Vladimir Poutine explique sa politique
étrangère (2ème partie)
La Russie et
l'évolution du monde
Vladimir V. Poutine
Vendredi 9 mars
2012
Dans la
deuxième partie de son article consacré
à la politique étrangère, Vladimir
Poutine fait le point sur les relations
de la Russie avec l’Asie et le nouveau
partenariat avec la Chine, aborde la
question du bouclier antimissile
étasunien, la crise en Europe et le
projet d’Union économique eurasiatique,
l’adhésion de la Russie à l’OMC et le
soft-power
russe dans le monde. La politique
étrangère telle que l’entend Vladimir
Poutine, illustrée par la position ferme
de Moscou au Conseil de sécurité, tient
compte des intérêts Russes, mais ouvre
aussi une voie aux pays qui cherchent à
s’émanciper de la domination impériale.
Pour la première
partie de cet article,
cliquer ici
L’Asie-Pacifique
acquiert une nouvelle dimension
La Chine, centre crucial de
l’économie mondiale, est un voisin de la
Russie. Les délibérations sur son futur
rôle dans l’économie mondiale et les
affaires internationales sont désormais
à la mode. L’année dernière, la Chine
s’est hissée au deuxième rang dans le
monde en termes de PIB, et à court
terme, selon les experts internationaux,
notamment américains, elle dépassera les
États-Unis pour cet indice. La puissance
globale de la République populaire de
Chine augmente également, y compris son
aptitude à projeter ses forces dans
diverses régions.
Quelle attitude la Russie doit-elle
adopter dans le contexte du facteur
chinois qui prend rapidement de
l’ampleur ?
Premièrement, je suis persuadé que la
croissance de l’économie chinoise n’est
pas une menace mais un défi qui comporte
un potentiel colossal de coopération
dans le domaine des affaires, ainsi
qu’une chance de gonfler les "voiles" de
l’économie russe avec le "vent chinois."
La Russie devrait établir plus
activement des liens de coopération avec
la Chine, en conjuguant les potentiels
technologique et industriel des deux
pays et en mettant à profit, certes de
manière intelligente, le potentiel
chinois, aux fins de relance économique
de la Sibérie et de l’Extrême-Orient
russes.
Deuxièmement, la politique de la
Chine sur l’échiquier mondial n’offre
aucun prétexte à accuser Pékin de
chercher à dominer la planète. La voix
de la Chine est, en effet, de plus en
plus audible dans le monde, et la Russie
s’en réjouit, car Pékin partage la
vision russe de l’ordre mondial
équilibré actuellement en gestation. Les
deux pays continueront à s’assister
mutuellement dans l’arène internationale
en réglant conjointement les problèmes
aigus à l’échelle régionale et mondiale
et en renforçant la coopération au sein
du Conseil de sécurité des Nations
Unies, du groupe BRICS (Brésil, Russie,
Inde, Chine et Afrique du Sud), de
l’Organisation de coopération de
Shanghai (OCS), du G20, et d’autres
organismes multilatéraux.
Enfin, troisièmement, la Russie a
réglé tous les problèmes politiques
cruciaux dans ses relations avec la
Chine, dont le plus important était le
litige frontalier. Un mécanisme solide
et étayé par des documents juridiquement
contraignants a été mis en place dans
les relations bilatérales. Les deux
gouvernements ont atteint un niveau de
confiance sans précédent dans leurs
rapports. Cela permet à la Russie et à
la Chine d’agir dans un esprit de
partenariat authentique basé sur le
pragmatisme et la prise en compte des
intérêts mutuels. L’actuel modèle des
relations sino-russes paraît extrêmement
prometteur.
Ceci dit, les relations entre la
Russie et la Chine ne sont certainement
pas dépourvues de problèmes. Des
frictions surviennent de temps en temps.
