Opinion
Lorsque le
"printemps arabe" tourne au cauchemar
Soraya Hélou
Vendredi 14 septembre 2012
Comme par hasard, à quelques jours de
la visite du chef de l’Eglise catholique
le Pape Benoît XVI au Liban et en pleine
campagne présidentielle américaine dans
laquelle les Israéliens ont nettement
montré que leur préférence va à
l’adversaire du président actuel Obama,
une séquence de dix minutes extraite
d’un film et lancée sur Youtube a mis le
feu aux poudres. Le film a été tourné il
y a quelque temps déjà en Californie et
nul n’en avait entendu parler. Pourquoi
avoir sciemment choisi ce timing pour
diffuser un extrait sur Youtube ? Comme
dans ce genre de sujet il n’y a pas de
coïncidence, on peut légitimement croire
qu’il y a une volonté délibérée de
provoquer des troubles confessionnels et
une vague d’anti-américanisme dans la
région à cette période en particulier.
D’autant que, recherche faite, le nom
du metteur en scène un israélo-américain
Sam Bacile serait un faux, puisqu’aucune
personne ne correspond à ce nom. Tout ce
que l’on sait jusqu’à présent, selon les
médias américains eux-mêmes, c’est que
l’un des producteurs serait un
égypto-américain très lié au pasteur
Terry Jones qui s’est déjà manifesté en
brûlant des copies du Coran. C’est dire
que l’on patauge en plein dans les
milieux extrémistes américains. Que des
Américains, juifs ou non, soient
hostiles à l’Islam, tout le monde le
sait. Que certains d’entre eux cherchent
concrètement à nuire à cette religion,
soit par des écrits, par des caricatures
ou à travers des films, on s’en doute
aussi. Mais pourquoi avoir choisi ce
moment précis pour lancer sur les
réseaux sociaux un extrait très violent
contre l’Islam ? Pourquoi vouloir
provoquer les musulmans à une période où
les Etats-Unis font la promotion des
Frères musulmans et établissent des
liens avec les nouveaux régimes
islamistes en Egypte et en Tunisie, tout
en encourageant l’opposition extrémiste
syrienne ?
Au moment où le Pape Benoît XVI
s’apprête à entamer sa visite au Liban
pour redonner de l’espoir aux chrétiens
de la région, qui se sentent menacés en
Syrie et en Irak, après avoir été
littéralement chassés de Palestine, et
surtout pour les pousser à rester sur
leurs terres où ils sont enracinés,
l’affaire du film antimusulmans éclate
et provoque une vague de colère chez les
musulmans. Pour l’instant, la colère est
dirigée contre les Etats-Unis et les
images de l’incendie du Consulat
américain de Benghazi, où l’ambassadeur
a péri dans des circonstances non encore
éclaircies, sont encore dans tous les
esprits. Mais dans l’atmosphère tendue
qui règne dans la région, qui peut
garantir que la colère ne débordera sur
les Coptes en Egypte ou sur d’autres
minorités chrétiennes ? Aujourd’hui, les
Américains ne voient plus que la mort
d’un ambassadeur et de deux de ses
adjoints, oubliant même de se demander
qui a déclenché cette vague de haine ?
Et comme d’habitude, ils finiront par se
dire : laissons ces musulmans entre eux,
débarrassons-nous des nôtres et qu’ils
s’entretuent alors que nous vivrons dans
le calme entre nous. A chaque nouvelle
secousse, le plan israélo-américain se
précise un peu plus : vider le
Moyen-Orient de ses minorités et laisser
deux grandes masses en tête à tête dans
l’espoir de déclencher une guerre de
mille ans entre les sunnites et les
chiites. L’extrait du film mis sur
Youtube vise ainsi à provoquer une vague
de colère non seulement contre les
Américains mais aussi contre les
minorités dans la région soupçonnées par
les extrémistes de soutenir l’Occident.
Dans ce brouhaha, la voix du Pape Benoît
XVI qui parlera de paix et de
coexistence aura ainsi moins de chances
d’être entendue. Car il faut que le plan
se poursuive et le chef de l’Etat du
Vatican qui veut protéger la diversité
dans la région n’est pas vraiment le
bienvenu. Si pour atteindre cet
objectif, il faut transformer le fameux
printemps arabe tant loué en Occident en
cauchemar, et bien soit. L’intérêt
d’"Israël" vaut bien quelques
ambassadeurs…
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