Les musulmans en Europe (III)
Là
où les musulmans français se battent pour s’intégrer
K.A. Dilady
et Simon Kuper -
Financial Times
Le 28 août 2007
Leila
Laouati va partir de
la France.
A
30 ans elle vit encore dans sa ville natale à Dreux à
80 km
à l’ouest de Paris, dans sa chambre d’enfance de
l’appartement de ses parents. Mais en septembre elle commence
son travail pour enseigner le Français à la préfecture d’Osaka
au Japon.
La
plurilingue Mme Laouati a un diplôme dans les relations
internationales de
la Sorbonne.
Néanmoins
, elle est aussi la fille d’immigrés algériens, et durant dix
ans de recherche de travail elle a rencontré un racisme patent
habituel pour les musulmans en France. Un intervieweur pour un
travail a exprimé un doute quant à sa capacité de travailler
avec des gens français. « Mais je suis Française »,
a répondu Mme Laouati. Cela n’a rien changé. Elle n’a jamais
trouvé un emploi stable. «
La France
n’a pas besoin de moi, alors je n’ai pas besoin d’elle »,
elle dit maintenant.
Dreux
– une population de 32000 personnes et en baisse – est en
train de devenir plus pauvre et plus musulmane. Les Français
d’origine trouvent plus facile de quitter les logements sans
charme d’après-guerre de Dreux pour des bons jobs ailleurs.
Environs un tiers des habitants sont maintenant des musulmans. Comment
Dreux en est arrivée là est une histoire malheureuse pour
la République
soi-disant égalitaire. Cependant
c’est une histoire des familles comme celle de Mme Laouati, qui
avec chaque génération deviennent plus françaises, même si
la France
les ignore.
Dreux
a prospéré durant les trente glorieuses – 30 ans de croissance
économique en France après 1945. Les usines et les logements ont
poussé sur des anciens champs de maïs. De 1950 à 1970, la
population de Dreux a doublé. Jusque 1966 la ville avait même
une base des forces aériennes US et un lycée étatsunien.
Les
usines, dont deux sites de Philips Electronics, ont attiré des
ouvriers nord africains non qualifiés. Le père de Mme Laouati
qui arriva en France avec les papiers d’une autre personne,
passa 32 ans chez Philips.
Mais
après 1975, l’économie française stagnait. Beaucoup de Français
locaux se sont tournés contre les immigrés. En 1983 Dreux devint
célèbre comme la ville où le Front National de l’extrême
droite française entra pour la première fois dans l’équipe
municipale gérant la ville (le Front national avait fait liste
commune avec la liste du RPR entre les deux tours des élections
municipales de 1983. Cette liste avait gagné les élections. Ndt),
annonçant par cela une réaction violente de l’Europe contre
l’immigration.
Maintenant
la globalisation est en train d’achever les derniers jobs
d’usine peu qualifiés en Europe. Philips à Dreux est réduite
à une représentation négligeable. « En cinq ans Dreux a
perdu 5000 jobs », dit Françoise Gaspard, l’ex-maire
socialiste avant la prise en main du Front National. Le
taux de chômage à Dreux est de 12 pourcent, mais parmi
les gens âgés de 15 à 24 ans avec une éducation basique dans
certains quartiers, il était récemment de 56 pourcent.
Dans les immeubles du quartier des Oriels, les gens complètent
leurs revenus en vendant des drogues ouvertement devant les blocs
d’appartements.
Ferhat,
un jeune homme né en France des parents turcs, est assis dans une
voiture dans les Oriels avec un ami d’origine ghanéenne. Tous
les deux ont quitté l’école à 16 ans. « Je
n’ai jamais travaillé »,
dit Ferhat qui ne veut pas donner son nom de famille. « Il
n’y a pas d’usine, rien ». Est-ce qu’il se
sent Français ? « Oui, mais sans être Français ».
Les
musulmans de Dreux s’en vont dans l’une des deux directions,
dit Olivier Roy, un expert bien connu de l’Islam contemporain
qui vit à Dreux. La plupart restent dans les ghettos, mais une
minorité devient de la classe moyenne. « La classe
moyenne en croissance est ignorée », dit Olivier
Roy.
Cette
classe est connue sous le nom de « beurgeoisie »
- du mot français « beur » qui signifie enfant
d’immigrés arabes. Naïma M’Faddel-Ntidam est « beurgeoise » ;
Fille d’un ouvrier marocain non qualifié et son épouse illettrée,
Cet officier d’état civil vit dans un pavillon avec un jardin
au centre de Dreux. « Je me suis battue pour obtenir des
postes à responsabilité, pour montrer mon savoir-faire »,
elle dit. Il y en a beaucoup comme elle à Dreux : des
professionnels nord africains dont les enfants vont à des bonnes
écoles, qui cherchent à être acceptés comme des Français. Cependant,
ils sont souvent arrêtés par la police et demandés de montrer
leurs papiers, comme
beaucoup de jeunes musulmans français.
Pendant
ce temps, les ghettos de Dreux sont devenus lourdement peuplés
par les musulmans. Mme gaspard dit que quand elle était maire,
« souvent les
immigrés demandaient des appartements dans les logements sociaux,
et les Français qui pouvaient quitter les logements sociaux le
faisaient ». Ceci a réduit la mixité
sociale, contrairement à l’idéal républicain français.
M.
Roy voit que l’Islam se renforce. « Il y
a plus de voiles qu’il y avaient il y a dix ans parmi les
jeunes. Une nouvelle génération de jeunes musulmans veut
devenir des musulmans français ». Ils cherchent un Islam
strict, il dit, cependant ils se considèrent Français. « Ils
veulent de l’alimentation halal à l’école, mais ils ne
veulent pas des écoles musulmanes ».
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Les
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Les
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seulement par le nom
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