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L’islam
imaginaire : la construction médiatique de l’islamophobie
en France
Thomas Deltombe Mercredi
23 janvier 2008
« Il ne faut surtout pas partir en
guerre contre une religion ni lui donner le sentiment d’être
victime d’un ostracisme. Cela étant, tout dépend de l’image
que donnera l’islam de lui-même. Si telle ou telle religion a
un comportement agressif, il ne faut pas s’étonner que cela
suscite des réactions », indiquait au Monde, en
juillet 2003, le médiateur de la République Bernard Stasi.
Il venait d’être nommé par Jacques Chirac
à la tête de la commission de réflexion sur la laïcité qui
proposera quelques mois plus tard une loi interdisant les « signes
ostensibles » dans les établissements scolaires. Une
religion a-t-elle des « sentiments », des « comportements » ?
Donne-t-elle une « image d’elle-même » ?
On objectera que M. Stasi veut parler ici des « musulmans »
et non de leur religion. C’est pourtant bien ce dernier terme
qu’utilise à plusieurs reprises le président de la commission
« pour la laïcité dans la République », dans cette
interview « relue et amendée » par lui.
Ce glissement sémantique pose problème. Sa
banalité plus encore. Si Bernard Stasi avait parlé des « musulmans »,
la contradiction aurait sans doute été plus apparente : les
musulmans donnent-ils une image d’eux-mêmes ? Et
comment cette image serait-elle « donnée » ?
Pourquoi ramener la diversité évidente des musulmans à une
« religion » d’un seul bloc, identifiée de surcroît
à un collectif potentiellement dangereux, puisqu’elle serait
susceptible de « comportement agressif » ?
L’identité des personnes supposées composer ce collectif
peut-elle d’ailleurs se réduire à leur qualité de « musulman » ?
Et de quels « musulmans » parle-t-on, au juste ?
C’est à ces questions que nous tenterons
ici d’apporter des réponses. Nous nous sommes penchés pour
cela, pendant de longs mois, sur les discours tenus sur l’« islam
de France » – et, au-delà, sur l’« islam »
en général – à la télévision française depuis trente ans.
Que disait-on dans les années 1970 de ces musulmans de France qui
font aujourd’hui presque quotidiennement la une de l’actualité ?
Pas grand-chose, en réalité. On commençait certes à parler de
l’« islam » dans le monde et des « immigrés »
en France, mais l’« islam en France », lui, était
totalement absent… Comment, dès lors, cette question de société
jadis invisible est-elle devenue aussi spectaculaire ?
Principalement grâce à la télévision :
depuis le milieu des années 1970, elle a pris une place considérable
dans le quotidien des Français, qui la regardent en moyenne plus
de trois heures par jour. En 1960, 13 % des ménages possédaient
un téléviseur, ils étaient 84 % en 1975. Une époque
ancienne où la société française découvrait une autre
nouveauté : l’immigration, en particulier celle originaire
de l’ancien Empire colonial.
Entre la décolonisation et la mondialisation
actuelle, c’est à travers la télévision que les Français ont
redécouvert les « musulmans » : « travailleurs
étrangers » jadis, « Français musulmans »
aujourd’hui… comme du temps de l’Algérie française. Ce
livre a pour ambition de rendre compte de cette évolution.
Comment les images de ces musulmans, que le petit écran peine à
faire apparaître autrement que comme des « autres »,
ont-elles bouleversé la façon dont la société française se
représente elle-même ?
Dans son livre sur la télévision, Pierre
Bourdieu faisait cette remarque qui mérite réflexion :
« Avec des mots ordinaires, on n’“épate pas le
bourgeois”, ni le “peuple”. Il faut des mots
extraordinaires. En fait, paradoxalement, le monde de l’image
est dominé par les mots. La photo n’est rien sans la légende
qui dit ce qu’il faut lire – legendum –, c’est-à-dire
bien souvent des légendes qui font voir n’importe quoi. Nommer,
on le sait, c’est faire voir, c’est créer, porter à
l’existence. Et les mots peuvent faire des ravages : islam,
islamique, islamiste – le foulard est-il islamique ou islamiste ?
