Roger Waters, un
homme et artiste d'exception Silvia Cattori
David Gilmore (à
gauche) et Roger Waters (à droite), réunis le 10 juillet 2010
lors d’un concert donné à Kidlington au bénéfice des enfants
palestiniens.
Lundi 26 juillet 2010
Dans un monde où, de la Palestine à l’Irak en passant par
l’Afghanistan, tant d’innocents sont brutalisés par des armées
barbares, humiliés, privés d’espoir, de liberté, et de tout ce
qui fait la dignité humaine, la voix d’artistes qui ont la
probité de mettre leur talent, leur signature, à refuser
l’ensauvagement, est un rayon d’espoir.
Roger Waters, le légendaire
bassiste, guitariste et chanteur du mythique groupe
Pink Floyd, aujourd’hui dissout, est l’un de
ces artistes d’exception et de courage.
« Divertir
les gens ne m’a jamais intéressé, ce que je veux est émouvoir »,
a-t-il coutume de dire.
Admiré bien au delà du monde
du rock, sensible au sort de peuples écrasés par plus fort
qu’eux, meurtris par des luttes inégales, Rogers Waters a
quelque chose d’important à dire. Il a du reste dédié ses albums
aux êtres « tombés à la guerre ». Pour lui,
parler des souffrances que les guerres génèrent « c’est
contribuer à les éviter, à les faire cesser ».
En 1979, l’album « The
Wall », dont il a écrit paroles et musiques, est devenu
l’hymne d’une génération. C’était une époque où le mouvement
anti-guerre était encore puissant. Il est aujourd’hui éteint.
Roger Waters, réfléchi et passionné, sait qu’il a sa part à
jouer pour en rallumer la flamme.
Roger Waters joue
Happiest Days Of Our Lives et Another Brick In The Wall, Part 2
(live) [1]
« Quand nous
avons sorti cet album, c’était après la fin de la guerre du
Vietnam. Aujourd’hui, nous sommes en plein cœur des guerres en
Irak et en Afghanistan. Il y a dans « The Wall » un puissant
message anti-guerre : ce message qui existait à l’époque de sa
sortie existe toujours aujourd’hui » disait-il récemment. Il
ne peut supporter de voir des pays entiers jetés dans des
guerres absurdes, injustifiées, de plus en plus cruellles et
dévastatrices, et rester sans réagir. Ce qui donne tout son sens
à sa prochaine tournée : « THE WALL TOUR » :
« La question
qui se pose à présent pour moi est la suivante : les
technologies de la communication dans notre culture, vont-elles
servir à nous éclairer et nous aider à mieux nous comprendre, ou
vont-elles servir à nous tromper et à nous tenir à distance ?
Je crois que c’est une
question extrêmement pertinente. Il y a un fatras commercial sur
le net, et beaucoup de propagande, mais j’ai le sentiment que,
juste sous la surface, la compréhension gagne du terrain. Nous
devons simplement continuer à blogger, continuer à twitter,
continuer à communiquer, continuer à partager des idées. (…)
Cette nouvelle production de
The Wall est une tentative de tirer quelques parallèles, pour
éclairer les difficultés présentes ; elle est dédiée à toutes
les innocentes victimes des années écoulées. (…)
Je crois que nous avons au
moins une chance d’aspirer à quelque chose de mieux que la
tuerie rituelle du loup qui dévore le loup et qui est notre
actuelle réponse à notre peur institutionnalisée de l’autre. (…)
Je pense qu’il est de ma
responsabilité, en tant qu’artiste, d’exprimer mon optimisme –
optimisme contrôlé – et d’encourager les autres à faire de
même. »
Et, pour rendre justice aux
victimes des guerres, Roger Waters a invité les familles
concernées à exposer, lors des concerts, les photos de leurs
chers disparus :
« Je vous
fais cette demande à la lumière de ma conviction que beaucoup de
ces pertes tragiques en vies humaines, sont évitables. Je me
sens en empathie avec les familles de toutes les victimes et je
suis tout autant en colère contre “LES POUVOIRS EN PLACE”, qui
en sont responsables.
Les humains ont besoin de la
protection de l’État de droit. Il faudrait se mettre d’accord
sur ce que la loi devrait être maintenant, (un acquis sur lequel
nous avons travaillé quelques centaines d’années), mais aussi
convenir que, en développant notre compréhension, à la fois de
nous-mêmes et de notre environnement, cela devrait nous amener à
modifier les lois qui nous gouvernent. La loi ne devrait pas
être gravée dans le marbre. Prenez-en note, vous, disciples de
Moïse et autres prophètes morts.
Cela m’amène au point
suivant. À mon avis, la religion dresse un mur entre nous et la
réalité de nos vies. Il y a aussi un mur entre : riches et
pauvres, Nord et Sud, l’ancien et le nouveau monde, et le tiers
monde. C’est un mur de peur et d’avidité !
