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Les banques internationales exploitent la
crise pour engranger des profits massifs
Stefan Steinberg
Vendredi 31 juillet 2009 En
début de semaine, la Deutsche Bank, sise en Allemagne, a annoncé
une hausse considérable de ses profits. La banque avait publié
un bénéfice net de 1,1 milliard d’euros au titre du second
trimestre de cette année, près du double des bénéfices réalisés
au cours de la même période de l’année dernière (645 millions
d’euros).
La hausse massive des
profits de la Deutsche Bank survient après la publication de
résultats record par la banque américaine Goldman Sachs. Il y a
deux semaines, la banque d’investissement américaine avait
affiché des bénéfices record de 3,44 milliards de dollars (2,44
milliards d’euros) en l’espace de trois mois d’avril à juin.
Moins d’un an après
l’éruption de la crise financière qui a dévasté les économies de
par le monde et éliminé près de 40 pour cent de la valeur
estimée de la richesse mondiale, un nombre de grandes banques et
d’institutions financières enregistrent des profits record en
mettant de côté des sommes nettement plus importantes, dans
certains cas des sommes record, pour les salaires et les bonus
de leurs employés.
En 2008, la Deutsche Bank,
enregistrait les plus fortes pertes de son histoire, 3,9
milliards d’euros (5,5 milliards de dollars). Comment expliquer
un tel revirement ?
Un récent article paru dans
l’hebdomadaire Der Spiegel et intitulé « Le retour de la
cupidité — les banques rouvrent le casino mondial » donne un
bref aperçu de la question. L’article cite un influent ancien
banquier qui a déclaré, « Il y a quelques années, les banques
d’investissement devenaient riches grâce à l’argent de leurs
clients. Lorsque ces ressources devinrent trop faibles, elles se
retournèrent sur l’argent de leurs actionnaires. A présent,
elles se sont procuré le plus important réservoir que le monde
puisse offrir : l’argent des contribuables. »
L’article cite le gérant
des opérations bancaires allemandes d’une banque
d’investissement internationale qui a dit, « Le contribuable
paie les jetons de casino… on ne pourrait mieux faire. »
Suite à l’effondrement de
Lehman Brother en septembre 2008, le gouvernement américain
était intervenu avec un énorme plan de sauvetage. Depuis, le
gouvernement américain a initié des programmes pouvant allouer
jusqu’à 23,7 billions de dollars pour étayer le système
financier, une somme correspondant à 1,7 fois le produit
intérieur brut des Etats-Unis.
Les mesures adoptées par
Washington furent copiées par les gouvernements dans le monde
entier.
Sur l’ordre des banquiers,
notamment Josef Ackermann, le patron de la Deutsche Bank, le
gouvernement allemand avait préparé à la fin de l’année dernière
un plan de sauvetage des banques allemandes s’élevant à 500
milliards d’euros. Depuis, il a promis de mettre à la
disposition du monde financier des centaines de milliards
supplémentaires dans le cadre de la mise sur pied des « bad
banks ».
L’on admet que depuis
l’éruption de la crise financière en septembre 2008, les
gouvernements ont engagé un total de 18 billions de dollars de
fonds public pour la recapitalisation du système bancaire, une
somme correspondant à près de 30 pour cent du PIB mondial. Dans
pratiquement tous les principaux pays industrialisés, les
grandes banques et institutions financières jugées être des
« institutions au risque systémique » bénéficient de chèques en
blanc de la part de leur ministère des Finances respectif.
Les mesures de sauvetage
adoptées par les gouvernements nationaux représentent un immense
filet de sécurité pour les banques leur permettant une fois de
plus de se lancer dans des opérations hautement spéculatives. Le
niveau des dettes résultant des plans de sauvetage et d’autres
formes de programmes conjoncturels ont pris des proportions
gigantesques et que des générations à venir devront rembourser.
Dans le même temps,
l’endettement rapide du gouvernement offre des possibilités
lucratives juteuses aux banques. Le négoce de titres de dettes
liés aux plans de sauvetage est en passe de devenir une activité
centrale des grandes banques. L’on s’attend à ce que
l’endettement moyen des gouvernements de l’Union européenne
passe cette année à 80 pour cent du PIB et il devrait même être
plus élevé en 2010. En Grande-Bretagne, la dette gouvernementale
est censée atteindre 100 pour cent du PIB en 2009. La dette du
gouvernement japonais pourrait atteindre 200 pour cent d’ici
2011, et la dette gouvernementale des Etats-Unis pourrait la
même année vraisemblablement atteindre 100 pour cent du PIB.
Comme les taux
d’endettement augmentent de par le monde, les agences de
notations sont en train de rétrograder le ratio de la
solvabilité des pays concernés qui devront ensuite payer aux
banques des taux d’intérêt plus élevés pour leur crédit. Pour
les banques, c’est la situation classique du double gagnant (win-win).
Dans le même temps, les
banques hésitent à investir dans les entreprises parce que,
comme elles disent par euphémisme, « dans le contexte actuel
incertain du climat financier » l’avenir des firmes normales et
des grandes entreprises est « trop risqué ». Devant faire face
au refus des banques d’accorder des crédits, les entreprises
industrielles et commerciales sont obligées de vendre des
obligations à taux d’intérêt bien plus élevé. Les banques font
des bénéfices en spéculant sur le négoce de ces obligations.