Et s’il s’agissait d’un fichu, sans
plus ? Il m’arrive d’avoir envie de reprendre chaque mot
des présentateurs qui parlent souvent à la légère sans avoir
la moindre idée de la difficulté et de la gravité de ce
qu’ils évoquent et des responsabilités qu’ils encourent en
les évoquant, devant des milliers de téléspectateurs, sans les
comprendre et sans comprendre qu’ils ne les comprennent pas.
Parce que ces mots font des choses, créent des fantasmes, des
peurs, des phobies ou, simplement, des représentations fausses. »
En un sens, ce livre consiste à prendre
Pierre Bourdieu aux mots. Et si nous fixions sur le papier les
mots que la télévision a utilisé pour nous parler de l’islam en
France : « musulmans », « intégrisme »,
« islamisme », mais aussi « intégration »,
« racisme », « laïcité » ? Si nous
revenions sur les images qui les ont rendus visibles, sur les
personnages qui les ont incarnés et leur ont donné vie ?
Il est très difficile de discuter d’« islam »,
un sujet encore mal connu, soumis à de multiples interprétations,
à de multiples fantasmes. Il n’est pas non plus aisé de mener
une analyse critique des médias – en particulier de la télévision
–, lesquels nous permettent d’appréhender le monde, de
comprendre la réalité qui nous entoure et par là même de nous
construire.
Étudier les rapports entre les musulmans et
la télévision exige de s’émanciper de la vision de l’islam
que la télévision a contribué à nous transmettre. C’est donc
un travail résolu de déconstruction qu’il faut entreprendre
pour pouvoir ensuite reconstruire le processus qui a abouti aux
représentations actuelles. Il faut prendre de la distance avec ce
que l’on a pu voir (et croire). Effacer les idées reçues
pour entrevoir quelles idées nous ont été données.
Puisqu’il est souvent question d’amalgame
quand on parle d’islam, clarifions d’emblée deux définitions
de ce que peut vouloir dire « être musulman ». Une
personne peut être « musulmane » parce qu’elle a
intérieurement accepté ou choisi la religion musulmane comme foi :
c’est ce qu’on pourrait appeler la définition strictement
religieuse de l’identité musulmane.
Mais elle peut l’être aussi parce
qu’elle est assignée, de l’extérieur, à cette identité
pour la simple raison qu’elle est originaire d’un milieu ou
d’un pays à majorité musulmane : c’est ici la définition
large, assise sur une conception ethnique ou culturelle. Cette
distinction essentielle est au cœur de la réflexion sur les mots
et les images : elle sépare ce qu’il y a d’invisible
dans l’islam, la foi, de ce qui en a simplement les apparences.
Ne pas la garder en mémoire serait se satisfaire d’un regard
trop mécanique, se bornant à souligner des « différences »
parfois bien illusoires.
Être ou ne pas être « musulman »
n’est pas en fait la question essentielle. Il existe, on le
sait, de multiples manières d’interpréter l’islam. Quelles
interprétations faut-il considérer comme « valables »
ou « authentiques » ? Pourquoi, d’ailleurs,
cherche-t-on systématiquement à déterminer le « vrai »
ou le « bon » islam ?
Deux questions qui nous amènent à cette
seconde remarque primordiale : l’islam n’est pas une
religion centralisée avec une norme unique sur laquelle on puisse
discuter et débattre. Sur les plateaux de télévision, par
exemple, chacun y va de sa version en l’imposant souvent comme
une évidence, ou en la posant, parfois, comme simple référence.
Nous préférerons donc parler ici d’« islam
imaginaire ». Cela ne signifie pas que les versions de
l’islam présentées à la télévision soient plus « fausses »
– ou plus « vraies » – que d’autres. Mais plutôt
que l’islam télévisé, fait de mots et d’images, est moins
le reflet d’un hypothétique « islam réel » que le
miroir d’imaginaires qui traversent la société française. Des
imaginaires qui se reproduisent et évoluent avec le temps, et qui
sont le produit de rapports de forces dans lesquels nous sommes
impliqués, journalistes ou téléspectateurs, musulmans ou non.
Notre objectif est, on l’a dit, de revenir
sur ce qui a été dit et montré aux téléspectateurs, afin de
comprendre comment s’est construite la médiatisation télévisuelle
de l’islam de France depuis les années 1970. Aussi diverses et
contradictoires que puissent être les représentations télévisuelles,
nous les considérons comme le produit d’un travail collectif
effectué selon des règles et dans des contextes évolutifs.
