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Ha'aretz
Pour Jérusalem,
réponse à Elie Wiesel
Yossi Sarid
Yossi Sarid
Haaretz, le 18 avril 2010
http://www.haaretz.com/hasen/spages/1163819.html
Au nom de Jérusalem, je ne me reposerai pas. Comme vous.
J'ai lu avec grand intérêt votre belle lettre ouverte (1) au
président des
Etats-Unis, parue vendredi dans le Washington Post, le Wall
Street Journal
et l'International Herald Tribune, et qui paraîtra ce jour dans
le New York
Times. J'y ai appris que vous en saviez beaucoup sur la
Jérusalem céleste,
mais beaucoup moins sur la Jérusalem terrestre.
Quelqu¹un de l'extérieur qui lirait votre lettre aurait
probablement conclu
que la paix régnait déjà sur la Cité de la Paix. Il y
apprendrait qu¹à
Jérusalem, juifs, chrétiens et musulmans rendent leur culte à
leur dieu sans
entraves et qu¹ils "peuvent bâtir leur maison partout dans la
ville" .
Quelqu¹un vous a trompé, cher ami. Non seulement un Arabe ne
peut pas bâtir
« partout », mais il peut remercier son dieu s'il n'est pas
expulsé de chez
lui et jeté à la rue avec sa famille et ses biens. Peut-être
avez-vous
entendu parler des habitants arabes du quartier de Sheikh Jarrah,
qui
l'habitent depuis 1948 et qui, encore une fois, sont déracinés
et deviennent
réfugiés parce que certains juifs s'irritent des contraintes spatiales qu¹on
leur impose.
Ces mêmes juifs, religieux fanatiques, veulent s'insérer comme
autant d'os
dans la gorge des quartiers arabes en les « purifiant » et en
les «
judaïsant », avec l'aide de riches bienfaiteurs américains dont
il est
possible que vous connaissiez certains personnellement. En
coulisse, notre
premier ministre et le maire de Jérusalem tirent les ficelles de
ce théâtre
d¹ombres, tout en rejetant en public la responsabilité de cet
état de
non-droit et de rapacité. Voilà la vraie raison de ces
"anciennes et
nouvelles tensions qui refont surface à un rythme dérangeant"
auxquelles
vous faites allusion dans votre lettre.
Pour une raison inconnue, votre survol historique ne parle pas
d'un
événement d'une extrême importance, la destruction du Temple. Si
nous en
sommes à citer des événements datant d'il y a 2 000 ans,
rappelons-nous les
sicaires qui, aveuglés par leur fanatisme religieux, ont
assassiné des
opposants au sein de la communauté juive et provoqué le désastre
de l¹exil.
Nous n¹avons d¹autre choix, vous et moi, que de nous demander si
l¹histoire
ne se répète pas.
Cher ami, vous évoquez la Jérusalem biblique des juifs. Ainsi,
vous teintez
notre conflit actuel d¹accents messianiques. Or, si nos
querelles
diplomatiques ne suffisaient pas, les pires de nos ennemis se
feraient une
joie d¹habiller ce conflit épique en costume de guerre sainte.
Gardons-nous
de rejoindre leurs rangs, intentionnellement ou non.
Le fait est que cette ville sera sainte pour tous, pour son
bonheur comme
pour son malheur. Voilà pourquoi une solution au problème de
Jérusalem ne
peut pas attendre la fin du conflit au Proche-Orient, comme vous
le
suggérez, car il ne se terminera pas si sa solution est
repoussée jusqu¹à ce
que "les communautés trouvent une façon de vivre ensemble dans
une
atmosphère de sécurité".
"Jérusalem est au-dessus de la politique", écrivez-vous. Il est
navrant
qu¹un homme de votre stature fasse la confusion sur des sujets
essentiels et
plonge le lecteur dans cette confusion. Car n¹est-ce pas la
politique qui
traite des problèmes de l¹humanité les plus lourds, la paix et
la guerre, la
vie et la mort ? Et la vie elle-même n¹est-elle pas plus sacrée
que les
droits historiques ou la mémoire, nationale et personnelle
plus sacrée
même que Jérusalem ? Les vivants doivent toujours avoir la
préséance sur les
morts, et le présent sur le passé.
Il n'y a rien dans notre monde qui soit "au-dessus de la
politique". Oui, la
politique crée des problèmes, mais ce n'est que par elle qu¹on
peut les
résoudre.
Barack Obama semble très conscient de son devoir d'essayer de
résoudre les
maux du monde, en particulier les nôtres, ici. Alors, pourquoi
lui lier les
mains ? Au contraire, permettons-lui de peser de son poids pour
nous sauver
de nous-mêmes, et d¹aider nos deux peuples blessés et martyrisés
à se
libérer de leur prison. Alors, il pourra pousser les deux côtés
à diviser la
ville en deux capitales, à donner les quartiers juifs aux juifs
et les
quartiers arabes aux Arabes et à donner un statut sous autorité
internationale au Bassin Sacré.
Alors, et alors seulement, Jérusalem pourra demeurer "la
capitale
spirituelle juive dans le monde", comme vous l¹écrivez.
L¹esprit du judaïsme n'a pas besoin de Sheikh Jarrah, Silwan,
Abou Dis et
Shoafat (quartiers arabes de Jérusalem, ndt) pour obéir au
commandement de
l¹Eternel à Abraham : "Lève-toi et parcours cette terre de long
en large"
(Gen. XIII, 14, ndt)
(1)
http://www.haaretz.com/hasen/spages/1163634.html
Traduction : Gérard pour
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