Il y a assez de tout dans le
monde pour que chacun de nous ait assez à manger ; pour que
chacun soit au chaud et au sec et ait une télévision couleur et
une voiture. On nous apprend à craindre que, si nous partageons
ce que nous avons avec eux [les pauvres], il ne nous restera
rien. Nous craignons aussi qu’ils essaient de nous prendre ce
que nous avons, et ainsi nous dépensons beaucoup plus en armes
que ce dont eux auraient besoin pour leur nourriture, leur
logement, leurs vêtements et leur éducation - pour les empêcher
de nous prendre ce que nous possédons.
Il y a aussi un autre mur
entre nous et la réalité de nos vies. Ce mur s’appelle “les
médias”. Ce mur est un outil qui sert à nous détourner de
vérités dérangeantes. » [2]
Ses paroles, Roger Waters les
confirme par ses actes.
En juin 2006, il a entendu
l’appel - à refuser de donner son spectacle à Tel Aviv - que lui
avait adressé le mouvement palestinien BDS [3],
adhérant ainsi au boycott contre Israël. Il expliquait :
« La souffrance endurée par le peuple
palestinien depuis quarante ans d’occupation israélienne est
inimaginable pour nous qui vivons à l’ouest ; je soutiens leur
lutte de libération. J’ai fait changer le lieu du concert, qui
aura lieu à Neve Shalom en signe de solidarité avec les voix de
la raison, palestiniennes ou israéliennes, qui cherchent un
chemin non-violent vers une paix juste. »
Soit dit en passant, Leonard
Cohen, pressé à son tour en 2009 de ne pas se produire à Tel
Aviv [4],
a, lui, maintenu son concert ; et cela fait toute la différence.
En juin 2009, Roger Waters
s’est rendu en Palestine occupée où il a visité le petit camp de
réfugiés d’Aïda [5].
A l’issue de son voyage il a déclaré [6] :
« Les gens
qui n’ont pas vu ce qui se passe ici, ne peuvent pas imaginer
quelle impression cela vous fait : les malades, le
bouleversement que vous ressentez dans votre cœur quand vous
voyez cela, à quel point c’est déprimant ».
Atterré par ce qu’il a
découvert, il a promis qu’il reviendrait donner un concert en
ces lieux meurtris le jour où le mur de l’apartheid serait
démantelé. C’était là, à l’évidence, une manière de réaffirmer
son soutien à la campagne de boycottage contre l’État
d’apartheid et de mettre le doigt sur le présent atroce et
brutal des Palestiniens.
En décembre 2009, dans une
lettre pleine d’émotion, il a manifesté publiquement son estime
et son plein soutien aux milliers de gens, toutes nationalités
confondues, engagés dans des actions concrètes pour forcer
Israël à ouvrir les portes de Gaza et alerter l’opinion publique
sur cette réalité brûlante :
« Je
m’appelle Roger Waters. Je suis un musicien anglais et je vis
aux États-Unis (…) Voilà un an, nous avons tous vu, horrifiés,
l’agression particulièrement haineuse perpétrée par les forces
armées israéliennes contre la population de Gaza ; agression qui
n’a toujours pas cessé, puisque le blocus illégal de Gaza se
poursuit.
Nous, de l’extérieur, ne
pouvons imaginer les souffrances infligées à la population de
Gaza, tant par l’invasion que par le blocus. Le but de la
« Marche de la liberté » de Gaza est d’attirer l’attention du
monde entier sur la situation abominable que vivent les
Palestiniens à Gaza. Ceci, dans l’espoir que la gravité de leur
sort sera enfin compris de toutes les personnes normales et
dignes de la planète, et que en prenant connaissance de
l’ampleur des crimes commis contre eux, elles exigeront de leurs
gouvernements qu’ils fassent toutes les pressions en leur
pouvoir afin qu’Israël lève enfin le blocus de Gaza.
J’utilise le mot « crime » en
toute connaissance de cause puisque, aussi bien le blocus que
l’invasion militaire ont été déclarés illégaux par les
représentants des Nations unies et par les organisations des
droits de l’homme les plus en vue.
Si nous ne respectons pas les
lois internationales, si certains gouvernements se situent
au-dessus des lois, nous ne sommes plus très éloignés de la
barbarie et de l’anarchie.
La « Marche de la liberté de
Gaza » est un message d’amour qui s’adresse à tous ceux d’entre
nous qui considèrent que nous sommes tous frères et sœurs ; que
nous sommes tous censés nous soulever pour construire un futur
où tout un chacun pourra compter sur la loi et sur
l’universalité des droits de l’Homme. Où la vie, la liberté et
la poursuite du bonheur ne sont pas l’apanage du « petit
nombre ». Donc, à ceux et à celles d’entre vous qui marcheront,
je tire mon chapeau. Ce que vous faites est noble et courageux
et, lorsque vous aurez atteint votre but, je vous demanderai de
dire à nos frères et sœurs palestiniens que, de ce côté-ci, hors
des murs de leur prison, nous sommes des centaines de milliers à
être solidaires avec eux.