Pour éviter les généralisations abusives
et, surtout, pour rendre compte au mieux des impressions qui se dégagent
et des possibles effets produits sur le téléspectateur, nous
nous appuyons systématiquement sur des exemples précis. Si nous
citons les noms de nombreux journalistes, en particulier de ceux
qui ont ou ont eu des responsabilités au sein des rédactions,
le but n’est évidemment pas de les mettre
en cause personnellement et de porter un jugement général sur
leur travail, mais bien plus de permettre au lecteur de comprendre
concrètement quels discours étaient socialement acceptables –
ou du moins acceptés – à des époques et dans des contextes
donnés.
Nous avons analysé des centaines de programmes
télévisés.
Nous nous sommes d’abord appuyés sur une étude aussi systématique
que possible des journaux télévisés de 20 heures des deux
premières chaînes nationales, de 1975 à 2004. Leur format étant
relativement constant depuis trente ans, ils nous ont servi de fil
directeur pour cerner les grandes étapes de la construction de l’islam
de France comme objet médiatique.
Ce n’est que dans un deuxième temps que nous
nous sommes intéressé aux émissions (magazines de reportages, débats
en plateau, etc.) qui donnent une idée plus précise du cadre idéologique
dans lequel s’inscrit la médiatisation de l’islam : les
reportages y sont généralement plus longs et plus fouillés et les
invités peuvent généralement s’exprimer davantage. Nous nous
sommes enfin attachés à replacer la médiatisation de l’islam
dans son contexte politique, social, économique, mais aussi médiatique :
la télévision n’est pas seule en piste.
Ce faisant, nous découvrons une des caractéristiques
essentielles de la médiatisation télévisuelle de l’islam de France :
les « musulmans » ont dans l’ensemble assez peu de prise
sur « leur » image. La variété des façons d’être
musulman place les journalistes dans une situation
d’incertitude. Mais aussi dans une certaine forme d’impunité :
qui viendra démentir leurs versions de l’islam ?
Qui peut statuer sur la légitimité de ceux
qui disent parler au nom de l’islam ? D’où tire-t-on l’idée
si répandue qu’« il y a trois (quatre, cinq…) millions
de musulmans en France » ? C’est le regard qui crée
l’objet, et non l’inverse. C’est donc paradoxalement en s’intéressant
à ce qui se passe à l’extérieur de ce que l’on appelle
aujourd’hui, de façon énigmatique, la « communauté musulmane
de France » qu’on peut comprendre la logique de sa médiatisation.
L’islam de France en tant qu’objet médiatique
est bien souvent regardé à travers des événements qui sont étrangers
à la France. Une révolution en Iran, un conflit en Irak, une guerre
civile en Algérie, des attentats à New York et à Washington ?
Et voilà les caméras qui s’intéressent aux « musulmans »
de l’Hexagone, avec l’idée implicite qu’ils sont « tous
les mêmes ».
Mais il est surtout, quoique de façon moins
visible, façonné par des phénomènes qui sont à bien des égards
étrangers à l’islam : crises de la représentation
politique, de l’école, des banlieues… Crise des médias et du
journalisme aussi, qui ont connu d’importants bouleversements depuis
trente ans : inversion du rapport de forces entre la presse
écrite et les médias audiovisuels ; place toujours plus centrale
de l’image dans l’information ; concurrence commerciale acharnée
entre les chaînes de télévision ; prime au scoop, à
l’immédiateté, au spectaculaire…
L’islam imaginaire est ainsi un islam évanescent,
disparaissant des écrans aussi soudainement qu’il y apparaît,
au gré des événements qui semblent le mettre en cause. C’est
aussi un islam partiel, regardé à travers des « problèmes »
et des crises qui ne le concernent pas forcément ou, en tout cas,
pas seulement. Ceux qui se considèrent comme musulmans peuvent se
sentir dépossédés et méprisés par ce regard tronqué et déformé.
Pour une partie d’entre eux, notamment les
jeunes des « cités ghettos », cette réaction légitime
est susceptible de nourrir un ressentiment favorable à la circulation
de rumeurs et de fantasmes sur le fonctionnement du « système
dominant » – symétriques, en quelque sorte, de ceux qu’on
projette sur eux –, eux-mêmes porteurs de plus graves dérives.