Les intérêts commerciaux des deux États
dans les pays tiers ne coïncident pas
toujours, la Russie n’étant pas
entièrement satisfaite par la structure
des échanges commerciaux et par le
niveau peu élevé des investissements
mutuels. La Russie se prépare à
surveiller de près les flux migratoires
en provenance de Chine.
Toutefois, mon idée clé est la
suivante : la Russie a besoin d’une
Chine prospère et stable, et je suis
persuadé que la Chine, à son tour, a
besoin d’une Russie forte et
florissante.
Un autre géant asiatique, à savoir
l’Inde, fait également preuve d’une
croissance rapide. La Russie et l’Inde
sont traditionnellement liées par les
relations d’amitié et les deux
gouvernements les qualifient de
partenariat stratégique privilégié. Son
renforcement sera bénéfique aussi bien à
nos deux pays qu’au système
polycentrique tout entier en gestation
dans le monde.
Nous assistons non seulement à la
croissance de la Chine et de l’Inde,
mais à l’augmentation du rôle de la
région Asie-Pacifique tout entière. Dans
ce contexte, de nouvelles perspectives
de travail fructueux s’offrent dans le
cadre de la présidence russe au sein de
la Coopération économique pour
l’Asie-Pacifique (APEC). En septembre
2012, la Russie accueillera le sommet de
l’APEC à Vladivostok, où elle met
rapidement en place des infrastructures
modernes, ce qui contribuera au
développement de la Sibérie et de
l’Extrême-Orient russes et permettra à
la Russie de rejoindre les processus
dynamiques d’intégration au sein de la
"nouvelle Asie."
La Russie attache actuellement et
continuera à attacher dans le futur une
importance prioritaire aux relations
avec ses partenaires du groupe BRICS.
Cette structure inédite créée en 2006
est la démonstration la plus
spectaculaire du passage d’un monde
unipolaire à un ordre mondial plus
équilibré. Le groupe réunit cinq pays
dont la population s’élève à près de
trois milliards de personnes, et qui
sont dotés des plus importantes
économies émergentes, de gigantesques
ressources naturelles et de
main-d’œuvre, ainsi que de marchés
intérieurs colossaux. Après l’adhésion
de l’Afrique du Sud, le groupe BRICS a
acquis une dimension réellement
mondiale, et il génère déjà plus de 25%
du PIB de la planète.
Les pays membres du groupe sont en
train de s’habituer à travailler
ensemble au sein de cette structure et
de s’adapter les uns aux autres. Il
s’agit, notamment, de mettre en place
une meilleure coordination en matière de
politique internationale et de coopérer
plus étroitement au sein de l’ONU.
Toutefois, après avoir atteint sa
vitesse de croisière, le BRICS, fort de
ses cinq membres, exercera une influence
extrêmement perceptible sur l’économie
et la politique mondiales.
Ces dernières années, la diplomatie
et le milieu des affaires russes ont
commencé à attacher une plus grande
importance au développement de la
coopération avec les pays asiatiques,
latino-américains et africains. Dans ces
régions, la Russie bénéficie toujours
d’une sympathie sincère. J’estime que
l’un des objectifs de la prochaine
période sera l’intensification de la
coopération commerciale et économique
entre la Russie et ces pays, ainsi que
la mise en œuvre de projets conjoints
dans les secteurs de l’énergie, des
infrastructures, des investissements,
des sciences et technologies, des
banques et du tourisme.
Le rôle croissant des régions
susmentionnées dans le système
démocratique de gestion de l’économie et
des finances mondiales se reflète dans
l’activité du G20. J’estime que ce
groupe deviendra prochainement un
instrument stratégiquement important,
non seulement de gestion en période de
crise, mais également de réformes à long
terme de l’architecture financière et
économique de la planète. La Russie
présidera le G20 en 2013. Certes, le
pays devrait profiter de sa présidence
pour améliorer, entre autres,
l’interaction entre le G20 et d’autres
structures multilatérales, notamment
avec le G8 et bien sûr l’ONU.
