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Gaza. On ne peut rester indéfiniment isolés
Ziad Medoukh
Photo Palestine Solidarité
Jeudi 15 janvier 2009 « C’est peut-être l’une des nuits les plus
calmes depuis le début de cette guerre. Ce matin, ça a été
relativement calme. Les Israéliens ont bombardé le cimetière
Cheikh-Redouane : une maison qui se trouvait à côté a été
réduite en ruines. La radio israélienne a expliqué qu’il y avait
un activiste du Hamas dans le cimetière. Hier, un hôtel situé
sur la côte a été détruit par un missile lancé par un F-16 et
trois autres ont été endommagés. Sans faire de victimes parce
qu’ils étaient vides. Israël est peut-être en train d’évaluer la
situation.
Tiens, les tirs reprennent, mais avec moins d’intensité
qu’hier. Ce sont des chars postés à la périphérie de Gaza qui
tirent sur Zeïtoun. Le camp de Jabaliya, à 7 kilomètres de Gaza,
est bombardé en ce moment même. Plus de 100 000 personnes y
vivent. Si l’armée israélienne essaie d’y entrer, ce sera un
vrai massacre. En revanche, il n’y a pas eu de combat de rue
dans Gaza parce que les militaires israéliens sont restés à la
périphérie. Ce sont surtout les chars qui tentent de temps à
autre des incursions à l’intérieur de Zeïtoun ou par le
littoral. Depuis lundi, une unité de soldats israéliens occupe
un bâtiment de douze étages à l’entrée de Zeïtoun. Après avoir
regroupé plusieurs familles au niveau d’un seul étage, ils se
sont installés sur la terrasse qu’ils utilisent comme poste
d’observation et de tirs.
Cela dit, je crois que les pressions internationales sur
Israël ont été payantes : les manifestations massives qui ont eu
lieu en France et ailleurs en Europe, et même aux États-Unis,
ont servi à quelque chose. Sinon comment expliquer ce léger
mieux constaté depuis mardi à Gaza. Comment expliquer tous ces
convois humanitaires en provenance d’Égypte (près de quarante
camions ont traversé la frontière) mais aussi d’Israël. Ce qui
fait que ce matin il y avait plus de gens dans la rue et au
marché. On trouve du lait, des yaourts, de la farine et divers
produits, pas comme avant le blocus, mais c’est mieux que rien.
Mais il y a encore des files d’attente - moins longues qu’avant
- devant les boulangeries. La vie quotidienne reste tout de même
difficile. Les coupures d’eau et d’électricité continuent.
Tiens, un F-16. Il a tiré un missile. Je ne peux pas voir sur
quoi il a tiré. Tiens encore un autre…
Hier, de nouvelles ambulances sont arrivées par l’Égypte, en
même temps que du matériel médical et des médicaments.
En ce moment, la priorité est accordée aux hôpitaux. Ils sont
débordés. On a dû renvoyer les malades chez eux pour faire de la
place aux blessés. Il en est de même pour les blessés moins
gravement touchés qui sont renvoyés chez eux. Toutefois,
beaucoup d’entre eux ne savent pas où aller : soit parce qu’ils
n’ont plus de famille, soit parce qu’ils n’ont plus
d’habitation. Quant au corps médical - plus de 700 personnes -,
il est le seul qui travaille 24 heures sur 24 avec des risques
considérables. Depuis le début de la guerre, trois médecins ont
été tués.
Bon ! Comme on a du courant électrique pour quelques heures,
on est un peu mieux informé. Ici, les gens suivent de près ces
négociations entre l’Égypte et le Hamas. Ce qui prime pour eux,
c’est l’arrêt des combats. Trop de morts, trop de blessés.
On va bientôt passer le cap des 1 000 tués et des 5 000
blessés et de plus de 1 000 maisons détruites. Et encore,
personne n’a de nouvelles d’au moins 500 personnes. Beaucoup
sont détenues par les forces israéliennes. Mais les autres ?
Sont-elles mortes ? Y en a-t-il encore qui sont ensevelis sous
les décombres de leurs immeubles ? Seul un arrêt durable des
combats nous permettra de le savoir. Quant à l’initiative de
paix égyptienne, vous avez remarqué qu’elle n’évoque pas le
blocus imposé à Gaza ni la libre circulation des personnes, et
un tas d’autres choses importantes pour nous. Il faut savoir que
les Palestiniens de Gaza - et je ne pense pas me tromper - sont
absolument opposés au déploiement d’une force internationale à
la frontière avec l’Égypte chargée uniquement de surveiller les
Palestiniens. Le problème, ce n’est pas l’accord qui sera signé
mais son application. C’est pour ça qu’à la limite on peut
accepter des observateurs étrangers afin qu’ils s’assurent
qu’Israël respecte ses engagements. Car tout le monde sait que
l’armée israélienne n’a jamais respecté les accords signés.
Quant au Hamas, il se contentera d’un retrait d’Israël pour
crier victoire et rester au pouvoir. Or personne ne va lui
donner de l’argent. La communauté internationale va certainement
lui imposer un gouvernement d’union nationale. Certains au Hamas
en sont conscients et disent qu’il y aura des changements après
la fin de cette guerre parce qu’ils ne peuvent pas rester
indéfiniment isolés sur la scène internationale. Ils vont
peut-être se réveiller et faire preuve de réalisme.
Propos recueillis par Hassane Zerrouky
© Journal
l'Humanité
Publié le 16 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.
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