C’est aussi pour contribuer à éviter ce type de réactions qu’il
nous a semblé important de proposer un décryptage critique et dépassionné
des discours médiatiques dominants sur l’« islam de France »
depuis trois décennies.
On peut distinguer trois étapes majeures dans
la construction de cet objet « islam de France » à la
télévision. La première est celle de sa naissance progressive,
entre le milieu des années 1970 et la fin des années 1980. Deux
phénomènes concomitants incitent alors le regard médiatique à
s’intéresser à l’islam. L’évolution de la situation internationale
d’abord, avec la crise pétrolière et la très spectaculaire révolution
iranienne de 1978-1979.
Cette révolution qui se fait au nom de la religion
et autour d’un personnage singulier, l’ayatollah Khomeyni, marquera
durablement les esprits et participera à la recomposition du paysage
intellectuel français. « C’est le retour de l’islam ! »,
s’inquiète la télévision (chapitre 1).
Par une curieuse illusion d’optique, les images
iraniennes viennent se greffer sur une seconde évolution, moins visible
mais plus cruciale : la sédentarisation des populations immigrées
dans l’Hexagone. L’immigration étant progressivement perçue
comme un « problème » au tournant des années
1970-1980, la télévision met en évidence ce qui semble séparer
les « Français » des « étrangers ».
Derrière l’immigration, se profile un islam
que les médias veulent croire « incompatible » avec la
société française. Le paternalisme des années 1970 laisse place
à un discours de plus en plus accusatoire. Et, déjà, la tentation
est grande pour certains d’assimiler les « travailleurs étrangers »
à des « khomeynistes » (chapitre 2).
Ainsi s’opère, au milieu des années 1980,
un transfert de responsabilité parfaitement identifiable sur l’écran
d’une télévision de plus en plus commerciale : la société
française, ne parvenant pas à faire face aux crises multiples qu’elle
traverse, met en accusation ceux qu’elle désigne comme « responsables ».
Les immigrés, jadis victimes du racisme,
deviennent coupables d’un déficit d’« intégration ».
Ce faisant, les discours hostiles à l’islam, perçus jusque-là
comme une expression parmi d’autres de la xénophobie, entrent
opportunément dans le registre de l’acceptable et
d’aucuns craignent sans détour que la France ne soit bientôt
« étouffée » par la religion musulmane (chapitre 3).
C’est l’année 1989, avec l’affaire
Rushdie en février et la première « affaire des foulards »
à l’automne, qui marque l’aboutissement de ces évolutions :
en quelques mois, l’islam passe, à la télévision, du statut
de sujet périphérique, d’un intérêt secondaire et passager,
à un sujet central qui vient se loger au cœur de la société
française.
La stigmatisation maladive d’une « communauté
musulmane » décrite comme un bloc homogène et
l’incroyable hystérie politico-médiatique autour de trois
malheureux « tchadors » dans un collège de Creil témoignent
d’une profonde crise identitaire : la « France éternelle »,
perçue comme instinctivement laïque, prioritairement chrétienne
et uniformément blanche, a vécu (chapitres 4 et 5).
La deuxième étape, celle des années 1990,
a pour thématique centrale la constitution d’un « islam
de France ». Alors que le paysage international est
bouleversé par la chute du mur de Berlin en novembre 1989,
une nouvelle bipolarité commence à éclore sur les écrans de télévision :
celle qui opposerait l’islam à l’Occident. L’Iran de
Khomeyni, qui avait servi de référence à l’analyse de
l’islam tout au long des années 1980, disparaît au profit de
nouveaux ennemis : l’Irak de Saddam Hussein d’abord, et
surtout l’islamisme algérien (chapitre 6).
Les musulmans de France, qui apparaissent
maintenant prioritairement sous les traits caricaturaux des
« jeunes de banlieues », sont décrits comme des modérés
pendant la Guerre du Golfe de 1991. Mettant ses pas dans ceux du
gouvernement, qui jette pour la première fois les bases d’une
instance représentative du culte musulman en France, les rédactions
de télévision tentent de donner une image apaisante de la désormais
incontestable « communauté musulmane ». La guerre
contre l’ennemi irakien n’impose-t-elle pas de faire la paix
avec les « musulmans de France » (chapitre 7) ?