Le facteur européen
La Russie est une partie intégrante
et organique de la Grande Europe, de la
civilisation européenne au sens large du
terme. Les citoyens russes se
considèrent comme des Européens. Nous
sommes loin d’être indifférents à
l’évolution de l’Union européenne.
C’est la raison pour laquelle la
Russie initie la transformation de
l’espace situé entre les océans
Atlantique et Pacifique en une entité
économique et humanitaire unifiée que
les experts russes qualifient d’Union de
l’Europe et qui renforcera davantage les
moyens et les positions de la Russie
dans le cadre de son revirement
économique vers l’"Asie nouvelle."
Dans le contexte de l’essor de la
Chine, de l’Inde et d’autres économies
émergentes, les chocs financiers et
économiques qui secouent l’Europe,
auparavant oasis de stabilité et
d’ordre, ne nous laissent pas
indifférents. La crise de la zone euro
concerne forcément la Russie, étant
donné avant tout que l’Union européenne
est le plus grand partenaire économique
et commercial de notre pays. Il est
évident que la situation en Europe est
largement déterminante pour les
perspectives de développement du système
économique mondial dans son ensemble.
La Russie a activement rejoint les
mesures internationales visant à
soutenir les économies européennes en
difficulté, elle participe constamment à
la prise de décisions collectives au
sein du Fonds monétaire international
(FMI). La Russie n’exclut pas en
principe la possibilité d’offrir, dans
certains cas, une aide financière
directe.
Néanmoins, j’estime que les
injections financières en provenance de
l’étranger ne peuvent constituer qu’une
solution partielle. Le règlement
intégral du problème nécessite des
mesures énergiques systémiques. Les
dirigeants européens sont confrontés à
la nécessité de mettre en œuvre des
réformes d’envergure visant à remanier
foncièrement plusieurs mécanismes
financiers et économiques destinés à
assurer une véritable discipline
budgétaire. La Russie a intérêt à avoir
affaire à une Union européenne forte,
correspondant à la vision de l’Allemagne
et de la France, car nous souhaiterions
concrétiser le puissant potentiel de
partenariat entre la Russie et l’UE.
L’interaction actuelle de la Russie
avec l’Union européenne n’est tout de
même pas à la hauteur des défis
mondiaux, avant tout sur le plan du
renforcement de la compétitivité de
notre continent commun. Je suggère de
nouveau qu’un effort soit fait afin de
créer une communauté harmonieuse
d’économies entre Lisbonne et
Vladivostok. Et à terme, il s’agit de
créer une zone de libre-échange, voire
des mécanismes encore plus sophistiqués
d’intégration économique. Cela nous
permettrait de bénéficier d’un marché
commun continental se chiffrant à
plusieurs milliers de milliards d’euros.
Se trouve-t-il des gens pour douter que
ce serait une excellente idée et que
cela correspondrait aux intérêts des
Russes et des Européens ?
Une coopération plus étroite dans le
secteur de l’énergie, allant jusqu’à la
création d’un complexe énergétique
unifié de l’Europe, est un autre sujet
de réflexion. Les étapes importantes
visant à atteindre cet objectif sont la
construction des gazoducs Nord Stream
via la mer Baltique et South Stream via
la mer Noire. Les deux projets ont
bénéficié du soutien de plusieurs
gouvernements, et les plus importantes
sociétés énergétiques européennes y
participent. Après la mise en
exploitation intégrale de ces gazoducs,
l’Europe disposera d’un système
d’approvisionnement en gaz fiable,
flexible et indépendant des caprices
politiques de qui que ce soit. Ce sera
une contribution réelle et non pas
factice à la sécurité énergétique du
continent. Or, ce problème revêt une
importance particulière étant donné la
décision de certains pays européens de
réduire ou de renoncer totalement à
l’énergie nucléaire.
