Opinion
A chacun d'assumer
ses responsabilités
Soraya Hélou
Samedi 6 octobre 2012
Avec
chaque nouveau développement sur le
terrain, la Turquie s'enfonce un peu
plus dans la crise syrienne et dans
la confusion interne. Les rêves
ottomans du Premier ministre Erdogan
et de son parti de devenir le leader
du monde arabo-musulman après avoir
pris le contrôle de la Syrie sont
en train de s'envoler en fumée.
Aujourd'hui, la Turquie si fière
d'avoir établi de bonnes relations
avec son environnement au cours de
la dernière décennie, a des
divergences profondes avec l'Iran et
l'Irak et elle est au bord de la
guerre avec la Syrie, une guerre
dont elle n'a visiblement pas les
moyens.
Depuis le
début de la crise syrienne, la Turquie
d'Erdogan et de Davutoglu (le puissant
ministre des affaires étrangères) a fait
preuve d'une grande légèreté et d'un
manque de connaissance du régime qui lui
a ouvert les portes de la Syrie. La
Turquie s'est ainsi empressée de
parrainer l'opposition syrienne et de
miser sur la chute rapide du régime d'Assad.
Ce sont les services de renseignements
turcs qui se présentaient comme les
mieux informés sur la Syrie qui ont
ainsi inondé les chancelleries
occidentales d'informations sur la
fragilité du régime, sur la faiblesse
prétendue du président Bachar Assad et
sur le rôle supposé de son frère Maher,
jusqu'alors inconnu des médias
occidentaux. Les responsables turcs se
sont ainsi présentés comme les tuteurs
de l'opposition, prenant un ton menaçant
avec le régime syrien, comme s'ils
étaient réellement les décideurs en
Syrie.
C'est la
Turquie qui a ainsi supervisé la
naissance du Conseil national syrien
d'opposition ainsi que celle de l'Armée
de Syrie libre dont elle a abrité le
commandement jusqu'à très récemment.
C'est aussi la Turquie qui contrôle le
passage des vivres et de l'essence vers
la zone de Aazaz au Nord de la Syrie
(Que serait-ce alors pour les armes !).
Sans elle, les membres de l'opposition
installés dans cette zone ne pourraient
pas tenir quelques heures, puisque même
les soins médicaux viennent de Turquie.
C'est dire que depuis le début de la
crise syrienne, la Turquie n'a pas cessé
de s'ingérer dans les affaires internes
de ce pays, commençant par soi disant
des conseils au régime avant de prendre
des initiatives concrètes via
l'opposition politique et armée pour le
renverser. Et avec cela, lorsqu'un obus
de mortier tombe sur le territoire turc
en provenance de Syrie, les responsables
turcs s'empressent de dénoncer «
l'agression syrienne ».
Comment toutefois
appeler les interventions directes et
indirectes de la Turquie dans la crise
syrienne ? N'est-ce pas une agression
contre le régime et contre les Syriens
en général ? Pour l'instant, rien ne
prouve encore que l'obus a été tiré par
les forces du régime volontairement
contre le territoire turc, mais même
s'il l'était pourquoi condamner une
réaction somme toute naturelle, alors
que la Turquie, elle, ne se prive pas
d'agresser régulièrement la Syrie et de
violer l'intégrité de son territoire,
sous prétexte tantôt de pourchasser les
indépendantistes turcs et tantôt d'aider
l'opposition qui aspire à la démocratie
? Cette attitude ambigüe ne trompe plus
personne et les violentes protestations
de la Turquie contre ce que ses
responsables qualifient « d'acte de
guerre syrien » ne peuvent plus cacher
la réalité. L'agresseur est évidemment
la Turquie et la victime la Syrie. Les
obus de mortier en provenance de Syrie
ne sont donc soit qu'une erreur, soit
une réaction à l'agression permanente
dont le pays est la victime. Et si
aujourd'hui, les deux pays hier encore
alliés sont au bord de la guerre, c'est
bien à cause de l'attitude de la Turquie
à l'égard de la Syrie, qui a transformé
la région frontalière en base arrière
d'appui contre le régime d'Assad. Toutes
les menaces du monde, ainsi que les
déclarations internationales musclées
contre le régime syrien ne changeront
rien à cette réalité. A chacun d'assumer
ses responsabilités.
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