Devenue le moteur incontesté du système médiatique
depuis la fin des années 1980 et alors qu’il apparaît
clairement que la religion musulmane est devenue une réalité
française, la télévision tente de réformer son vocabulaire. En
même temps qu’elle donne à voir un « fossé »
grandissant entre le « monde musulman » et le « monde
occidental », elle découpe la « communauté musulmane »
de France en deux pôles : les « modérés »,
qu’il faudrait défendre, et les « islamistes »,
contre lesquels il faudrait lutter.
Cette grille de lecture, qui s’impose
progressivement comme une évidence, est en réalité tellement
artificielle qu’elle n’empêche pas, au contraire, la
multiplication des confusions quand éclate la « deuxième
guerre d’Algérie ». Comme si l’Algérie, c’était
encore un peu la France, la guerre civile qui fait rage de
l’autre côté de la Méditerranée vient coloniser le
traitement médiatique de l’islam de France entre 1992 et 1997.
C’est le temps des manipulations, des
amalgames et, bientôt, des attentats (chapitre 8, 9 et 10).
Secouées par ce terrorisme qu’elles qualifient alternativement
d’« islamique » et d’« islamiste »,
les chaînes de télévision enjoignent les téléspectateurs à
ne pas céder aux « amalgames »… qu’elles-mêmes
n’ont cessé d’entretenir. Puis, fait surprenant, la religion
musulmane, dans sa déclinaison française, disparaît
pratiquement des écrans à la fin des années 1990 (chapitre 11).
La troisième étape est ouverte par les
terribles attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain.
Alors que le terrorisme est par essence spectaculaire dans ses résultats,
il est parfaitement invisible dans sa préparation. Une situation
délicate pour la télévision : comment éviter la psychose
et la suspicion généralisées ? Média visuel, la télévision
peine à distinguer l’« ennemi invisible ».
Chasse aux scoops oblige, elle entre dans un
traitement virtuel de l’actualité. Les « dérapages »
médiatiques se multiplient à l’heure où la sécurité devient
la première préoccupation des élites politico-médiatiques
(chapitre 12). L’obsession sécuritaire se mue en obsession
identitaire au lendemain du 21 avril 2002.
La « République » devient le
concept magique censé régler l’ensemble des problèmes
sociaux. Terrorisme, communautarisme, antisémitisme, sexisme :
tout semble concourir à mettre en accusation une « communauté
musulmane » qu’on dit rongée de l’intérieur par un
islamisme dont on peine pourtant à cerner les contours.
« Faut-il avoir peur de l’islam ? »,
s’inquiètent des journalistes de télévision (chapitre 13).
Mais qui sont donc les ennemis de cette République devenue pilier
de l’identité nationale ? Certains journalistes tentent de
débusquer les islamistes et de dévoiler les périls.
Mais l’ennemi invisible reste en fait
largement indéfini : Tariq Ramadan ? Les Frères
musulmans ? Les imams salafistes ? Le voile islamique ?
L’islam lui-même (chapitre 14) ? Si on a fini par
s’habituer à la présence musulmane, sa visibilité continue de
poser « problème ». On ne veut plus voir ces foulards
qui attirent pourtant l’œil des caméras. L’écran de télévision
devient un champ de bataille symbolique : manifestants
« intégristes » contre préfet musulman. Des symboles
pour esquiver la réalité (chapitre 15) ?
C’est à ce voyage à travers trois décennies
d’« islam télévisuel » en France, parfois comique,
plus souvent inquiétant, voire révoltant, que nous invitons
maintenant le lecteur.
Introduction du livre « L’islam
imaginaire : la construction médiatique de l’islamophobie
en France (1975-2005) » paru en format poche aux éditions
La Découverte.
[1] Le
Monde, 2 juillet 2003.
Pierre
Bourdieu, Sur
la télévision, Liber Raison d’Agir, Paris, 1996, p. 19.
[3]
Archivés au centre de consultation des archives de la télévision
française, l’Inathèque de France.
Thomas Deltombe, journaliste, diplômé
de l’Institut d’études politiques de Paris et titulaire
d’un DEA d’histoire contemporaine.
Droits de reproduction et de diffusion réservés
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Publié le 25 janvier 2008 avec l'aimable autorisation d'Oumma.com
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