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Récits de la torture ordinaire dans les geôles tunisiennes (3/4)
Zohra Abid

Jeudi 16 juin 2011

L’homme, qui avançait avec peine, a gardé jusque-là le silence de peur qu’il ne soit achevé. Même après le 14 janvier. Il s’est forcé de parler quand même! Par Zohra Abid

Visage labouré par des rides, joues creusées, cheveux sel et poivre, se tenant à peine debout, Rached Jaïdane a témoigné jusqu’au bout de ses forces.

De la fac aux geôles
M. Jaïdane n’était pas prévu au programme. Il était venu tout simplement pour assister, écouter ce qu’on racontait sur la torture que lui-même avait subie des années durant. Prenant place au fond de la salle, il passait sous silence, enfin presque! Car, les témoignages de Mohamed, puis d’Aymen, les réactions des représentants de la société civile, lui ont redonné confiance en lui et une bonne dose de courage. De la force pour se manifester et raconter, lui aussi, son histoire avec les tortionnaires et les geôliers depuis les années 1970. Là, on parle de l’ère Bourguiba. Oui c’était à l’époque du libérateur du pays.
Chétif, pâle, l’homme boitait, chancelait. Comme s’il avait le vertige. «Je vais essayer d’être bref. Je suis en train de me forcer pour écrire ce que j’ai subi. Enfin, je vais essayer si j’ai encore des forces», a-t-il lancé. «J’ai été prof adjoint à l’université. Ce fut un temps!», a-t-il dit d’une voix blessée. Puis il n’a pas pu se retenir. Il avait tant de choses à raconter, ça le soulageait peut-être de s’extérioriser, de partager sa peine, de déballer tout ce qu’il avait sur le cœur: «J’ai vécu presque les mêmes choses. J’ai souffert de la torture».

Dans la cellule, il voyait tout en noir...
«Toute sorte de torture. En poulet rôti, mis à poil, enchaîné, suspendu par une seule jambe. On utilisait tout. Mes organes ont même subi des chocs électriques... et tout mon corps n’a pas été épargné. La matraque, la baignoire, le  goutte-à-goutte... A chaque fois qu’on me prenait et c’était pour passer.... à la séance routinière. Comme ça! Et toujours menotté, enchaîné», a-t-il lâché.
Il a enchaîné qu’à chaque fois, il se voyait à deux doigts de la mort, c’était pire que la mort. La mort, il la souhaitait. Surtout lorsqu’il a parlé des bâtons qu’on enfonçait dans tous ses orifices... «Des fois, leur arme, c’était la ‘‘falka’’ (trique). On me tabassait partout. Omar S... et Belhassen K... me tabassaient sans pitié et trouvaient du plaisir à inviter leurs complices parmi des détenus pour me faire subir des humiliations... Et pour ne pas entendre mes cris des autres cellules, on mettait dans ma bouche un tuyau d’eau... Après, ils appuyaient sur mon corps pour faire sortir l’eau que j’ai avalée», se rappelle le professeur à qui on a interdit plus de six ans de toucher à un stylo ou à un papier. «Plus tard, toujours isolé dans ma cellule humide, il m’était arrivé plusieurs fois de ramasser pendant ma promenade quotidienne de cinq minutes les paquets de cigarettes jetés par terre par les détenus. Ça me servait de papier pour griffonner n’importe quoi. Je notais des équations de math. En tombant dessus, le scénario se répétait. Je récidivais et eux récidivaient. Les coups de matraque me tombaient dessus et les insultes, les humiliations aussi...», raconte-t-il, comme libéré du poids du souvenir.

Il vaut mieux s’en débarrasser
Comble de l’humiliation, M. Jaïdane s’entendait dire: «Voilà où ta science t’a conduit». C’était devenu insupportable. Plusieurs fois, Rached voyait en noir et faisait la grève de la faim. Ça n’a servi à rien. Personne n’était au courant de ce qu’il subissait. «Même après la libération en 2006, alors que je croyais que tout était fini, à deux reprises, j’ai été percuté par une voiture». Mais pourquoi? Une personne a lancé dans la salle: «C’est pour détruire définitivement toute trace».
Rached souffre aujourd’hui de zona, une maladie virale. Il n’a pas pu continuer. Trop dur pour lui de se rappeler... Etes-vous prêt à pardonner? «Non! Ils nous ont fait tellement du mal... Rien que pour la mémoire, de mon frère, aujourd’hui, mort, qui, à cause de moi, est mort du cancer, laissant derrière lui des orphelins, je ne pourrais pas leur pardonner. Que la justice soit faite d’abord!». Et d’ajouter qu’il n’oubliera jamais ce que lui ont fait endurer les Abdelaziz J... et Ali S.
Qu’avez-vous fait pour mériter tout cela? La question était presque superflue.  M. Jaïdane a répondu quand même: «On a dit que je préparais, dans les années 1970, un coup d’Etat. Regardez-moi! Suis-je vraiment capable de renverser tout un Etat!», a-t-il lancé à l’assistance. Eberlués, les gens dans la salle, n’avaient plus rien à dire. Si, l’un d’eux a lancé: «Non à la réconciliation avant la sanction».
Dix minutes plus tard, alors que le débat était lancé sur l’opportunité de passer l’éponge sur tant d’injustice, on a appris que Rached s’était évanoui dans la salle d’à côté. A trois reprises... Arrivera-t-il un jour à écrire ses mémoires! Pour l’histoire, le pays en a vraiment besoin! Cela lui permettrait, sinon d’oublier, du moins de se débarrasser d’un si lourd fardeau…

Lire aussi :
Récits de la torture ordinaire dans les geôles tunisiennes (1/4)
Récits de la torture ordinaire dans les geôles tunisiennes (2/4)

Copyright © 2011 Kapitalis. Tous droits réservés
Publié le 17 juin 2011 avec l'aimable autorisation de Kapitalis

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Source : Kapitalis
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