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Gaza.
« Israël a ouvert de nouveaux fronts, c'est un enfer quotidien »
Ziad Medoukh
Photo Palestine Solidarité
Lundi 12 janvier 2009 La liaison est difficile aujourd’hui (on
s’entend très mal). Essaie le portable… Je crois que les
bombardements ont endommagé le réseau téléphonique. Ils veulent
peut-être couper les liaisons entre la résistance ou nous
empêcher (les civils) de communiquer avec nos proches à
l’extérieur. Pas de télés étrangères sur place, pas de
journalistes occidentaux, c’est une guerre sans témoins, sans
images, à huis clos ! Le jour où on les autorisera d’entrer, ce
sera fini : ce n’est pas comme témoigner en direct ! Au fait,
les manifestations en France et à Paris ? Ici, pas d’infos, ou
peu. Pas d’électricité, donc pas de télés. À peine deux heures
hier sur sept jours de coupure totale.
Depuis que des avions israéliens ont jeté des tracts
demandant aux habitants de certains quartiers de quitter leurs
logements, il y a un afflux de réfugiés vers le centre-ville.
Israël ne leur a pas laissé d’autre choix. Et le Hamas ne les a
pas empêchés de quitter leurs foyers pour ne pas être accusé de
s’en servir comme boucliers humains.
Ceux qui ont quitté leurs habitations se sont réfugiés chez
leurs cousins, des proches, des amis, parce qu’il n’y a plus de
place dans les établissements scolaires placés sous l’égide de
l’ONU, qui sont déjà pleins de réfugiés. Ce qui pose des
problèmes. Pas de cohabitation car on en a l’habitude, mais de
nourriture et de toutes ces petites choses qui font la vie des
gens. Depuis hier et même ce matin très tôt (car on dort presque
pas), j’ai vu arriver dans mon quartier de nombreuses familles
portant des sacs, des baluchons, fuyant les combats. Elles
viennent de la côte ouest de Gaza.
Depuis hier soir et, surtout, depuis ce matin, les combats
sont acharnés. Il y a toujours d’épais nuages de fumée s’élevant
dans le ciel. C’est un enfer quotidien. La trêve de trois heures
n’a pas été respectée. En tout cas, à l’heure où je parle - il
est 13 h 30 - les avions, les hélicoptères, la marine
israélienne et les chars tirent sans arrêt sur les quartiers de
Zeïtoun, de Cheikh Ajlin, de Tell Hawa…
L’armée israélienne a ouvert de nouveaux fronts. Ils essaient
de pénétrer dans la ville par plusieurs entrées. Des blindés et
des chars arrivent par la route principale de Salaheddine et par
le nord-ouest, par la route longeant le littoral vers Gaza
ville, vers le quartier de Cheikh Ajlin. Ils font de petites
incursions à partir de la plage et se retirent. Les combattants
palestiniens paraissent tenir. Mais les bombardements sont plus
intenses que les jours précédents. Il me semble que la marine de
guerre israélienne bombarde plus intensément que d’habitude le
quartier d’Ajlin. On ne sait pas ce qui se passe dans ce
quartier déserté par ses habitants. En revanche, les unités
d’élite israélienne continuent de regrouper des familles dans
une pièce d’une maison et les utilisent comme boucliers humains,
sachant que les combattants palestiniens ne peuvent pas riposter
avec des roquettes.
Les secours sont plus que débordés. Ils ne peuvent se porter
au secours des blessés et évacuer les morts que lorsque les
combats cessent. C’est à l’occasion d’une de ces trêves qu’un
ami a pu aller visiter sa maison, près du quartier de Zeïtoun,
en partie détruite. Histoire de ramener des effets personnels et
des tas d’autres choses. Ils sont nombreux ceux qui font comme
lui. C’est dangereux. Mais on ne peut pas empêcher quelqu’un
d’aller voir ce qu’est devenue sa maison. C’est comme ça…
La Croix-Rouge fait un travail remarquable. Bien que
débordées, ses équipes tentent de faire du mieux qu’elles
peuvent. Grâce à elles, des blessés ont pu être transférés par
Rafah vers les pays arabes, en Égypte, en Jordanie, au Liban et
même au Maroc, et des camions de vivres ont pu entrer dans Gaza
ville. C’est elle qui est intervenue pour aider des familles à
quitter leurs maisons quand ont débuté les bombardements des
quartiers nord-ouest et sud.
Hier, on a eu de l’eau. Deux heures seulement. Largement
insuffisant. On est toujours obligé d’aller la chercher à
l’extérieur. Une heure d’attente pour remplir deux jerricanes de
20 litres. Les rues deviennent de plus en plus sales : les
poubelles ne sont plus ramassées, les ordures s’amoncellent.
Israël ayant détruit les institutions de la ville, il n’y a plus
de services de la voirie. Demain, la reconstruction sera
difficile et coûtera cher. Et cela en plus des traumatismes de
toutes sortes subis par la population civile.
Propos recueillis par Hassane Zerrouky
© Journal
l'Humanité
Publié le 13 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.
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