Ha'aretz
«
La citoyenneté des Arabes d'Israël n'est pas négociable »
Yoav Stern et Avi Issacharoff
Yoav Stern - Photo Ha'aretz
"Hier,
il a été rapporté de sources palestiniennes que les membres du
groupe Ta’al avaient rencontré, la semaine dernière, le chef
de l’équipe des négociateurs palestiniens, Ahmed Koreï (Abou
Ala'a). Au cours de cette rencontre, les députés du parlement
israélien ont exprimé, sous la direction d’Ahmed Tibi, leur
opposition à la possibilité que l’Autorité Palestinienne
reconnaisse Israël comme Etat juif."(NdT).
Haaretz, 18 novembre 2007
www.haaretz.co.il/hasite/spages/925024.html
Le Ministre Raleb Majadla réagit aux propos de Tzipi
Livni qui avait déclaré que l’Etat palestinien qui sera créé
sera une solution nationale pour les Arabes d’Israël également.
Ophir Pines : les propos de Livni sont dignes de Lieberman.
« Les
citoyens arabes d’Israël ont leurs racines ici depuis bien
avant la création de l’Etat. Ils habitent le pays et ils ont
des droits, et ni leur statut de résidents ni leur citoyenneté
n’est ouverte à la négociation » – ainsi s’est
exprimé, aujourd’hui (dimanche), le Ministre de la Science, de
la Culture et des Sports, Raleb Majadla, suite aux propos tenus
par la Ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni. Selon
cette dernière, le futur Etat palestinien est censé constituer
une solution nationale pour les Palestiniens où qu’ils soient
– pour ceux qui se trouvent en Cisjordanie et dans la Bande de
Gaza, pour les réfugiés dispersés dans le monde et aussi pour
les Arabes d’Israël. Elle avait ajouté que les exigences
nationales des Arabes d’Israël prendraient fin avec la création
de l’Etat palestinien.
Tzipi Livni réagissait
par ces propos à la décision prise hier soir par le Comité Supérieur
Arabe Israélien de Surveillance de rédiger un document dans
lequel il exprimerait son opposition au caractère juif de l’Etat.
Le Comité a l’intention d’envoyer ce document au Premier
Ministre, Ehoud Olmert, au Président de l’Autorité
Palestinienne, Mahmoud Abbas, aux pays arabes et à des instances
internationales. Et cela, à la suite de l’exigence formulée
par des responsables israéliens, que l’Autorité Palestinienne
reconnaisse qu’Israël est un Etat juif.
A ce propos, la
Ministre des Affaires étrangères a dit qu’il devait « être
clair pour tout le monde que l’Etat d’Israël est le foyer
national du peuple juif ». Tzipi Livni a encore ajouté
qu’Israël était un Etat démocratique et que toute personne élue
au Parlement devait accepter ces principes : « Les députés
arabes ne peuvent pas saisir le bâton par les deux bouts ».
Ahmed Tibi : Livni prépare le terrain pour
l’expulsion des citoyens arabes
Le député
travailliste Ophir Pines a appelé Tzipi Livni à revenir sur ses
propos. « Ils ont l’air d’être sortis tout droit de la
bouche de Lieberman », a-t-il dit, « Ils ne sont pas
dignes de Livni. L’Etat d’Israël est le foyer du peuple juif,
mais nous devons nous rappeler qu’il est aussi le pays et le
foyer de ses citoyens non juifs ». Selon lui, « la
solution au problème des réfugiés est effectivement dans un
Etat palestinien, mais ce n’est pas une solution pour les Arabes
d’Israël ».
Raleb Majadla a
dit qu’il comptait demander des éclaircissements à Livni.
Majadla réagit rarement à des remarques faites par ses collègues
ministres, mais cette fois il a déclaré : « Notre très
honorée Ministre des Affaires étrangères n’a pas autorité
pour décider en leur nom où les Arabes d’Israël vivront. La
population arabe choisira elle-même. Celui qui agite l’idée de
transférer la population arabe d’Israël vers les territoires
de l’Etat de Palestine, lorsqu’il sera créé, est antidémocrate,
coupé de la réalité et de la communauté internationale »,
a-t-il ajouté.
Le président du
parti Hadash, le député Mohamed Barakeh, a réagi aux propos de
Livni : « Le culot du gouvernement est monté d’un
cran. Livni est retournée à ses origines, dans la région ténébreuse
de l’extrême droite. » C’est Barakeh qui a lancé,
hier, le débat au sein du Comité Supérieur Arabe Israélien de
Surveillance où la décision a été prise de s’opposer à la définition
d’Israël comme Etat juif. La position du parti Hadash est qu’Israël
soit l’expression de l’autodétermination des Juifs qui vivent
ici et pas l’Etat du peuple juif tout entier. Hier, Barakeh a déclaré :
« Les Arabes palestiniens d’Israël vivent dans leur
patrie. Ils n’ont pas immigré ici, c’est l’Etat qui a
immigré chez eux ».
