Palestine
Gaza, le laboratoire de la mort
Xavière Jardez
© Photo PCHR
Dimanche 3 mai 2009
Pour la première fois depuis l’émergence
d’Israël, en 1948, des voix se font entendre et des initiatives
sont prises pour condamner Israël pour crimes de guerre ou
crimes contre l’humanité. D’habitude si prudent pour ne pas
offenser les Etats-Unis et ses alliés, le Secrétaire Général des
Nations unies, Ban Ki-moon a demandé une enquête. Un juge
espagnol a décidé de poursuivre trois généraux des forces armées
israéliennes pour l’assassinat, en 2002, d’un haut responsable
du Hamas qui avait fait de nombreuses victimes civiles. Richard
Falk, rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits de
l’homme des Palestiniens, a rédigé un rapport* cinglant sur les
crimes de guerre d’Israël et se demande « s’il existe une
réelle volonté politique de juger Israël ».
Des associations, comme l’Association des
Avocats pour la Palestine, s’activent pour traduire Israël
devant la Cour Pénale Internationale pour la mort de plus de
1300 Palestiniens lors de l’agression contre Gaza qui a duré 22
jours, fin 2008. La question sur laquelle elle se fonde est la
suivante : quel était l’objectif de cette
« guerre » ? Elle n’avait pas d’objectif
militaire, ni encore moins, comme on l’a sous-entendu, à libérer
Gilat Shalit. Son but était de tuer des civils, de les
terroriser pour qu’ils fuient, une fois de plus.
Pour atteindre cet objectif, Israël a non
seulement fait usage de moyens « disproportionnés » mais
d’armes nouvelles, comme la DIME (Explosif de métal
inerte dense). Les effets décrits par les médecins
norvégiens à Gaza parlent d’une explosion qui cause des « amputations
multiples » et « de très graves fractures. Les muscles
sont comme détachés des os, pendent et vous souffrez aussi de
brûlures terribles ». « Ceux qui survivent au premier
souffle succombent de septicémie et de chute d’organes ».
« Au début tout en ordre… mais lors de l’opération, on découvre
des douzaines de particules miniatures dans tous les organes »
que l’on ne peut extraire chirurgicalement.
Si par miracle les victimes surmontent ces
conditions, elles sont certaines de mourir de rhabdomyocarcome
(RMS) un cancer particulièrement mortel qui s’enfonce
profondément dans les tissus et s’avère impossible à traiter.
Questions : qui a vendu cette arme aux
Israéliens ? Est-ce que son utilisation à grande échelle à Gaza
a servi de test de laboratoire pour créer une nouvelle
génération de bombes ?
Arme de « mortalité ciblée »
La DIME est un produit de la recherche
conjointe des Forces Aériennes US et du Laboratoire National de
Lawrence Livermore de l’Université de Californie en 2000. De
puissants explosifs sont enveloppés dans un alliage de tungstène
et autres métaux comme le cobalt, le nickel, ou
le fer dans un containeur de fibre de carbone. Quand la
bombe explose, le containeur s’évapore et le tungstène se
transforme en minuscules éclats, extrêmement dangereux dans un
faible rayon. Le tungstène est inerte donc il ne réagit pas
chimiquement avec l’explosif tandis que l’aluminium qui ne l’est
pas accroît la puissance de l’explosion qui est limitée en
retour par le tungstène. DIME avait été initialement
conçue pour réduire les dommages collatéraux infligés par des
bombes puissantes. Mais l’effet meurtrier de cette arme et sa
toxicité à long
terme ne semblent pas être une amélioration.
Le médecin norvégien Gilbert a déclaré au
journal d’Oslo, Gardermoen, qu’il y avait « de fortes
chances pour que Gaza ait servi de terrain d’essai pour de
nouvelles armes ». DIME est une invention US. Il y a
tout lieu de penser que les Etats-Unis l’ont mise à sa
disposition, ou fourni les données nécessaires à sa
construction. Le Pentagone entendant bien utiliser cette arme
de « mortalité ciblée » dans les guerres à venir,
il est vraisemblable que sa mise en service à Gaza était du plus
grands intérêt.
Pour Marc Galasco, d’Human Rights Watch,
Israël a pu acquérir cette technologie, soit en achetant les
armes des Etats-Unis,
soit en les développant sous licence.
Les armes DIME ne font l’objet
d’aucune interdiction selon les Conventions de Genève
puisqu’elles n’ont pas été officiellement testées. Cependant,
toute arme capable d’infliger des dommages aussi atroces est
normalement bannie, notamment dans des zones densément peuplées.
Personne ne sait par ailleurs quels sont les effets du tungstène
sur l’environnement et sur la santé des personnes qui
retourneront dans des zones polluées par une DIME car il
existe un lien entre le tungstène et la leucémie
Crimes de guerres impunis
Il semble de plus que ces armes ont aussi été
utilisées lors de l’invasion du Liban en 2006 mais dans une
ampleur moindre.
DIME
n’a pas été la seule arme controversée d’Israël. Son armée a
fait un usage immodéré des armes à phosphore blanc, produit
chimique qui brûle en dégageant une chaleur intense et
infligeant des brûlures terribles aux victimes. Sous sa forme de
vapeur, le phosphore blanc bloque la respiration. Après avoir
nié son utilisation, Israël a été forcé de reconnaître avoir eu
recours à de l’artillerie au phosphore ainsi qu’à des obus de
mortier US de même teneur, le M825A1, dans le nord de Gaza. Ces
obus ont touché l’Agence des Nations unies ainsi que l’hôpital
Al Quds, à Gaza. Pour Donatella Rovera d’Amnesty
International, « un usage aussi extensif de cette arme
dans des quartiers résidentiels hautement peuplés, le nombre
élevé de civils tués, en lui seul constitue un crime de guerre ».
Israël est aussi accusé d’avoir utilisé des
armes à uranium appauvri qu’une sous-commission des Nations
Unies a, en 2002, déclaré contraire à la Déclaration Universelle
des droits de l’homme, à la Charte des Nations unies, aux
Conventions de Genève, à la Convention Internationale contre la
Torture, à la
Convention sur les Armes Conventionnelles, à la Convention de la
Haye sur les armes empoisonnées.
Que restera-t-il des efforts des
organisations de droits de l’homme, dont des organisations
israéliennes, pour envoyer l’Etat israélien devant les tribunaux
pour crime de guerre ? On sait déjà que les Etats-Unis
opposeront leur veto au sein du Conseil de Sécurité à toute
initiative de ce genre.
* Le Monde Diplomatique, 29 mars 2000 ; source : Foreign
Policy in Focus - 12/2/2009, Conn Hallinan
Publié le 3 mai 2009 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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