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Opinion
Parole d'émir...
Soraya Hélou
Séoud Al Fayçal -
Photo: RIA Novosti
Jeudi 20 janvier 2011
Si les Libanais avaient encore quelques illusions, sur une
reprise éventuelle des contacts syro-saoudiens et sur une
possibilité de l’aboutissement à un compromis, celles-ci se sont
totalement dissipées après la déclaration du ministre saoudien
des Affaires étrangères Séoud Al Fayçal, relayée dans tous les
médias hier et aujourd’hui. Avec un certain cynisme, (il faut
bien de temps en temps appeler les choses par leur nom), le
ministre a fermé la voie à la médiation des ministres truc et
qatari des AE, en disant que l’Arabie saoudite n’avait rien à y
voir et ne voulait plus se mêler du Liban et il a annoncé
ensuite « la fin du Liban en tant que modèle de coexistence,
ajoutant que les scénarios de partition sont à nouveau à l’ordre
du jour ».
Venant d’une personnalité de si haut rang, dont le pays s’est
toujours déclaré un ami du Liban la déclaration a de quoi
inquiéter. D’abord, un ami sincère laisserait-il un pays
s’effondrer sans agir? Ensuite, il y avait comme une menace
cachée dans les déclarations de l’émir qui semblaient laisser
entendre que maintenant que les Libanais n’ont pas fait ce que
nous voulons, ils doivent s’attendre au pire. Mais au-delà des
Libanais, le responsable saoudien semblait viser la Syrie, avec
laquelle il entretient de très mauvaises relations. C’est
toutefois curieux de l’entendre dire cela, d’autant que le roi
Abdallah avait tenu à assurer les Syriens que le blocage de
l’initiative conjointe pour le Liban ne devrait pas avoir la
moindre incidence sur les relations entre les deux pays. L’émir,
qui avait été à l’origine d’une longue période de rupture entre
son pays et Damas, lorsqu’il avait qualifié au début de la
guerre de juillet 2006 que le Hezbollah « d’aventurier », alors
qu’il défendait le Liban contre une nouvelle agression
israélienne, s’exprime-t-il au nom de son pays ou règle-t-il des
comptes personnels? Telle est la grande question.
En 2006, il parlait au nom de son pays, puisque l’Arabie
saoudite et la Syrie ont entamé à la suite de ses propos, une
dispute qui a duré jusqu’en 2009. Une fois les relations
amicales rétablies entre le roi Abdallah et le président syrien
Bachar Assad, il avait été question de pousser l’émir Séoud al
Fayçal vers la sortie pour cause de maladie (Il est atteint de
la maladie de Parkinson). Mais cette décision ne s’est jamais
concrétisée et depuis la maladie du roi, il semble avoir repris
du pouvoir.
Au moment de la chute du gouvernement Hariri, il avait qualifié
la situation au Liban de très grave et il récidivé hier dans un
entretien à la chaîne « Al Arabiya ». S’il agit de son propre
chef et n’exprime que son opinion, pourquoi n’y a-t-il eu
jusqu’à maintenant aucune précision, aucune déclaration
officielle pour démentir les allégations de l’émir Séoud? Toutes
les informations en provenance du royaume wahhabite indiquent
qu’avec l’affaiblissement physique du roi, suite aux
interventions chirurgicales qu’il a subies, ont aussi affaibli
son camp au profit du camp saoudien pro-américain, (dont Séoud
al Fayçal est une des grandes figures) qui prône l’animosité à
l’égard du Hezbollah et de l’Iran et dans la foulée, à l’égard
de la Syrie.
Le ministre saoudien des AE a donc exprimé le point de vue d’un
camp important en Arabie, qui est peut-être celui du pouvoir ou
peut-être pas. C’est au régime saoudien de se prononcer sur la
question, au moins par le biais d’une déclaration de
l’ambassadeur de Riyad à Beyrouth sur le sujet.
En attendant une telle précision, les Libanais restent dans le
doute, mais ils peuvent déjà rassurer l’émir Saoud, le Liban a
déjà traversé des périodes difficiles dans lesquelles on avait
cru que la partition était déjà réalisée, mais la volonté de
vivre ensemble, grâce aussi à l’appui de la Syrie a toujours
triomphé. Elle le fera une nouvelle fois. Les rêves
israélo-américains de partition de la région n’aboutiront pas et
l’expérience soudanaise ne se rééditera pas.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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