Le député Ahmed
Tibi (du parti Ra’am Ta’al) a réagi aux propos de Livni en
disant qu’ils révélaient sa « face extrémiste ».
Selon lui, Livni, par ses déclarations, prépare le terrain pour
l’expulsion des citoyens arabes. « Les Arabes étaient ici
avant Livni et ils y seront après Livni », a-t-il dit. Le
président du groupe Balad, le député Jamal Zahalka, a dit que
les paroles de Livni témoignaient de l’intention israélienne
de maintenir les Arabes d’Israël à l’état de « sujets
privés de droits fondamentaux ». « Ils vendent Israël
comme la seule démocratie du Proche-Orient, mais ils cherchent
des prétextes pour priver la minorité arabe du pays de ses
droits civils et nationaux », a-t-il dit.
Divergences d’opinion significatives entre les
partis membres du Comité
Hier, il a été
rapporté de sources palestiniennes que les membres du groupe
Ta’al avaient rencontré, la semaine dernière, le chef de l’équipe
des négociateurs palestiniens, Ahmed Koreï (Abou Ala'a). Au
cours de cette rencontre, les députés du parlement israélien
ont exprimé, sous la direction d’Ahmed Tibi, leur opposition à
la possibilité que l’Autorité Palestinienne reconnaisse Israël
comme Etat juif. Selon eux, cela ne ferait que contribuer à
enraciner la politique de discrimination d’Israël à
l’encontre des Arabes vivant sur son territoire. Après la
rencontre, une lettre a été adressée, sous une formulation
identique, au Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud
Abbas (Abou Mazen).
Le débat qui
s’est tenu au sein du Comité de Surveillance à propos du
caractère juif de l’Etat a révélé des divergences
d’opinion significatives entre les partis membres du Comité. Au
parti Hadash, qui a demandé que la question soit mise en
discussion, on se concentre sur l’expression d’une opposition
à l’idée de confirmer le caractère juif de l’Etat dans le
cadre des négociations entre Israël et les Palestiniens. Dans
les autres partis, dont Balad et Bnei Hakfar, on est d’avis que
le Comité de Surveillance devrait exprimer une opposition de
principe au caractère juif de l’Etat. Dans ce contexte, il faut
noter que le paragraphe 7a de la loi électorale stipule que la
participation aux élections législatives est interdite à un
parti qui rejetterait l’existence d’Israël comme Etat juif et
démocratique.
La semaine passée,
Israël a exigé des Palestiniens, dans le cadre des préparatifs
à la conférence d’Annapolis, qu’ils reconnaissent Israël
comme Etat juif. Les Palestiniens ont repoussé cette exigence.
Des responsables politiques arabes ont insisté sur le fait que
l’opposition des Palestiniens ne découlait pas de la position
des Arabes d’Israël mais de ce qu’ils redoutent qu’une
telle reconnaissance puisse porter atteinte au droit au retour des
réfugiés palestiniens.
Hadash a demandé
que le sujet soit mis en discussion au sein du Comité de
Surveillance. Le président de Hadash, le député Mohamed Barakeh,
qui a participé au débat, a déclaré à « Haaretz »
que, du point de vue de Hadash, il s’agissait d’une position
de principe. « Une reconnaissance palestinienne et
internationale du caractère juif d’Israël renforcerait le
statut des Arabes d’Israël comme citoyens de seconde catégorie »,
a-t-il dit. Il a ajouté qu’une telle reconnaissance serait
susceptible de donner une légitimité à des échanges de
population, à un transfert et aussi à l’empêchement mis à la
réalisation du droit au retour des réfugiés. « L’Etat
d’Israël doit être l’expression de l’autodétermination
des Juifs qui sont en Israël, pas plus », a-t-il dit.
Chez Balad, on
s’est montré satisfait de ce que le Comité de Surveillance ait
débattu de ce sujet. « Nous nous opposons depuis toujours
à la définition d’Israël comme Etat juif. Nous devons
organiser un débat de fond à ce sujet et si au sein du parti
Hadash, ils sont d’accord avec notre position, cela confirme
l’hégémonie de notre discours politique. Qu’ils soient bénis »,
a déclaré à « Haaretz » le président du groupe
Balad, le député Jamal Zahalka.
Les dirigeants du
mouvement islamique ne se sont pas exprimés à ce sujet :
ils participent à la conférence d’Istanbul sur la question de
Jérusalem. Le député Taleb A-Sana (Ra’am Ta’al) a dit à
« Haaretz » : « Il ne fait aucun doute
qu’il s’agit d’une question lourde. Nous sommes d’accord
sur le fait qu’il est impossible que le caractère de l’Etat
constitue une condition aux négociations. C’est la population
qui doit fixer le caractère de l’Etat. Le fait qu’Israël
pose cette condition aux négociations est un prétexte pour ne
pas avancer dans le processus diplomatique. »
(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)
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