Aujourd’hui, des centaines de milliers, demain, des millions et,
bientôt, des centaines de millions. Nous vaincrons. » [7]
29
décembre 2009 - Roger Waters exprime son soutien à la Marche de
la liberté
Ceux qui ont suivi cette
histoire n’oublieront jamais qu’en cette minute si cruciale où
les Palestiniens, emprisonnés dans le ghetto de Gaza, au milieu
des ruines, attendaient désespérement un geste de solidarité,
Roger Waters était présent. À fin décembre 2009 - période de
l’année où, dans nos sociétés, on s’amuse – il se consacrait à
aider Gaza. Humain, splendide, solidaire, il composait : "We
Shall Overcome" [“Nous vaincrons”], une
chanson émouvante et porteuse d’espoir, qui, dit-il, lui a
« été inspirée par le sort des Palestiniens - en
lutte pour réaliser un Etat palestinien - et les horreurs de la
guerre et du blocus qui leur sont imposés par Israël ».
Il accompagnait sa chanson de
ce commentaire à l’adresse des journalistes et des gouvernements
qui ne font pas ce qu’ils devraient, raison pour laquelle les
gens se doivent d’agir à leur place :
« Durant la
période du Nouvel An 2009 -2010, un groupe international de 1500
hommes et femmes venant de 42 pays s’est rendu en Égypte pour
participer à une « Marche de la liberté » vers Gaza. Ils l’ont
fait pour protester contre le blocus actuel de Gaza. Pour
protester contre le fait que les habitants de Gaza vivent dans
une prison virtuelle. Pour protester contre le fait que, une
année après l’attaque terroriste des forces armées israéliennes,
qui a détruit la plupart de leurs maisons, hôpitaux, écoles et
autres bâtiments publics, ils n’ont aucune possibilité de les
reconstruire parce que leurs frontières sont fermées.
Ces
« marcheurs de la liberté » voulaient attirer pacifiquement
l’attention sur la situation de la population palestinienne de
Gaza. Et le gouvernement égyptien, (financé à hauteur de 2,1
milliards de dollars par an, par nous, les contribuables des
États-Unis), ne veut pas permettre aux marcheurs d’approcher la
bande de Gaza ? C’est une histoire lamentable ! Mais combien
prévisible ! Je vis aux États-Unis et pendant ce temps, du 25
décembre 2009 au 3 janvier 2010, je n’ai pas vu la moindre
nouvelle au sujet de Gaza, ni au sujet de cette « Marche de la
liberté », ni au sujet de ce rassemblement (en Egypte) de
manifestants cosmopolites. Quoi qu’il en soit, au vu de ces
circonstances, cela m’a incité à enregistrer une nouvelle
version de "We Shall Overcome" [“Nous vaincrons”]. » [8]
Quand un homme, un musicien,
un poète, est capable de se hisser à ce niveau d’engagement et
de loyauté, où tout est sincère et tout est vrai, ses paroles
ont un poids énorme. Ce qu’il dit, comme il le dit, lui assure
sa pleine grandeur. Et l’estime du public, cette douceur où
l’artiste puise sa force.
Les Palestiniens, les
Irakiens, les Afghans, et tant d’autres victimes, qui sont les
premiers destinataires de son message d’amour, suspendus entre
l’angoisse de la mort et l’espoir, savent que cette blessure qui
est la leur, le poète, ici Roger Waters, la porte aussi en lui.
Son message va droit au coeur
de centaines de milliers de gens qui, depuis les années 70, ont
eu le privilège de le côtoyer dans l’un de ses concerts, où l’on
se sent unis et solidaires, pour une heure, un soir, à l’écoute
de « Mother », de « Wish You
Were Here »... Et où, en cette ferveur, on comprend quelque
chose de saisissant et vertigineux : qu’il ne dépend que de
chacun de savoir si nous sommes capables d’aimer notre prochain,
et de refuser que des barbares en uniforme fassent ce que l’on
ne tolèrerait pas que l’on nous fasse.
Off their 1975 album, Wish You Were Here ;
Pink Floyd’s single, "Wish You Were Here"
D’autres chanteurs de talent se sont
également engagés pour Gaza. Voir à ce sujet :
« Gaza :
Quand la douleur devient chant », par Silvia Cattori,
silviacattori.net, 4 février 2009.
Notes:
[1]
« Another Brick in the Wall » est le titre
de trois chansons sous-titrées Part 1, Part 2, Part 3, qui font
partie de l’album The Wall, du groupe
Pink Floyd, sorti en 1979. Ses membres sont
David Gilmour, Roger Waters, Nick Mason, Richard Wright, Syd
Barrett. Roger Waters a signé la totalité des textes et presque
toutes les musiques de l’album The Wall. En
1985 Waters, quitte le groupe Pink Floyd et continue en solo. Il
rejoint le groupe Pink Floyd pour un soir, à
l’occasion du Live 8, en 2005 à Londres au Hyde Park. Roger
Waters et David Gilmour se sont retrouvé le 10 Juillet 2010 pour
un concert destiné à récolter des fonds pour les enfants
Palestiniens.
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