Force m’est de déclarer franchement
que le Troisième paquet énergie, dont la
Commission européenne a assuré le
lobbying et qui vise à évincer du marché
les entreprises russes intégrées, ne
contribue pas au renforcement de nos
relations. Qui plus est, étant donné la
déstabilisation accrue des fournisseurs
d’hydrocarbures autres que la Russie, il
exacerbe les risques systémiques
menaçant le secteur énergétique européen
et constitue un obstacle aux
investissements potentiels dans de
nouveaux projets d’infrastructure. De
nombreux politiques européens qui
s’entretiennent avec moi se montrent
critiques envers le paquet. Il s’agit
d’avoir le courage d’éliminer cet
obstacle du chemin de notre coopération
mutuellement avantageuse.
J’estime qu’un partenariat
authentique entre la Russie et l’Union
européenne est impossible sans
l’abolition des barrières qui entravent
les contacts humains et économiques,
avant tout celle du régime des visas.
L’introduction d’un régime sans visas
donnerait une puissante impulsion à une
véritable intégration de la Russie et de
l’Union européenne, elle permettrait
d’élargir les contacts culturels et
d’affaires, avant tout entre les petites
et moyennes entreprises. La menace pour
l’Europe d’un afflux de prétendus
immigrés économiques en provenance de
Russie relève largement de
l’imagination. Les Russes ont l’occasion
d’exploiter leur savoir-faire
professionel dans leur patrie, et
l’éventail de ces possibilités ne fait
que s’élargir.
En décembre 2011, la Russie s’est
concertée avec l’Union européenne pour
élaborer des mesures conjointes visant à
établir un régime sans visas. Elles
peuvent et doivent être appliquées sans
tergiverser. Mon intention est de
continuer à me consacrer à ce problème
de la manière la plus active.
Les relations
russo-américaines
Ces dernières années, un grand effort
a été réalisé afin de développer les
relations entre la Russie et les
États-Unis. Toutefois, la matrice de ces
relations n’a pas toujours pas été
radicalement transformée et elles
continuent de connaître des hauts et des
bas. Une telle instabilité dans le
partenariat entre la Russie et les
États-Unis est due, en partie, à la
pérennité de certains stéréotypes et
phobies. La façon dont la Russie est
perçue par le Congrès américain est
particulièrement révélatrice. Toutefois,
le problème crucial réside dans le fait
que le dialogue et la coopération
bilatéraux ne s’appuient pas sur une
base économique solide. Les échanges
commerciaux sont loin d’être à la
hauteur du potentiel des économies
russes et américaines. Il en est de même
pour les investissements bilatéraux.
Ainsi la toile protectrice qui éviterait
à nos relations des oscillations
conjoncturelles n’a toujours pas été
tissée. Il s’agit de la créer.
La compréhension mutuelle entre les
deux pays ne s’améliore pas non plus
étant donné les efforts réguliers des
États-Unis pour procéder à une
"ingénierie politique", notamment dans
des régions traditionnellement
importantes pour la Russie et également
au cours des campagnes électorales
russes.
Je répète que l’initiative américaine
de créer l’ABM européen suscite une
préoccupation de notre part tout à fait
légitime. Pourquoi la Russie est-elle
plus alarmée que les autres pays ? Le
fait est que l’ABM européen influe sur
les forces stratégiques de dissuasion
nucléaire, dont seule la Russie dispose
dans ce théâtre, ce qui compromet
l’équilibre militaire et politique
peaufiné pendant des décennies.
Le lien indissoluble entre l’ABM et
les armes stratégiques offensives est
consacré par le nouveau traité de
réduction des armes nucléaires START
signé en 2010. Le traité est entré en
vigueur et il se montre efficace. C’est
un résultat crucial en matière de
politique internationale. La Russie est
prête à examiner divers éléments
susceptibles de constituer l’agenda
russo-américain en matière de contrôle
des armes pour la prochaine période. La
règle immuable dans ce domaine est le
respect du rapport de forces et
l’abandon des tentatives d’utiliser les
pourparlers afin de s’assurer des
avantages unilatéraux.
