Tunisie
A chacun son 1er
mai et l'Avenue pour tous
Zohra Abid
Mardi 1er mai 2012
La célébration de la fête du travail,
mardi, au centre-ville de Tunis, avait
une forte connotation politique. Mais
pour une fois, il n’y a eu ni matraques
ni bombes lacrymogènes. C’est donc
possible…
Par Zohra Abid
A l’appel des syndicalistes, les
salariés, chômeurs, défenseurs des
droits de l’Homme, militants de gauche,
de droite, de divers courants islamistes
et autres ont répondu présents. Et en
grand nombre, à l’avenue Habib
Bourguiba, à Tunis.
Une ambiance
festive
Ensemble
nous avons fait la révolution, ensemble
nous construirons l'Etat.
Dès la veille, l’Union générale
tunisienne du travail (Ugtt, première
centrale syndicale) a mis de l’ambiance
dans «l’Avenue»: du chant et de la
musique devant le Théâtre municipal.
L’Horloge a été, lundi soir, habillée
par des images de la révolution, dans un
spectacle de sons et lumières. C’était
pour seulement quelques heures avant
qu’elle ne soit «déshabillée» sur ordre
du ministère de l’Intérieur. Les
Tunisiens qui sont descendus le
lendemain, n’ont pas eu la chance de
revoir ces souvenirs de la révolution.
Dommage.
En cette journée de grand
rassemblement, sur un fond de crise et
de tension entre le gouvernement et une
partie de la population, impatiente de
percevoir les premiers dividendes de la
révolution, on craignait le pire.
Notamment un remake des affrontements
survenus le 9 avril dernier, lors de la
marche de la Fête des martyrs, entre la
police et des manifestants. Or, la
marche, qui a bien commencé, s’est
presque bien terminée également. On n’a
enregistré que quelques petits
accrochages sans gravité, ici et là,
mais pas vraiment de dégâts à signaler.
Funérailles symboliques du défunt…
emploi.
L’avenue était donc pleine à craquer.
70.000 ou 80.000 personnes ont fait le
déplacement. Ce qui démontre la capacité
de mobilisation de l’Ugtt. Une marée
humaine, agitant des drapeaux, des
banderoles, et des slogans politiques,
chacun selon son obédience et ses
préoccupations du moment. Tout le monde
proteste à sa manière. Les uns grimpent
sur les lampadaires, d’autres sur des
arbres, d’autres encore paradent
simplement et chacun veut prendre des
photos et immortaliser les instants de
la fête du 1er mai, version
2012.
Comme dans
une campagne électorale
Trois autorisations ont été accordées
par le ministère de l’Intérieur à 3
centrales syndicales. Et tout le monde
s’est mobilisé pour que tout aille au
mieux et que les milliers de citoyens
qui se sont déplacés du nord, du sud et
d’ailleurs ne rentrent ni déçus ni
blessés chez eux. Pour éviter les
dépassements, l’Ugtt a pris les mesures
qu’il faut en engageant des centaines de
ses militants. La police quadrille, de
son côté, les coins et recoins du
centre-ville, en uniforme et en civil,
en véhicules ou à bord de mobylettes.
Part du
bassin minier dans l'emploi, entre
promesses et mensonges
Une majorité de manifestants a brandi
des slogans contre le gouvernement
dominé par Ennahdha l’accusant
d’incompétence, lui rappelant ses
promesses non tenues, stigmatisant ses
liens douteux avec le Qatar et l’Arabie
saoudite, critiquant la cherté de la
vie, l’économie en berne, la lenteur des
procès à l’encontre des snipers, qui ont
assassiné près de 300 personnes lors de
la révolution, ou encore le retard
enregistré dans le traitement du dossier
des blessés et martyrs de la révolution.
D’autres, moins nombreux, qui n’ont
pas caché leur sympathie pour le
gouvernement, n’ont pas cessé de crier «Echaâb
yourid Ennahdha min jadid» (Le peuple
veut de nouveau Ennahdha), comme si on
était déjà en campagne électorale.
Comme dans
une fête foraine
Des vendeurs à la sauvette se sont
fait, mardi matin, un peu de monnaie en
vendant des drapeaux, des ballons, des
pralinés, de pop corn, des cigarettes et
autres produits.
D’autres, des barbus, ont mis sur des
tréteaux mille et un parfums d’Orient
importés d’Arabie saoudite et un panel
d’encens Made in India.
Sahbi Atig
et Ennahdha ne ratent pas la fête.
Plusieurs commerces et cafés ont
baissé leurs stores. Dommage pour eux.
Car, les cafés et commerces restés
ouverts ont dû faire des recettes.
Surtout qu’il a fait assez chaud et que
tout le monde a eu besoin d’un soda,
d’une citronnade ou tout simplement de
l’eau.
Si seul le drapeau national a été
agité, les fameuses bannières noires et
blanches étaient également présentes,
mais timidement, et dans les ruelles
adjacentes. Parfois, leurs porteurs
n’ont même pas osé les déployer.
Quelques Allah Akbar de ralliement ont
fusé. Mais ce sont les slogans des
politiques qui ont résonné le plus.
La fête a démarré à la Place Mohamed
Ali, siège de l’Ugtt, avec le discours
du secrétaire général de la centrale
Houcine Abassi, assez critique à l’égard
du gouvernement Hamadi Jebali, et s’est
terminée comme prévu autour de l’Horloge
(ou plutôt de la Place des Martyrs) aux
alentours de 14 heures.
En début d’après midi, tout est calme
dans l’Avenue, qui a repris sa
trépidation habituelle. On apprendra,
par la suite, que des journalistes de
Nessma TV (qui ne pouvaient passer
inaperçus avec leurs gilets rouges) ont
été agressés et même transportés à
l’hôpital. De la à y voir des mains (et
des bras) d’extrémistes religieux, il y
a un pas que beaucoup ont franchi sur
les réseaux sociaux.
Sur ces mêmes réseaux, les uns et les
autres ont affiché leur succès. Ceux de
la centrale syndicale ont fait valoir
leur nombre impressionnant et leur
comportement civilisé. Ceux d’Ennahdha
ont fait tourner une vidéo représentant
Ali Lârayedh, ministre de l’Intérieur,
au milieu de manifestants nahdhaouis. On
y voyait aussi Sahbi Atig, autre
dirigeant d’Ennahdha, membre de l’Assemblér
nationale constituante (Anc). Les
syndicalistes, militants de gauche et
libéraux-bourguibistes ont diffusé, de
leur côté, des vidéos les montrent en
train d’appeler à la liberté, au travail
et au développement des régions.
Taieb
Baccouche se rappelle au souvenir de ses
camarades de l'Ugtt.
Chacun gardera de la
fête du 1er Mai les souvenirs
qui confortent sa vision et son
appartenance politique. Ainsi va la
démocratie…
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Publié le 2 mai 2012 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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