L’article de Der Spiegel
poursuit, « Il y a comme une ironie de voir que la crise
actuelle qui avait commencé sur les marchés financiers renforce
à nouveau les marchés financiers. Le volume des émissions
obligataires a littéralement explosé. Rien qu’en Europe
continentale, les entreprises, et sans compter les banques, ont
emprunté 318 milliards de dollars (par la vente d’obligation)
durant les six premiers mois de cette année… c’est une
augmentation d’environ 50 pour cent par rapport à la moyenne de
ces trois dernières années. »
Parallèlement à cette
hausse énorme des bénéfices bancaires, le salaire du personnel
bancaire a explosé à la hausse. Selon une évaluation du cabinet
Johnson Associates, les salaires sont censés augmenter cette
année en moyenne de 20 à 30 pour cent dans l’ensemble du secteur
bancaire.
La rémunération des
employés de Goldman Sachs devrait être en moyenne de l’ordre de
770 000 dollars cette année, la plus forte rémunération annuelle
de l’histoire de la banque.
Citigroup qui a reçu 45
milliards de dollars d’aide en argent liquide du gouvernement
américain auxquels se sont ajoutés plus de 300 milliards de
dollars de garanties de ses actifs, et dont le gouvernement
détient à présent 34 pour cent du capital, projette cette année
d’augmenter de 50 pour cent les salaires pour compenser des
bonus plus faibles. D’autres banques, y compris UBS et Morgan
Stanley, accordent également à leurs salariés des augmentations
de salaire appréciables de l’ordre de 30 à 60 pour cent.
En Allemagne, Michael
Kemmer, le président du directoire de la BayernLB qui a perçu
des dizaines de milliards d’aides publiques pour éviter la
faillite a réaffirmé son intention de verser aux salariés de sa
banque des bonus de « motivation. »
Ces salaires mirobolents
sont versés de façon disproportionnelle aux cadres et aux
opérateurs de marché qui peuvent escompter des salaires et des
bonus s’élevant à des millions et des dizaines de millions de
dollars.
Les grandes banques, telles
Goldman Sachs, JPMorgan Chase et Deutsche Bank saisissent
l’occasion sans pareil qui s’offre à elles pour faire de
l’argent en engageant une stratégie offensive dans le but
d’éliminer leurs concurrents.
Dans l’édition de mercredi
du Financial Times, le patron de la Deutsche Bank,
Ackermann, a rendu hommage aux mesures prises par les
gouvernements de par le monde en accord avec les banques en leur
demandant de renforcer leurs efforts afin de sauvegarder les
intérêts des principaux acteurs financiers du monde.
Ackermann écarte le reproche que c’est le
monde bancaire qui est responsable de la crise actuelle et
déclare que toute initiative en vue de créer des banques plus
petites serait contre-productive. Au lieu de cela, il exige de
nouvelles mesures pour protéger les intérêts « de complexes
institutions financières mondiales », c’est-à-dire de grandes
banques telles la Deutsche Bank.
Un influent banquier d’affaires de la
Deutsche Bank, Anshu Jain, a dit en mai au magazine britannique
Euromoney, qu’à l’avenir,
« il existerait cinq ou six acteurs mondiaux dans le domaine
d’activité des banques de financement et d’investissement ».
Ces organismes financiers géants de
l’investissement et de la finance constitueront, selon Der
Spiegel, un nouvel « oligopole » financier bénéficiant d’un
accès sans pareil aux deniers publics et à la bourse du
contribuable. Plus que jamais, les banques imposent à l’Etat
leur politique indépendamment de la composition politique du
gouvernement. Ce sont les banquiers et leurs groupes de pression
qui mènent la dance à Washington, Berlin et Londres.
Le PDG de Goldman Sachs, JPMorgan Chase et
Deutsche Bank considèrent l’actuelle crise pour laquelle ils
sont en grande partie responsables, comme une chance qu’il faut
exploiter sans ménagement. Pour la classe ouvrière, ceci
signifie une exploitation plus intensive de la main-d’œuvre et
la destruction de tout ce qui reste des acquis des luttes
sociales de plus d’un siècle.
Dans toutes les capitales du monde, les
gouvernements préparent une contre-révolution sociale. C’est en
cela que réside la signification de la réforme du système de
santé et l’intervention de la Maison-Blanche dans la
restructuration de l’industrie automobile en fonction des
intérêts de profits de Wall Street.
Le gouvernement allemand qui, dans quelques
mois, sera confronté au défi des élections législatives est
obligé d’être plus prudent. Néanmoins, il est d’ores et déjà
évident que la grande coalition formée par les partis
conservateurs (CDU-CSU) et le Parti social-démocrate (SPD) est
volontiers prête à ce que de grands groupes industriels, tels
Opel, ouvrent une procédure d’insolvabilité tandis que des
attaques massives contre les systèmes de santé et de retraite
sont en préparation et qui seront perpétrées sitôt les élections
passées.
Le casino financier mondial risque de plonger
l’économie et la société dans une catastrophe encore plus
grande. Si le contrôle de l’économie mondiale est maintenu entre
les mains d’Ackermann et consorts, l’humanité sera confrontée à
un désastre. Il est plus urgent que jamais que les principales
institutions financières soient expropriées et soumises au
contrôle démocratique de la classe ouvrière internationale dans
le cadre d’une économie socialiste mondiale planifiée.
(Article original paru le
31 juillet 2009)
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Publié le 7 août 2009 avec l'aimable autorisation du WSWS
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