Qu’il me soit permis de rappeler que
dès 2007 j’ai proposé au président
George W. Bush à Kennebunkport de régler
le problème de l’ABM. Si elle avait été
adoptée, mon initiative aurait modifié
la nature traditionnelle des relations
russo-américaines et aurait donné une
impulsion positive au processus. Qui
plus est, en réalisant à l’époque un
progrès dans le domaine de l’ABM, nous
aurions littéralement ouvert la voie à
la création d’un modèle foncièrement
nouveau de coopération, proche d’une
alliance, notamment dans plusieurs
autres domaines sensibles.
Cela ne s’est pas produit. Il serait
certainement utile de réexaminer
l’enregistrement des pourparlers à
Kennebunkport. Ces dernières années, le
gouvernement russe a également avancé
d’autres initiatives visant à trouver un
terrain d’entente dans le domaine de
l’ABM. Toutes ces propositions restent
en vigueur.
Quoi qu’il en soit, nous ne voudrions
pas mettre une croix sur la recherche de
compromis dans le règlement du problème
de l’ABM. Nous souhaiterions éviter que
le système américain soit déployé à une
telle échelle que cela rendrait
nécessaire la mise en œuvre des mesures
de rétorsion que la Russie a rendues
publiques.
Récemment, j’ai eu un entretien avec
M. Kissinger. Nous nous voyons
régulièrement. Et je partage entièrement
l’opinion de ce véritable professionnel,
selon lequel une coopération étroite et
empreinte de confiance entre Moscou et
Washington est particulièrement requise
au moment où le monde traverse des
périodes turbulentes.
Globalement, la Russie était prête à
fournir un effort réellement important
afin de développer ses relations avec
les États-Unis et de réaliser un progrès
qualitatif, à condition toutefois que
les Américains appliquent dans la
pratique le principe du partenariat
équitable et mutuellement respectueux.
La diplomatie
économique
En décembre 2011, la Russie a adhéré
à l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) au terme d’une épopée longue de
plusieurs années. J’aimerais faire
remarquer qu’à l’étape finale de ce
processus, l’administration de Barack
Obama et les dirigeants de plusieurs
puissances européennes ont apporté une
contribution active à la finalisation
des accords.
En toute honnêteté, ce processus long
et ardu nous a souvent donné envie de
"claquer la porte" et de tout
abandonner. Toutefois, la Russie n’a pas
cédé aux émotions. Au final, notre pays
a obtenu des compromis avantageux : les
intérêts des producteurs industriels et
agricoles russes ont été respectés dans
l’attente d’une concurrence accrue de la
part des entreprises étrangères. Les
acteurs économiques russes bénéficieront
de nouvelles possibilités considérables
pour accéder au marché mondial et
pouvoir y protéger leurs droits de
manière civilisée. Pour moi, c’est cela
qui constitue le principal résultat et
non pas le fait symbolique de l’adhésion
de la Russie au "club" mondial du
commerce.
La Russie respectera les normes de
l’OMC, au même titre que tous ses autres
engagements internationaux. Je compte
sur un respect similaire des règles du
jeu de la part de nos partenaires. Qu’il
me soit permis de faire remarquer en
passant que nous avons déjà intégré les
principes de l’OMC sur la base juridique
de l’Espace économique commun regroupant
la Russie, la Biélorussie et le
Kazakhstan.
En analysant notre façon de
promouvoir les intérêts économiques
russes sur l’échiquier mondial, on se
rend compte que nous en sommes encore à
l’étape de l’apprentissage pour le faire
de manière systémique et cohérente.
Contrairement à nos divers partenaires
occidentaux, nous ne possédons pas
encore la technique pour promouvoir
correctement les mesures profitables aux
entreprises russes sur les plateformes
où s’effectuent les échanges commerciaux
internationaux.
