Opinion
L'impasse
occidentale en Syrie
Soraya Hélou
Samedi 30 juin 2012
C’est avec beaucoup de cynisme que
des diplomates occidentaux en poste au
Liban sont en train de dire aux
journalistes qui les rencontrent que la
communauté internationale ne pourrait
pas accepter que la Syrie bascule entre
les mains des extrémistes islamites,
cette hypothèse étant la plus mauvaise
pour « Israël », principal allié des
Etats-Unis. Un an et quatre mois après
le déclenchement de la révolte en Syrie,
la communauté internationale qui n’a
cessé de mettre la pression sur le
régime syrien par tous les moyens
possibles (appui total à l’opposition en
armes, formateurs et fonds et guerre
médiatique sans précédent) se retrouve
aujourd’hui au pied du mur, ne sachant
comment éteindre le feu qu’elle a
allumé. L’idée de départ était de
provoquer la chute rapide d’un régime
violent et impopulaire pour mettre aux
commandes de la Syrie un pouvoir plus
malléable et plus sensible aux intérêts
des Américains et de leurs alliés
israéliens. Mais d’une part, le régime
de Bachar Assad a montré qu’il était
beaucoup plus solide que prévu et qu’il
jouissait d’une grande popularité au
sein de la population syrienne, et
d’autre part, la relève n’est pas si
facile à trouver, surtout après le chaos
qui règne en Egypte et ailleurs avec
l’avènement des Frères musulmans et la
fin des régimes dictatoriaux alliés à
l’Occident.
Comme d’habitude, la communauté
internationale ne veut pas avouer son
échec et elle continue à alimenter
l’opposition syrienne en armes
sophistiquées et en fonds pour maintenir
la crise en Syrie, dans l’espoir de
parvenir à marquer des points. La
nouvelle thèse en vogue dans certaines
chancelleries occidentales prévoit le
remplacement de Bachar Assad par un
homme du régime, pour ne pas aboutir au
même chaos qui a régné en Irak lors de
l’invasion américaine, laquelle s’était
empressée d’éliminer toutes les
structures étatiques en place. Sans la
moindre honte, certains diplomates
précisent que le régime actuel syrien a
du bon dans la protection des minorités
et parce qu’il assure une certaine
stabilité dans la région, notamment à la
frontière avec « Israël ». Le problème,
ajoutent-ils, c’est le président
lui-même, qui a trop fait couler le sang
de son peuple et avec lequel les
représentants de l’opposition ne veulent
pas dialoguer. C’est pourquoi il
faudrait donc le remplacer en maintenant
en place le régime avec toutefois des
réformes politiques en vue de plus de
démocratie. Seize mois de révolte, de
sang, de terreur pour aboutir à un tel
constat ? A moins que pour la communauté
occidentale, les Arabes étant des
demeurés, ils ne mériteraient donc pas
de véritable démocratie, juste quelques
miettes jetées en appât pour faire taire
les opinions publiques internationales
et surtout, surtout, il ne faut pas leur
laisser leur dignité, l’essentiel étant
de préserver les intérêts de l’Occident.
Ces thèses montrent en tout cas une
fois de plus, l’incompréhension totale
des occidentaux face aux peuples arabes
et aux enjeux stratégiques. D’abord, les
Syriens montrent chaque jour qu’une
grande partie d’entre eux reste attachée
au président qui symbolise à leurs yeux,
leur dignité et leur indépendance.
Toutes les tentatives menées jusqu’à
présent (et Dieu sait s’il y en a eu !)
pour obtenir la défection d’une
personnalité importante du cercle proche
de Bachar Assad ont échoué. Seize mois
après le début de l’insurrection,
celui-ci continue de bénéficier du
soutien d’une armée cohérente et de la
plupart des institutions de l’Etat. En
même temps, de nombreux groupes de
l’opposition se sont transformés en
milices armées, rejetées par la
population. Enfin, sur le plan
stratégique, le président syrien
bénéficie de l’appui total de la Russie
qui verrouille toute intervention
militaire menée par l’ONU et refuse
toute transition qui n’obtiendrait pas
l’aval du peuple. Le dossier syrien est
ainsi devenu un casse tête pour
l’Occident, qui faute de pouvoir le
résoudre à son avantage, préfère encore
laisser couler le sang syrien dans
l’espoir de parvenir à enregistrer ne
serait-ce qu’une victoire
symbolique…L’Occident revoit ses
ambitions au rabais mais laisse brûler
la Syrie parce qu’il n’a pas de solution
de rechange et ne peut pas accepter la
défaite. Pour des défenseurs de la
démocratie, on peut faire mieux…
Source: moqawama.org
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