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Gaza. « Cette guerre a changé nos habitudes »
Ziad Medoukh
Photo Palestine Solidarité
Mardi 13 janvier 2009 « Ce matin, c’est un peu calme par rapport
à hier. Les heures de trêve ont changé : de 10 heures à 13
heures, au lieu de 13 heures à 15 heures. Il est 13 h 15, en
principe, ça devrait s’arrêter, ça bombarde encore mais pas
comme hier. Dimanche, les chars israéliens étaient sur la plage,
ce matin (lundi), ils n’y sont plus. L’armée israélienne qui
s’est approchée des quartiers de Zeïtoun et Ajlia, s’en est
éloignée ce matin.
Les Israéliens font toujours de petites incursions. On dirait
qu’ils testent les capacités de défense des résistants
palestiniens ou qu’ils cherchent à les disperser en ouvrant de
nouveaux fronts. Les maisons bordant le quartier de Zeïtoun,
abandonnées par leurs propriétaires, sont occupées par l’armée
israélienne. Les plus hautes sont utilisées comme site
d’observation et de tir. De toute manière, même en période
d’accalmie, les drones ne quittent pas le ciel de Gaza. On ne
les voit pas parce qu’ils volent à haute altitude. Ils
surveillent en permanence la ville.
Les F16 aussi, on ne les voit pas arriver, on ne les voit pas
du tout, mais on les entend. Les seuls qu’on voit, ce sont les
hélicoptères Apache. Justement, j’en vois un de ma fenêtre qui
se dirige vers le sud. Il va certainement balancer un missile.
Les Apache tirent surtout sur les véhicules et les combattants,
mais aussi sur des civils. Quant aux F16, ils sont utilisés pour
bombarder des maisons supposées abriter des gens du Hamas. Les
combattants, qui disposent de faibles moyens, ne peuvent rien :
ils tirent sans succès sur les hélicoptères Apache. Des
communiqués du Hamas, diffusés par les radios locales, affirment
avoir touché et abattu des drones ! Impossible à vérifier. Il
est 14 h 45. Un bruit de sifflement. Un missile. Une explosion.
Je ne sais pas où. Les bombardements (par terre, ciel et mer)
viennent de reprendre. Israël concentre ses tirs sur Zeïtoun et
Ajlia. Et comme d’habitude, les hôpitaux sont débordés et les
secours font du mieux qu’ils peuvent pour secourir les blessés.
Le chiffre de 1 000 morts va être bientôt atteint.
Les convois humanitaires en provenance (150 camions) des pays
arabes et de Turquie ont pu passer par Rafah, côté égyptien. Des
médecins égyptiens, jordaniens, algériens et marocains mais
aussi turcs sont également arrivés et sont déjà dans la ville de
Gaza. Et grâce à la Croix-Rouge internationale, des blessés
palestiniens ont pu être évacués vers l’Égypte, la Jordanie,
l’Algérie et le Maroc. Ce matin toujours, on a pu sortir en
ville. Il y a un peu plus de choses sur le marché pour ceux qui
ont encore de l’argent : les Égyptiens ont laissé transiter par
le poste frontière de Karim Abou Salem, réservé aux commerçants,
une trentaine de camions de produits alimentaires. Les autres,
la majorité des Palestiniens, comptent sur l’aide humanitaire
qui vient d’arriver. C'est toujours mieux que rien.
Cette guerre a changé nos comportements. On prend de
nouvelles habitudes, les enfants surtout. Ils ont mûri avant
l’âge. Ils sont moins exigeants, ne demandent plus d’argent pour
s’acheter des petites choses. Ils écoutent leurs parents, ne
protestent plus contre les plats qu’ils n’aiment pas, ils
mangent ce qu’il y a. La première semaine, ils ne dormaient pas.
Maintenant, ils dorment. Comme ils ne vont plus à l’école, ils
ont plus de temps, qu’ils occupent à jouer. Du fait de la
situation, le père est plus présent à la maison. C’est rassurant
pour les enfants. Il y a aussi plus de solidarité entre les
voisins. On s’entraide, on donne à ceux qui manquent de tel ou
tel produit alimentaire. On ne laisse pas tomber ceux qui
manquent de tout. Cette guerre est en train de resserrer comme
jamais les liens entre les Palestiniens.
Israël dit qu’il respecte le droit international mais la
question est de savoir pourquoi son armée tire sur les civils.
Grâce à leurs moyens, leurs informateurs (il y en a
certainement), les Israéliens sont parfaitement informés : ils
savaient où se trouvaient les chefs du Hamas. Ils ne veulent pas
les liquider. À mon avis, Israël veut contraindre le Hamas à
accepter un cessez-le-feu humiliant, il veut l’humilier non
l’anéantir, car il a besoin de lui pour faire pression sur
Mahmoud Abbas. Et en ciblant les civils, ils veulent nous
casser, casser notre moral, nous humilier également, mais sur ce
plan, ils perdent leur temps. Car, pour nous, à Gaza, la
priorité, c’est l’arrêt des combats, après on aura le temps de
demander des comptes aux uns et aux autres.
Propos recueillis par Hassane Zerrouky
© Journal
l'Humanité
Publié le 15 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.
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