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Opinion

Récits de la torture ordinaire dans les geôles tunisiennes (2/4)
Zohra Abid

Mercredi 15 juin 2011

Après des années passées entre les sous-sols du ministère de l’Intérieur et les geôles de diverses prisons, Aymen Arwa revient sur cet épisode de sa vie. Comme dans une série noire télévisée. «Difficile de pardonner», dit-il... Par Zohra Abid

Le témoignage du jeune homme, au cours de la rencontre organisée, samedi, à Tunis, par l’association Nou-R (Nouvelle République), renvoie encore une fois aux pratiques des services de sécurité tunisiens sous Ben Ali. Alors que tout le monde applaudissait le dictateur et applaudissait le pays de la paix et de la tolérance, ses tortionnaires étaient en train de faire le sale boulot...

«On m’a dit que je finançais les salafistes»
Aymen semble porter encore et pour toujours le poids de sa détention sur les épaules. Il n’en revient toujours pas. Il n’en croit pas ses yeux! Est-il vraiment en liberté? Serait-il en train de rêver? Est-il encore en vie? Le passé le suit, le hante, le tue chaque jour... Après tant d’années perdues, tant d’années d’humiliation et de torture, Aymen se sent perdu. Pour faire le vide, se ressourcer peut-être, il est allé à Djerba, son île natale. Arrivera-t-il à oublier et à refaire sa vie? C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

Aymen Arwa a passé cinq ans de sa vie à l’ombre. Un vrai taulard! Son histoire a commencé en 2006. Des va-et-vient et des séjours dans les prisons de la république. Mais quel crime a-t-il commis? Son seul tort est d’avoir ouvert un magasin d’informatique à la Cité El Ghazala (Ariana) et qu’il a eu, parmi ses clients, des femmes voilées. «Ils m’ont dit que je faisais partie d’un groupe salafiste et que je devais redire ceci et signer cela», raconte Aymen. Et d’ajouter: «On m’a dit aussi que je finançais les salafistes».
Aymen poursuit son récit poignant: «En 2004, mon magasin a été saccagé trois ou quatre fois. Le matériel confisqué, les clients qui fréquentaient mon magasin arrêtés...».
Cette accusation a valu à l’informaticien un long séjour dans diverses prisons du pays. «J’ai tout subi: le système de torture appelé «poulet rôti», menotté et enchaîné des pieds et les mains, suspendu au plafond la tête en bas et fouetté jusqu’à l’évanouissement», raconte Aymen. Qui se rappelle des interrogatoires dans la cave du ministère de l’Intérieur ou du bâtiment d’à côté. «J’ai dû donner les preuves que j’ai une dette à la banque de 12.000 dinars (frais d’équipements du magasin). Que je suis en train de rembourser la créance peu à peu. Que je n’ai pas les moyens pour financer les salafistes ou autres, que je venais de fonder un foyer et que mon épouse est enceinte... On m’a quand même collé une accusation qui ne m’est jamais venue à l’esprit, après avoir obtenu de moi, par la torture, tous genres d’aveux, qu’ils m’ont eux-mêmes dictés».

«Pitié, je signe tout ce que vous voulez!»
Aymen dit qu’il était prêt à signer n’importe quoi, n’importe quel papier. L’essentiel pour lui était d’en finir. Il ne supportait plus la douleur physique et morale. Selon lui, les tortionnaires qui l’ont malmené l’ont prévenu: s’il revenait sur ses propos devant le juge d’instruction, ils reviendraient à la charge.    
Deux mois à la prison du 9-Avril de Tunis dans une cellule isolée. Cinq minutes de promenade le matin ou l’après-midi et ne voyant presque pas un rayon de soleil. Sans parler de la cellule mal éclairée. Ceci n’est que le commencement. La suite, ailleurs. Direction: Gafsa. «Pendant huit mois là-bas, muet. Si un détenu m’adressait la parole, même pour me saluer, il était perdu. Et moi avec. Car ils nous prenaient tous les deux pour nous faire subir toutes les formes de  torture». Ainsi, aucun détenu de la prison de Gafsa ne l’abordait. «C’est horrible de ne pas parler, ça tue... Un jour, je n’en pouvais plus, je me suis acharné sur le portrait du président déchu accroché dans la cellule. Je l’ai déchiré. A cette époque, c’était considéré comme un crime», se rappelle Aymen. Après cet «acte grave», on a dû le transférer à Tunis pour le juger. Il a écopé dix ans. «A la prison de Mornaguia, un président de tribunal encore en exercice a fait du chantage à mon père pour qu’il accepte de lui vendre (ou lui céder, je ne sais pas exactement) un terrain contre ma libération. Pour ce, mon père, qui était professeur, aurait pu faire n’importe quoi. Au final, il a tout vendu, tout perdu, laissé tout tomber et quitté Djerba. Il n’en pouvait plus», se souvient l’homme qui a cru qu’après les sacrifices de son père, il allait être libéré. Et bien non! Sa peine a été prolongée quand même.

Aymen et ses geôliers
«On m’a transféré à une prison à Jendouba. Un certain B... a fait de moi ce qu’il voulait... Avec la complicité des prisonniers, on m’a fait subir l’inimaginable. On vous laisse à poil, on vous..., on vous oblige de dire que vous êtes un..., que votre mère est... que votre sœur est... et vous entendez un chapelet d’humiliations gratuites... Entendre cela en présence des autres détenus, il n’y a pas plus rabaissant pour un homme». Et de poursuivre s’il ne se soumettait pas aux ordres d’un certain B. et ses complices se mettaient en colère. «Menotté, enveloppé dans un drap, accroupi et mis en boule et en avant les matraques... Je saignais de partout, je vomissais du sang...  Puis on revenait à la charge, si je résistais à leur désir, ils s’en prendraient à ma femme, me disaient-ils», raconte l’homme. «Et parce que B. faisait correctement son boulot, il a toujours mérité des galons», précise Aymen.
En janvier 2011, les geôliers ont, selon M. Arwa, montré de fausses cartes de grâce aux détenus. «Nous avons cru à une libération. Ils nous ont fait sortir menottés de la prison. Nous nous sommes retrouvés derrière les barreaux une autre fois. A Sfax. Et rebelote, rien n’a vraiment changé. Un geôlier est toujours égal à lui-même», a-t-il dit. Et de préciser que ce qui se passe dans les prisons est irréel. «J’ai vu mourir des gens devant mes yeux parce qu’ils n’ont pas été soignés et pas secourus à temps. Aujourd’hui, je suis certes libre. Mais au fond de mon âme, je me sens massacré. Ma vie est foutue, chômeur, marginalisé et marqué à vie. Les années de torture sont là dans ma tête, jour et nuit. Et physiquement, j’en garde des séquelles».
A la fin du récit, une question s’est imposée, dictée par les appels actuels à la réconciliation nationale: Êtes-vous prêt à pardonner à vos tortionnaires? Réponse d’Aymen: «Difficile, difficile de leur pardonner».

A suivre

Lire aussi :
Récits de la torture ordinaire dans les geôles tunisiennes (1/4)

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Publié le 16 juin 2011 avec l'aimable autorisation de Kapitalis

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Source : Kapitalis
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