Opinion
Tunisie. Les trois
non de Moncef Marzouki
Zohra
Abid
Mardi 13 septembre
2011
Non au référendum. Non à la publicité
politique. Non à l’argent sale. Mais
plus de justice sociale, plus de
transparence, plus de sécurité... Tels
sont les mots d’ordre de Moncef Marzouki.
Par Zohra Abid
Comme prévu, le
leader du Congrès pour la république (Cpr)
et ses camarades ne se sont pas
contentés, lors de leur conférence de
presse, samedi à Tunis, de dévoiler les
noms des têtes de listes et de rendre
publiques les grandes lignes de leur
programme. Ils ont (et surtout) mis
l’accent sur les dérapages du
gouvernement et de certains partis. Et
sur la nécessité de ne pas se laisser
faire.
Haro sur le ministère de
l’Intérieur
Pour ce qui est des têtes de listes
et du programme, tout est sur
le site du parti. Mais pour le
reste, il y a tant de problèmes à régler
pour mener le pays à bon port. Pour
Marzouki et ses camardes, il y a trop de
flou dans le paysage politique. Il faut
tenir bon et ne pas lâcher. Sinon il y a
risque que «la Tunisie aille droit au
mur».
Concernant la sécurité dans le pays,
le numéro 1 du Cpr s’étonne que, dans
une situation de transition, les
services de la sécurité ne font pas leur
boulot. «Lorsqu’il y a une manifestation
pacifique, ils débarquent en force et
répriment avec une rare violence les
protestataires. Mais lorsqu’il y a
urgence pour réagir, ils brillent par
leur absence et se montrent incapables
d’intervenir. Comme c’était le cas dans
les actes de violence ayant eu lieu ces
derniers temps notamment à Douz,
Metaloui, Sbeitla... Le ministre de
l’Intérieur doit s’expliquer», a-t-il
affirmé. Il y a apparemment une certaine
volonté politique pour provoquer des
conflits entre les habitants de ces
villes. Reste à identifier qui sont
derrière ces manœuvres…
Le deuxième point souligné touche
l’état d’urgence. Là-dessus, M. Marzouki
s’est montré catégorique : «L’état
d’urgence doit être décrété par un
gouvernement légal. Or, le nôtre est
loin de l’être. Je ne vois pas pourquoi
il insiste à le décréter. C’est
illégal», a-t-il insisté.
Un niet au référendum
Le dossier du ministère de
l’Intérieur, selon M. Marzouki, est à la
fois lourd et compliqué. Il ne faut
surtout pas le négliger. Evoquer, à
chaque fois, la démission du ministre
est devenu la rengaine du Cpr. «Nous
avons toujours appelé à la démission de
ce ministre qui, aujourd’hui, fait face
à la division au sein même de son
ministère», a souligné le chef du Cpr.
Il s’interroge : «Si un ministre de
l’Intérieur n’arrive plus à contenir ses
agents, comment pourrait-il donc assurer
la sécurité dans le pays ?»
Quid de la position du Cpr en ce qui
concerne la proposition faite par
certains partis d’organiser un
référendum sur la Constituante ? Le Cpr
voit rouge : non c’est non. Et sans
retour. M. Marzouki n’arrive pas à
contenir sa colère : «Nous refusons
catégoriquement une loi sur le
référendum». La dernière des dernières
manœuvres, selon lui, c’est un complot
ou presque : «Quelques responsables au
ministre de l’Intérieur ont rencontré
des hommes d’affaires et des hommes de
médias pour écarter Ennahdha, le Poct et
le Cpr du paysage médiatique», a affirmé
M. Marzouki. Et d’expliquer : «Cette
information a été diffusée par Radio
Kalima puis reprise par certains réseaux
sociaux. Jusque-là, les concernés n’ont
pas fait de démenti. Aucune réaction. Il
y a silence», a-t-il lâché.
Selon Abderraouf Ayadi, membre du
bureau exécutif du Cpr, «la constituante
sera élue par le peuple. Donc légitime.
Un : pour accomplir pleinement son rôle
; deux : pour choisir le gouvernement
qui répondra aux attentes de ce peuple.
Puis, nous ne voyons aucun inconvénient
à ce qu’elle reste trois ou quatre ans»,
a-t-il expliqué, un brin provocateur. Et
d’ajouter qu’il faut être vigilant face
aux manœuvres de ceux qui appellent à un
référendum. «Il s’agit de quelques
partis qui ne défendent que leurs
intérêts étriqués et non ceux du peuple.
Ils courent derrière le pouvoir et
aiment y arriver au plus vite. C’est
pourquoi ils sont pressés», conclut Me
Ayadi.
Dis-moi si je me trompe !
La publicité politique est un mal que
l’on fait au pays. Et c’est indigne,
s’emporte encore Dr Marzouki. Dans une
pique contre M. Néjib Chebbi, leader du
Parti démocratique progressiste (Pdp),
qui en abuse, le chef du Pcr dit avec
ironie qu’il trouve indigne qu’un chef
de parti prenne l’antenne à la radio et
à la télévision et se vende comme une
marchandise. «Comme s’il vendait du
yaourt», s’insurge- t-il. Et de hausser
encore le ton : «Le peuple ne peut pas
compter sur ces personnes. Non à la
corruption dans la démocratie. Les
hommes d’affaires propres n’entreront
jamais dans ce jeu», a-t-il ajouté.
Selon lui, ceux qui font appel à ces
pratiques font de petits calculs. «La
politique c’est aussi de l’éthique.
Qu’on arrête la publicité politique pour
que la démocratie ne soit pas affectée à
la naissance. C’est grave, ce qui se
passe».
Evoquant le nombre de partis qui n’en
finit pas d’augmenter, M. Marzouki
apporte son explication. Le Rcd a certes
été dissous, mais des dizaines d’autres
partis ont été légalisés qui sont
dirigés par d’anciens Rcdistes.
«Aujourd’hui, on voit à la tête de
quelques partis des personnes
poursuivies par la justice», déplore M.
Marzouki, qui critique la partie qui a
délivré autant d’autorisations, par
allusion au ministère de l’Intérieur.
Les investisseurs : «Dans ce pays, il
y a encore des gens dignes. Les
investisseurs qui ont les mains propres
seront là au bon moment et ne reculeront
pas face à à leurs devoirs. Ils seront
les bienvenus au Cpr pour reconstruire
le pays avec transparence et développer
les régions».
Pour parler de la justice, la parole
a été donnée à Me Mohammed Abbou. Le Cpr
refuse l’actuelle composition du Conseil
supérieur de la magistrature (Csm),
toujours dépendant du pouvoir exécutif.
«Ce sont les mêmes juges qui ont
travaillé sous Ben Ali. Le réflexe de
l’indépendance est difficile à
instaurer. Il nous faut un conseil
composé d’avocats, de professeurs de
droit, d’huissiers et autres juristes»,
propose l’avocat qui appelle à la
réforme dans le corps de la justice.
Mais aussi celui de la sécurité, qui
doit préserver l’ordre sans porter
atteinte aux droits de l’Homme, et des
médias, en développant notamment le
journalisme d’investigation et la presse
électronique.
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Publié le 13 septembre 2011 avec
l'aimable autorisation de Kapitalis
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