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Contribution de l’Islam à la
renaissance de la pensée européenne (partie1/2)
Tahar Gaïd
Jeudi
6 septembre 2007
Il n’est pas possible de tenir en quatre pages
la contribution de l’Islam à la renaissance de la pensée européenne.
C’est pourquoi, cet exposé n’est qu’un résumé de quelques
lignes. Son intérêt consiste pourtant à offrir au lecteur des
points de repères suffisamment détaillés pour qu’il se forge
une idée sur cette question.
Il n’y a aucun doute que le patrimoine
civilisationnel humain se réalise ainsi : donner et
recevoir. Il n‘y a pas de nation à l’antique civilisation qui
n’a pas offert son savoir à cet hé-ritage universel et n’a
pas puisé à son tour. Il est qu’inconcevable qu’un Etat,
parmi d’autres, se constitue en prenant son élan à partir du néant.
Il est indéniable que la pensée ne reconnaît pas les frontières
artificielles tracées entre les peuples. Bien au contraire, elle
franchit les obstacles et s’impose d’elle-même en dépit des
entraves qui jalonnent son expansion naturelle.
Si nous acceptons le sujet de ce discours – et
peut-on le contredire ? – nous concluons à l’impartialité
de certains observateurs occidentaux qui s’obstinent à affirmer
que la philoso-phie islamique ne véhicula rien d’autres que
celle de la Grèce en la transcrivant en caractères arabes. Ces mêmes
censeurs refusent de reconnaître l’influence de la pensée
musulmane sur celle de l’Europe. Pourtant, l’étude objective
des relations culturelles entre l’Orient et l’Occident des siècles
derniers déterminera l’inanité de ces fausses assertions
qu’il faudrait, en vérité, inscrire au compte du maladif
complexe de supériorité.
1 – La philosophie au passé :
Les érudits européens effectuèrent, depuis 1130, de gros
efforts pour traduire la philosophie islamique de l’arabe au
latin. Le monde chrétien ren-contre le monde musulman en Italie
du sud et en Espagne. Dans ce dernier pays, il exista un actif
mouvement de traduction. Il se trouvait à Tolède, après sa
reconquête, une abondante bi-bliothèque arabe, installée dans
une des nombreuses mosquées et bien connue des initiés.
La traduction de la matière philosophique fut
conduite, d’une manière particulière, par Raymond qui occupa
la fonction d’archevêque à Tolède de 1130 à 1150. Cet homme
d’Eglise constitua un groupe de traducteurs compétents dont il
confia la présidence à Dominique Gon-disalvi. Les nombreux résultats
de leurs travaux se répandirent en Europe et furent ainsi lus et
étudiés par les philosophes de ce continent.
En 1220, Frédéric II, devenu empereur, avait déjà
d’étroites relations avec les musul-mans et portait une grande
admiration en particulier aux philosophes dont il lisait les
livres di-rectement dans le texte car il maîtrisait la langue
arabe. A Palerme, il ouvrit une aile de son palais aux études des
œuvres scientifiques du monde musulman. Il fit don aux universités
de Bologne et de Paris d’ouvrages philosophiques traduits en
latin. En 1224, il fonda l’université de Naples et en fit une
Académie destinée à introduire les sciences islamiques dans le
monde occidental.
Ce qui mérité d’être mentionné à ce sujet,
c’est que Saint Thomas d’Aquin fit ses études dans ladite
université avant d’entrer dans l’ordre du monachisme. Ceci
expliquerait les raisons qui le poussèrent à se préoccuper des
enseignements de la philosophie musulmane au point de lui accorder
sa juste valeur.
D’une manière générale, les écrits d’Ibn Sînâ
(Avicenne) et d’Ibn Rushd (Averroès) occupèrent une place
importante au Moyen-âge européenne, tant et si bien que deux
courants philosophiques s’y dessinèrent et furent connus sous
le nom : l’Avicennisme et l’Averroïsme.
L’école philosophique chrétienne fur représentée
par Albertus Magnus et Saint Tho-mas dont les idées
s’accordaient en partie avec celles d’Ibn Sînâ, particulièrement
en ce qui concerne la théorie de la connaissance. Ces deux
penseurs s’inspirèrent également de ses tra-vaux à propos des
universaux, c’est-à-dire des concepts qui définissent la manière
par les-quelles un prédicat est lié au sujet par un rapport :
le genre, l’espèce, la différence, le propre et l’accident.
Pour sa part Saint Thomas accepta les vues d‘Ibn Sinâ à propos
de la nette sépara-tion entre la substance et l’existence. Le
philosophe musulman, traitant de la première ques-tion, dit :
« La quiddité de la chose, c’est-à-dire la perfection de
son être essentiel. »
Il a été également relevé une forte
influence d’Ibn Sinâ sur la définition que donna Al-bertus au
sujet de l’âme et de la théorie relative à la prophétie.
D’aucuns remarquèrent dans les œuvres de celui que les Européens
nommaient Avicenne, l’idée du cogito qui se retrouve dans les
écrits de Descartes.
