Opinion
Un projet de loi
électorale qui rassemble les chrétiens,
un casse-tête pour Bkerké
Soraya Hélou
Mgr
Béchara Raï
Lundi 26 septembre
2011
La réunion
chrétienne élargie à Bkerké vendredi
dernier a ouvert la boîte de pandore
électorale et celle des divisions
interchrétiennes. L'initiative du
patriarche Béchara Raï d'unifier les
chrétiens autour d'un même projet de loi
électorale assurant une représentation
maximale des chrétiens aux prochaines
élections législatives est en train de
tourner court, en raison justement des
intérêts divergents de chaque groupe.
Au fond, les groupes représentés ayant
chacun une audience différente ont donc
des intérêts particuliers
contradictoires dans le découpage et le
système de vote et cela est apparu au
grand jour au cours de la réunion de
vendredi. Derrière la surenchère
représentative qui souvent mène à
l'émergence des extrémismes, la volonté
de chaque groupe d'obtenir une loi
électorale à sa mesure est devenue très
claire et de l'avis d'un des
participants, il sera très difficile
d'obtenir un accord de toutes les
parties chrétiennes sur un même projet.
Officiellement, les participants
devaient exprimer quatre projets
différents : celui présenté par l'ancien
vice-président de la Chambre Elie Ferzli
qui prévoit que chaque confession puisse
élire ses représentants. Ce qui devrait
permettre aux grecs orthodoxes notamment
d'élire leurs propres représentants au
lieu que ceux-ci soient choisis par des
voix non seulement musulmanes mais aussi
maronites. L'idée de Ferzli est venue
après les élections de 2009 lorsqu'il a
constaté que les orthodoxes de la Békaa
ouest (sa propre circonscription)
n'avaient pas vraiment eu voie au
chapitre, alors que les élites
orthodoxes sont en crise en raison de
plusieurs facteurs. Le second projet est
présenté par le centre d'études de Issam
Farès et consiste dans la fameuse
équation « One man one vote ». Ce qui
constitue la plus fidèle représentation,
puisqu'un électeur choisit un seul
candidat, mais favorise en fait les
extrémistes dans chaque camp et fait
pratiquement double emploi avec les
élections municipales où les
circonscriptions électorales sont à
l'échelle de la localité. Le troisième
projet est celui de la proportionnelle
qui assure une meilleure
représentativité des minorités dans les
grandes circonscriptions. Ce système qui
avait été recommandé par la commission
nationale présidée par Fouad Boutros
pour élaborer une nouvelle loi
électorale avant les élections de 2009
avait été abandonné parce que jugé trop
compliqué tout en étant considéré comme
valable pour être étudié avant
l'échéance de 2013. Enfin, le quatrième
projet est la loi actuelle basée sur une
petite circonscription, le caza, dans un
système de vote majoritaire.
Mais en réalité, la réunion élargie ne
s'est pas penchée sur les projets. Le
débat a essentiellement opposé les
partisans de la proportionnelle et ceux
du projet de Ferzli, qui constituent
deux approches diamétralement opposées.
Les grands partis étendus sur l'ensemble
du territoire ont tout à gagner dans le
système proportionnel où ils peuvent
aspirer à obtenir l'élection de leurs
candidats même dans les circonscriptions
où ils sont minoritaires, tout en ayant
plus de 10% des voix. C'est notamment le
cas du CPL du général Aoun, qui pourrait
par le biais de la proportionnelle avoir
des députés au Akkar, à Beyrouth, à Aley,
au Chouf, à Zahlé, à Koura et ailleurs
tout en perdant une partie des sièges au
Kesrouan. Son allié le courant des
Maradas de Sleiman Frangié a des
intérêts opposés, puisque son point de
force est au caza de Zghorta, où dans le
projet majoritaire avec dans une
circonscription basée sur le caza, il
peut obtenir tous les sièges, alors que
dans le système proportionnel, il risque
d'en perdre un. Les Kataëbs et les
Forces libanaises ne veulent pas de la
proportionnelle d'abord parce que ces
deux formations ne pourront plus compter
sur les voix sunnites pour les repêcher
dans les circonscriptions où ils n'ont
pas une grande représentativité
populaire, mais surtout par solidarité
avec leur grand allié le Courant du
Futur principal lésé dans le système de
la proportionnelle, puisque même dans
les bastions : Beyrouth, Tripoli, Saïda
et le Akkar, il devra compter avec ce
qu'on appelle l'opposition sunnite qui a
près de 25% des voix des électeurs de la
communauté. Autre grand perdant de la
proportionnelle, Walid Joumblatt qui
pourrait perdre la totalité de la
représentation de Aley et du Chouf,
préservée depuis des années.
Face à ces intérêts contradictoires, il
y a peu de chances que les différents
groupes chrétiens puissent s'entendre
sur un seul projet et l'initiative du
patriarche Raï, tout à fait louable en
elle-même, a commencé à se noyer dans la
création de commissions chargées
d'étudier et d'aller plus loin dans
l'examen des différents projets. Une
manière élégante de montrer que l'accord
n'a pas été possible. Selon un
participant à la réunion, comme
toujours, les débats se multiplieront et
finalement, on en reviendra au maintien
de la loi électorale avec un peu de
lifting pour faire croire que l'on fait
du neuf. L'évolution du système est
toujours très lente au Liban et la
réunion de Bkerké a montré vendredi que
ceux qui prétendaient vouloir la
proportionnelle parce que c'est un
système moderne qui assure la
représentation des minorités ne veulent
au fond qu'un système figé qui leur
permet de grimper dans les trains
majoritaires pour arriver au
Parlement...
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