Or, il nous incombe la tâche de
résoudre des problèmes cruciaux dans ce
domaine en tenant compte du fait que le
développement innovateur revêt une
importance prioritaire pour la Russie.
Il s’agit de garantir à la Russie des
positions équitables dans le système
actuel des relations économiques
mondiales et de réduire au minimum les
risques inhérents à l’intégration du
pays à l’économie mondiale, notamment
dans le contexte de l’adhésion
mentionnée à l’OMC et de l’adhésion
imminente de la Russie à l’Organisation
de coopération et de développement
économiques (OCDE).
La condition sine qua non est un
accès plus libre et non-discriminatoire
de la Russie aux marchés extérieurs.
Actuellement on ne prend pas de gants à
l’étranger avec les acteurs économiques
russes. Ils sont confrontés à des
mesures restrictives de nature
commerciale et politique, on érige des
barrières qui désavantagent les
entreprises russes dans la concurrence.
Il en est de même en ce qui concerne
les investissements. La Russie cherche à
attirer des capitaux étrangers dans son
économie en leur ouvrant les secteurs
les plus intéressants et en leur offrant
de véritables "morceaux de choix",
notamment dans le secteur de l’énergie
et des hydrocarbures. Or, les
investisseurs russes ne sont pas choyés
à l’étranger, voire sont souvent
ostensiblement repoussés.
Les exemples sont légion. Il suffit
de rappeler l’histoire de l’allemand
Opel que les investisseurs russes n’ont
finalement pas pu acquérir, même en
dépit de l’approbation de la transaction
par le gouvernement de la République
fédérale d’Allemagne et de la réaction
positive des syndicats allemands. Il y a
également des cas scandaleux où les
entreprises russes se voient refuser la
jouissance des droits d’investisseur
après avoir investi des sommes
considérables dans des actifs à
l’étranger. Ces exemples sont
particulièrement fréquents en Europe
centrale et de l’Est.
Tout cela nous inspire l’idée de la
nécessité de renforcer l’accompagnement
politique et diplomatique des
entreprises russes sur les marchés
extérieurs et d’accorder un soutien plus
massif à nos projets d’envergure et
revêtant une importance symbolique. Il
ne faut pas non plus oublier que face à
la concurrence déloyale, la Russie est à
même de réagir de manière symétrique.
Le gouvernement et les associations
des milieux d’affaires russes devraient
coordonner plus précisément leurs
efforts dans l’arène internationale,
mieux promouvoir les intérêts des
entreprises russes et les assister dans
l’implantation sur de nouveaux marchés.
J’aimerais également attirer
l’attention sur un fait important qui
détermine largement le rôle et la place
de la Russie dans le rapport de forces
politiques et économiques actuel et
futur au niveau international. Il s’agit
du territoire immense de notre pays. Il
ne correspond certes plus à un sixième
des terres émergées, néanmoins la
Fédération de Russie reste l’Etat le
plus étendu et doté de ressources
richissimes sans égales au monde. Je ne
parle pas seulement du pétrole et du gaz
mais également des forêts, des terres
agricoles et des réserves d’eau douce
pure.
Autrement dit, le territoire russe
est la source de la force potentielle de
la Russie. Auparavant, l’étendue immense
du territoire russe assurait
principalement la protection de la
Russie contre les invasions étrangères.
Aujourd’hui, en appliquant une stratégie
économique judicieuse, elle pourrait
devenir la base cruciale pour augmenter
la compétitivité du pays.
J’aimerais évoquer notamment la
pénurie d’eau douce qui s’aggrave
rapidement dans le monde. On peut
prévoir à court terme le déclenchement
d’une compétition géopolitique pour les
ressources aquatiques et pour la
possibilité de fabriquer des produits
nécessitant une grande consommation
d’eau. La Russie obtient ainsi un atout
majeur. Or, elle est consciente de la
nécessité de gérer cette richesse avec
parcimonie et en faisant des calculs
stratégiques.
