerait».
Pendant les interminables moments de
son arrestation à l’aéroport, Zakaria a
assisté à des scènes de brutalité à
l’encontre des Marocains arrêtés par
notamment un certain policier qui serait
un représentant syndical de la police
des frontières et qui a raconté sur un
plateau de télévision exactement
l’inverse de ce qui s’est passé en
faisant croire au monde qu’il était même
une victime d’agression de ces
supporters.
Ce que raconte encore le jeune homme
est presque irréel. Selon lui, une
équipe de journalistes d’une télévision
nationale s’est déplacée à l’aéroport et
a été autorisée à filmer les supporters
marocains. Les journalistes, encore
selon Zakaria, en parfaite complicité,
ont demandé à la police des frontières
de nettoyer les visages des détenus, le
sol et les murs de la salle, entachés de
sang, avant de filmer une séquence pour
la télévision.
Ceci a énormément affecté le jeune
homme qui suivait ce qui se passait et
n’en revenait pas.
La maman de Zakaria était tout ce
temps-là affolée. Des appels ont été
vite lancés sur les réseaux sociaux. Un
rassemblement a eu lieu devant le poste
de police de l’aéroport. Une avocate est
arrivée et l’étudiant fut libéré. Pas
vraiment!
Pour une
justice équitable
Le 20 janvier 2012, Zakaria a aperçu
le même agent de police (et représentant
du syndicat de la police des frontières)
assis dans la terrasse d’un café. Il n’a
pas pu se retenir. Et a provoqué le
policier en lui lançant des propos du
genre «C’est ça ton travail? Frapper et
torturer des gens sans défense? Des gens
appréhendés et immobilisés? Et tu es
fier en faisant ça?». Le policier s’est
énervé mais n’a ni réagi ni perdu son
sang froid. Du moins dans l’immédiat, il
y a trop de monde au café. Le même jour,
sur
le blog Nawaat, le jeune homme a
tout balancé, a tout vomi.
Dix jours après cet incident, qui n’a
pas eu jusque-là de suite, il y a eu un
sit-in devant le Premier ministère.
Zakaria était là. Le policier cogneur
aussi.
Une petite heure après ce regard
croisé, l’agent a alerté ses collègues
qui ont arrêté le blogueur. De peur
d’être torturé à nouveau et ne pas être
libéré, ce dernier a signé ce qu’on lui
a demandé de signer. C’est-à-dire la
version de la police de ce qui s’est
passé le 13 novembre 2011.
En quittant le poste de police,
Zakaria Bouguira a déposé une seconde
plainte. Sur cette base de données, l’Acat-France
a adressé une lettre au ministre de
tutelle lui demandant «de diligenter
immédiatement une enquête effective,
indépendante et impartiale».
Voilà l’histoire de ce jeune homme
désespéré par la police de son pays,
telle qu’il l’a racontée, écrite et
signée. Le reste est l’affaire de la
justice…
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Publié le 22 février 2012 avec l'aimable
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