Carra de Vaux établit l’existence d’un
Avicennisme en Europe moyenâgeuse. Les éléments, qui s’y
renfermaient, étaient plus évidents que ceux contenus dans l’Augustinisme
ou dans toute autre forme de la réflexion chrétienne. Quant à
Roger Bacon, il ne cacha pas son admiration pour Ibn Sinâ. La
conception de ce dernier sur le califat ne fut pas étrangère à
la formation de la théorie papale du philosophe français.
Albertus ne fut pas insensible aux idées d’Al-Farâbî
dont le livre « Ihsâ al-‘ulîm »
exerça une influence égale sur d’autres penseurs. Le
philosophe musulman livra un panorama exhaustif et clair sur
toutes les sciences connues à son époque et y dévoila son intérêt
théori-que et scientifique. Au XIIème siècle, l’érudit
espagnol Gundissalinus y emprunta la grande partie du contenu du
livre cité ci-dessus et l’inclut dans son célèbre livre
relatif à la division de la philosophie. De son côté, Roger
Bacon profita aussi des enseignements de l’œuvre d’al-Farâbî,
comme le fit à son tour Jérôme de Moraire, au XIIIème siècle,
à propos du discours sur la musique.
Au milieu du XIIIème siècle, la plupart des œuvres
philosophiques d’Ibn Sinâ furent traduites en latin. Renan établit,
dans son livre sur Avicenne, l’existence en Europe d’un
Avi-cennisme latin qui persista jusqu’au XVIIème siècle et
participa favorablement à la manifes-tation de la renaissance et
à l’éclosion de la liberté de la pensée à travers le
continent.
Quant à al-Ghazâlî, il eut tantôt une
influence directe, tantôt une influence indirecte sur le monde
ancien et moderne de la pensée européenne. Raymond Martin fut le
propagateur des idées ghazaliennes. La plupart des arguments présentés
dans son livre sur la blessure béante contre les maghrébins et
les juifs furent puisés dans le livre « Tahâfut
al-falâsifa » (la divagation des philosophes) d’al-Ghazâlî.
Il est à signaler encore que les objections émises
par Saint Thomas sur certains sujets ressemblent comme deux
gouttes d’eau à celles qui sont exposées par les gens du
calame (philosophes dont l’activité porta sur la défense de
l’Islam) et parvenues à lui par l’intermédiaire d’al-Ghazâlî.
Il faut dire que ces observations élogieuses n’émanent
pas de musulmans enclins à faire valoir la grandeur de l’Islam.
Elles appartiennent à des individus étrangers à cette religion
tels que l’Allemand Ernest Bloch, Fisher Lexikon, Hirschhberger.
L’évêque William d’Auvergne, évêque de Paris, loua
hautement Ibn Sinâ et le présenta comme le véritable défenseur
de la vé-rité.
Quant à l’Espagnol Gomez Nogales, il déclara
en substance : « Je suis complètement
convaincu qu’il y a une influence directe de la philosophie
musulmane en Europe au cours du Moyen-âge ; Mieux encore, je
dirai : si ce n’était cette influence qu’avait eu la
philosophie musulmane sur le Christianisme, il se pourrait que la
philosophie chrétienne n’aurait pas été en mesure de réaliser
le gigantesque saut dont nous connaissons la valeur chez les génies
de l’école philosophique tels que Saint Thomas. Pour le moins,
cette colossale traversée ne se serait pas faite avec cette
rapidité qui étend son ombre sur nous. »
Nogales affirme encore que la conclusion déductive
à laquelle il parvint, à la suite de ses études comparatives
entre la philosophie musulmane et la philosophie chrétienne au
Moyen-âge, c’est l’existence dans la réflexion chrétienne,
de courants qui se concilient avec la philosophie musulmane en de
nombreux points. Bien que l’opinion de Nogales se limita aux
effets produits au Moyen-âge par la philosophie musulmane,
celle-ci n’eut pas moins une in-fluence sur la pensée moderne.
C’est d’ailleurs un aspect auquel les chercheurs, y compris
ceux de notre époque, n’accordèrent que peu d’importance.
Contribution de l’Islam
à la renaissance de la pensée européenne (partie2/2)
Tahar Gaïd est né le 22 octobre 1929 à
Timengache, Beni Yala (Wilaya de Sétif). Après des études aux médersas
de Constantine et d’Alger, il exerce la fonction d’enseignant
à Tighanif, près de Mascara, puis à Alger.
Militant du PPA/MTLD, il participe à la lutte
pour la libération nationale. Il prend l’initiative
d’organiser des cellules FLN à Tihganif, anciennement Palikao.
Arrêté en mai 1956, il est détenu pendant six années consécutives
dans les prisons et les camps d’internements en Algérie.
Dès 1963, il opte pour la carrière diplomatique
en qualité d’ambassadeur dans plusieurs pays africains. En
1978, il cesse toute activité administrative.
A partir de 1980, il se consacre dès lors aux
aspects théoriques et pratiques de l’Islam. Il se signale par
la publication du Dictionnaire élémentaires de l’Islam (OPU).
Il est aussi l’auteur d’autres livres dont Réalités
universselles de l’Islam( OPU ) et Religion et Politique en
Islam (aux éditions Bouchene)
Parallèlement à ces écrits, il publie à L’OPU
un lexique philosophique arabe-français et français-arabe.
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