Le soutien aux Russes
de l’étranger et la culture russe dans
le contexte international
Le respect de sa patrie est
notamment conditionné par l’aptitude
de cette dernière à protéger ses
citoyens et les personnes
appartenant à la même ethnie à
l’étranger. Il est important de ne
jamais oublier les intérêts des
millions de Russes vivant à
l’étranger ou se rendant dans
d’autres pays en congé ou en
mission. Je voudrais souligner que
le ministère russe des Affaires
étrangères, ainsi que toutes les
missions diplomatiques et
consulaires sont tenues de fournir
une aide et une assistance réelle
aux Russes 24 heures sur 24. Les
diplomates doivent réagir
immédiatement, sans attendre que les
médias ne tirent la sonnette
d’alarme, aux collisions survenant
entre nos citoyens et les autorités
locales, ainsi qu’aux incidents et
aux accidents de transport.
Nous agirons avec la plus grande
détermination afin d’obtenir que les
gouvernements letton et estonien
mettent en œuvre les nombreuses
recommandations des plus importantes
organisations internationales
relatives au respect des droits
généralement reconnus des minorités
ethniques. L’infâme statut de
"non-citoyen" est inacceptable.
Comment peut-on d’ailleurs accepter
le fait qu’un Letton sur six et un
Estonien sur treize soient des
"non-citoyens" dépourvus des droits
politiques, électoraux, sociaux et
politiques fondamentaux, ainsi que
de la possibilité d’utiliser
librement la langue russe.
Prenons à titre d’exemple le
référendum qui s’est tenu tout
récemment en Lettonie et portant sur
le statut de la langue russe. Il a
de nouveau clairement montré à la
communauté mondiale l’acuité du
problème. Le fait est que plus de
300.000 "non-citoyens" se sont de
nouveau vu refuser le droit de
participer au vote. Et le refus de
la Commission électorale centrale de
Lettonie d’accorder à la Chambre
sociale russe le statut
d’observateur au référendum est
absolument révoltant. Or, les
organisations internationales
chargées de faire respecter les
normes démocratiques généralement
reconnues semblent se murer dans
leur silence.
Globalement, la façon dont la
problématique relative aux droits de
l’homme est exploitée dans le
contexte des relations
internationales est peu susceptible
de satisfaire la Russie.
Premièrement, les États-Unis et
d’autres pays occidentaux cherchent
à monopoliser la protection des
droits de l’homme, la politiser
intégralement et en faire un moyen
de pression. Parallèlement, ils ne
tolèrent pas les critiques à leur
égard et y réagissent d’une manière
extrêmement maladive. Deuxièmement,
le choix d’objets de monitorage par
les défenseurs des droits de l’homme
est sélectif. Au lieu d’appliquer
des critères universels, les États
qui ont "privatisé" ce dossier,
agissent à leur guise.
La Russie se sent victime de la
partialité, du parti pris et de
l’agressivité des critiques
malintentionnées dont elle est
l’objet et qui dépassent parfois
toutes les bornes. Les critiques
justifiées des défauts ne peuvent
qu’être saluées et donner lieu à des
conclusions adéquates. Or, face aux
critiques infondées, qui s’abattent
vague après vague et visent à
manipuler systématiquement
l’attitude des citoyens des pays en
question envers la Russie, ainsi
qu’influencer directement la
situation politique en Russie, on se
rend compte que ces efforts ne sont
pas motivés par des principes
démocratiques de la plus haute
moralité.
Le domaine des droits de l’homme
ne doit être monopolisé par
personne. La Russie est une jeune
démocratie, et elle se montre
souvent excessivement modeste en
ménageant l’amour-propre de ses
partenaires aguerris. Or, la Russie
a son mot à dire : nul n’est parfait
quant au respect des droits de
l’homme et des libertés
fondamentales. Les démocraties bien
établies commettent également des
violations sérieuses dans ce
domaine, et il ne faut pas les
passer sous silence. Certes, il ne
s’agit pas d’échanger tout bêtement
des accusations insultantes, sachant
que toutes les parties profitent
d’une discussion constructive des
problèmes relatifs aux droits de
l’homme.
