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Ha'aretz
Itzhak
Rabin : un héritage, pas d'héritier
Yossi Sarid
Yossi Sarid
Aujourd'hui,
Israël marquait l¹anniversaire de l'assassinat d'Itzhak Rabin d'après
le calendrier hébraïque. Article pour sa mémoire, son héritage
(qui ne se réduit pas à Oslo) et contre ses faux héritiers. (LPM)
Ha¹aretz, 25 octobre 2007
http://www.haaretz.com/hasen/spages/916788.html
Au douzième anniversaire de l¹assassinat, l¹assassin suscite
plus d¹intérêt que la victime. Qu¹est censée faire la fille
de la victime du cadeau reçu pour cet anniversaire (1) ? Quel
dommage que le chef de la police ne lui ait pas offert d¹autres
enregistrements, qui en apprendraient beaucoup sur l¹implication
de politiciens et de rabbins dans ce qui a préparé le terrain
(dans les c¦urs et les esprits) de l¹assassinat. Dans leur hâte
de faire le
mal, ils ont désigné la cible. Mais jamais la police ni le Shin
Bet ne les ont interrogés. Il n¹y a donc pas de cassettes.
Lesdits politiciens et rabbins cachent aussi depuis lors son héritage,
et pour clamer leur innocence et dire « nos mains n¹ont pas fait
couler le sang », ils prétendent que Rabin n¹a laissé aucun héritage.
Mais bien sûr qu¹il a laissé un héritage, et pas seulement les
accords d¹Oslo. Que la mémoire s¹ouvre, que les choses s¹écrivent,
que les os revivent pour un moment.
Itzhak Rabin n¹était pas bon prêcheur, ni bon professeur, mais
il savait la pratique. Peut-être est-il le dernier à avoir mis
en pratique ce qu¹il prêchait, et cela, aussi, est un héritage.
Il n¹a jamais fait de l¹éducation
une priorité absolue, mais il fut le seul premier ministre à
essayer d¹améliorer le système. Lui et sa ministre de l¹éducation
d¹alors, Shulamit Aloni, n¹ont pas voulu enterrer le système,
mais lui redonner vie. Ils ont infusé des millions de shekels
dans ses artères, avant que les fonds s¹assèchent. Si les
salaires des enseignants n¹avaient pas été augmentés il y a
dix ans, les enseignants israéliens devraient peut-être aujourd¹hui
aller à la soupe populaire.
Rabin, qui venait de l¹establishment militaire, avait compris que
la sécurité nationale repose sur l¹éducation. On peut tout
acheter à l¹étranger, expliquait-il, y compris des avions et
des tanks, mais il n¹existe qu¹un seul produit totalement local
: la personne israélienne. C¹était là son héritage. Dommage
qu¹il n¹ait pas d¹héritiers. Mais c¹est notre problème, pas
le sien.
Rabin a-t-il changé de point de vue en arrivant au pouvoir ?
A-t-il adhéré au Meretz ? Pas du tout. Il se trouve qu¹il
connaissait l¹armée mieux que les autres, qui savaient comme lui
qu¹une bonne armée ne constitue pas une garantie de victoire
perpétuelle. Une armée ne peut pas être soumise à des épreuves
superflues, car la dissuasion est davantage une affaire de silence
que de démonstration. Le Ehoud Olmert du Liban n¹est pas un héritier.
Cela fait 50 ans que non seulement l¹armée, mais la nation tout
entière, m¹a-t-il dit un jour, bandent leurs muscles sans
discontinuer, sans possibilité de les soigner pour retrouver de
la force. Et des muscles soumis
perpétuellement à la tension finissent par se fatiguer. Un
premier ministre a le devoir d¹examiner soigneusement toute
occasion, même celle qui semble la plus irréaliste, afin de voir
s¹il est néanmoins possible de parvenir ne serait-ce qu¹à une
trêve provisoire. Rabin était prêt à renoncer au Golan, j¹en
suis témoin. Ehoud Barak est-il son disciple ? A en juger par des
signes récents et révélateurs, la réponse semble être non.
Toujours à propos d¹héritage : quand son compte bancaire à
Washington a été révélé (faute vénielle quelques milliers
de $, ndt), il aurait pu rejeter la responsabilité sur sa femme,
rester au pouvoir, mais il a préféré démissionner. Même s¹il
n¹était pas coupable, il a jugé qu¹il était responsable, et
il n¹a pas voulu imposer sa responsabilité personnelle à sa
famille. Ariel Sharon n¹était pas non plus son héritier, n¹en
déplaise à ses thuriféraires.
Rabin a laissé un héritage important qui, à ce jour, n¹a pas d¹héritiers.
En l¹absence d¹héritiers, on est parfois assailli par le doute
: l¹héritage existe-t-il, ou bien l¹avons-nous inventé ?
Les héritiers naturels, les « enfants aux bougies » (2), qui étaient
censé être les gardiens de la flamme, se sont éteints, eux
aussi, comme un feu de paille. Leurs dirigeants politiques ont été
les premiers à les trahir. Et
aujourd¹hui, au lieu d¹avoir « une génération entière [qui]
exige la paix », nous avons une génération apathique, dont les
exigences ne sont pas claires, si tant est qu¹il leur reste un rêve.
Chacun pour soi, et en particulier, chacun s¹occupe de ses biens
et ses affaires, à la manière des faux dirigeants. Après avoir
fait leur deuil, ils ne s¹en sont jamais vraiment remis.
Il fut un temps où je pensais que Rabin était la personne la
plus vivante d¹entre nous (3). Aujourd¹hui, je pense que c¹est
le défunt le plus mort.
Seuls les jeunes, la génération à venir, pourront surgir du désert,
du silence, et réinsuffler la vie au défunt et à son héritage.
* Yossi Sarid est ancien ministre et ancien secrétaire général
du parti Meretz.
(1) Enregistrement des aveux de l¹assassin de Rabin, Ygal
Amir, quelques heures après son arrestation. Il y dit notamment :
« J¹avais décidé de le tuer, et je ne regrette rien. Je me
suis approché de lui avant qu¹il ne
monte dans sa voiture, et j¹ai tiré trois balles. » Interrogé
sur des regrets éventuels, Amir a répondu : « Dieu m¹en préserve.
» La police a remis la cassette à Dalia Rabin-Pelosof, fille d¹Itzhak
Rabin, qui l¹a diffusée dans plusieurs médias.
(2) Dès la nuit qui a suivi l¹assassinant de Rabin, des milliers
de bougies ont été allumées sur la place où il avait été tué.
Des jeunes (et des moins jeunes) se relayaient constamment. Ce phénomène
a duré plusieurs années.
(3) Yossi Sarid n¹était pas le seul. Pour qui apprécie les
articles grinçants et drôles - voir « Rabin premier ministre
» http://www.lapaixmaintenant.org/article755.
Article de Doron Rosenblum, qui date d¹avril 2004.
Malheureusement, plus de 3 ans après, il n¹y a pas une virgule
à changer.
Trad. : Gérard
pour
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