Fin 2011, le ministère russe des
Affaires étrangères a publié son
premier rapport Sur la situation des
droits de l’homme dans certains pays
du monde. J’estime que cette
activité devrait s’intensifier,
notamment afin de contribuer à une
coopération plus large et équitable
dans la totalité du secteur des
problèmes humanitaires et à la
promotion des principes fondamentaux
de la démocratie et des droits de
l’homme.
A ce propos, les faits mentionnés
ne sont qu’une partie de
l’accompagnement informationnel et
propagandiste des activités
internationales et diplomatiques de
la Russie et de la création d’une
image objective de la Russie à
l’étranger. Force nous est de
reconnaître que nos succès en la
matière ne sont pas nombreux. Nous
sommes souvent battus sur le terrain
informationnel. C’est un problème à
part entière et à plusieurs facettes
auquel il s’agit de se consacrer
sérieusement.
La Russie est l’héritière d’une
grande culture reconnue aussi bien
en Occident qu’en Orient. Mais nos
investissements dans les industries
culturelles et dans leur promotion
sur le marché mondial restent encore
très faibles. La renaissance de
l’intérêt mondial envers le domaine
culturel et celui des idées qui se
traduit par l’implication des
sociétés et des économies dans le
réseau mondial d’information offre
des opportunités supplémentaires à
la Russie, dotée de talents
confirmés dans la production des
valeurs culturelles.
La Russie est non seulement à
même de conserver sa culture mais de
l’utiliser en tant que facteur
puissant de promotion sur les
marchés mondiaux. L’espace
russophone englobe pratiquement tous
les pays de l’ex-URSS et une partie
significative de l’Europe de l’Est.
Il ne s’agit pas d’un empire mais
d’une expansion culturelle. Ce ne
sont pas les canons, ni
l’importation de régimes politiques
mais l’exportation de l’enseignement
et de la culture qui contribueront à
la création d’un cadre favorable aux
produits, aux services et aux idées
russes.
La Russie doit renforcer de
plusieurs crans sa présence dans le
monde en matière d’enseignement et
de culture et l’augmenter tout
particulièrement dans les pays où
une partie de la population parle ou
comprend le russe.
Il est nécessaire de discuter
sérieusement de la manière la plus
efficace d’améliorer la perception
objective de la Russie grâce à
l’organisation dans notre pays
d’importants événements
internationaux, à savoir du sommet
de la Coopération économique pour
l’Asie-Pacifique (APEC) en 2012, des
sommets du G20 et du G8 en 2013 et
2014, de l’Universiade de 2013 à
Kazan, des Jeux olympiques d’hiver
de 2014, ainsi que des Coupes du
monde de hockey sur glace et de
football de 2016 et de 2018.
La Russie est disposée à
continuer d’assurer sa sécurité et
de faire respecter ses intérêts
nationaux par le biais de sa
participation la plus active et la
plus constructive à la politique
mondiale et au règlement des
problèmes mondiaux et régionaux.
Notre pays reste ouvert à une
coopération sérieuse et mutuellement
avantageuse, ainsi qu’au dialogue
avec tous ses partenaires étrangers.
Nous nous employons à comprendre et
à prendre en compte les intérêts de
nos partenaires, mais nous les
prions de respecter également les
nôtres.
Vladimir V. Poutine
Article sous licence creative
commons
Vous pouvez reproduire librement les
articles du Réseau Voltaire à condition
de citer la source et de ne pas les
modifier ni les utiliser à des fins
commerciales (licence
CC BY-NC-ND).
Le sommaire du Réseau Voltaire
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|