Gaza
soumise au blocus
Palestine : « Appel aux peuples qui
ont un reste d’humanité ».
Silvia Cattori
Passage de Rafah - Photo rafahtoday.org
15
septembre 2007
Aussi incompréhensible
et immoral que cela puisse être, le président Mahmoud Abbas, et
son parti Fatah, ont demandé à Israël de maintenir Gaza
totalement coupée du monde pour en finir avec le Hamas. Samah, 34
ans, mère de 6 enfants, vit dans cette grande prison appelée
« Bande de Gaza ». Elle appelle les citoyens du monde
à venir protester à Erez et Rafah, sur les lieux mêmes où M. Abbas
et Israël empêchent les gens de sortir et de rentrer à Gaza.
Silvia
Cattori : Comment la population
vit-elle cette situation de blocus qui s’éternise ?
Samah :
C’est une catastrophe ! Quel peuple pourrait supporter la
punition que le monde entier nous fait subir ? La liste des
maux qui pèsent sur nous s’allonge de jour en jour. La pauvreté
nous écrase. Nous sommes de plus en plus désespérés. Nous
demandons à Dieu de nous aider à passer ce Ramadan. Nos enfants
souffrent. Nous souffrons des avions israéliens qui nous
survolent en permanence et vivons dans la terreur du prochain
bombardement.
Tout est devenu un problème. Nous
sommes écrasés par les problèmes. Même le peu d’eau que nous
avons encore et l’air que nous respirons sont un problème. Nous
sommes très affaiblis physiquement et moralement. Il ne faudra
pas vous étonner si, demain, nous commençons à nous entre-tuer.
Nous manquons de farine, de riz,
d’huile, de lait. Israël ne laisse entrer que 30 camions de
farine par jour. Cela ne couvre de loin pas les besoins réels de
toute la population. Alors les prix grimpent. Un sac de farine de
50 kg coûte 120 shequels (30 US §).
Pour nourrir mes 6 enfants, j’ai
besoin de 75 kg de farine par mois. Mon mari n’a pas de salaire
depuis deux ans. Avec les coupons de l’UNWRA, ma famille ne reçoit
que 90 kg de farine tous les deux mois. Je n’ai pas l’argent
pour acheter la quantité de farine qui nous manque. Nous
n’achetons jamais de viande. Il y a assez de légumes car on ne
peut pas les exporter mais ils sont hors de prix pour nous. Bientôt
il n’y aura plus assez de légumes car, ces derniers mois, la
majorité des agriculteurs ont cessé de cultiver parce que ce
qu’ils gagnent ne leur suffit plus à payer les engrais et
l’eau.
Les jeunes souffrent beaucoup. Ils
sont sans espoir de trouver un travail et sans moyens pour fonder
une famille. Ils ne pensent qu’à une chose : partir à
l’étranger, s’enfuir de cet enfer. Nous nous sentons complètement
abandonnés.
Silvia
Cattori : Quand vous entendez M. Abbas
dénigrer les autorités du Hamas, les accuser, entre autres, de
brimer les femmes et de vous priver de liberté, que
ressentez-vous ?
Samah :
Mais c’est exactement le contraire ! Je ne suis pas affiliée
au Hamas mais je suis croyante ; je ne suis pas d’accord
avec ce que notre président affirme. Il y a des femmes dans le
mouvement Hamas qui sont membres du Conseil législatif, qui ont
des positions de pouvoir ! Les femmes sont sacrées pour tout
croyant musulman ! Mes filles, ne sont pas moins respectées
par leur père que mes garçons. Jamais je n’ai été maltraitée
par mon mari qui est croyant.
Silvia
Cattori : Les femmes ne portent pas
le voile sous la contrainte des époux ou des familles ?
Samah :
Il n’y a aucune femme à Gaza qui est forcée de porter le
voile. Il y a des femmes qui ne le portent pas. Si une femme porte
le voile, c’est qu’elle a un sentiment religieux et qu’elle
adhère pleinement à la foi musulmane, que c’est son choix.
Silvia
Cattori : Comment réagissez-vous
aux annonces incessantes d’une offensive militaire israélienne
massive en préparation ?
Samah :
Nous vivons tout le temps dans la peur. Israël parle d’une
attaque générale pour en finir avec le Hamas. On est bien sûr
très effrayés à l’idée d’une nouvelle invasion car on
s’attend à ce qu’elle soit plus terrible que les précédentes.
Nous ne pouvons rien faire pour empêcher leurs chars d’avancer
et de nous tuer.
Nous savons qu’ils sont prêts
à intervenir depuis que les soldats basés à Bersheva –où ils
ont construit une base qui ressemble à Gaza pour s’exercer à
nous envahir- ont terminé leurs exercices d’entraînement
militaire. Ces derniers temps, les Israéliens ont multiplié les
tentatives d’invasion, à Kahn-Younes, à Rafah, à Beit Hanoun.
Sont-ils en train de tester les capacités de défense de la résistance
avant de lancer un assaut général ? Si Dieu ne nous protège
pas nous allons mourir. Il n’y a pas d’autre solution.
Nous savons tout le mal qu’ils
peuvent encore faire subir à nos enfants. Mais, quoiqu’ils
fassent, à la fin, ils seront obligés de trouver une entente
avec le Hamas. Car le Hamas est la force politique majoritaire.
Abbas et le Fatah ne représentent pas grande chose. Abbas ne représente
qu’une petite partie des Palestiniens ; à terme il sera
mis de côté. Il n’obtiendra rien d’Israël en échange des
concessions qu’il se prépare à faire.
Silvia
Cattori : Espérez-vous encore que
des Etats européens vous viennent en aide ?
Samah :
Nous n’attendons plus rien de l’Europe ni de l’ONU. Toute
notre histoire nous a montré qu’ils n’ont jamais rien fait
pour nous, que c’est à cause de leur parti pris en faveur d’Israël
que celui-ci a les mains libres pour nous massacrer.
Par contre, nous continuons
d’espérer que les populations, en Europe et dans les pays
arabes, se mettent à réagir. Qu’elles viennent protester
contre le blocus aux passages de Rafah et d’Erez. Il y a des
malades qui meurent faute de pouvoir aller se faire soigner en
Egypte. J’en appelle aux peuples qui ont un reste d’humanité
afin qu’ils se mobilisent, notamment en Europe.
Nous sommes au plus mal. Les
journalistes qui viennent à Gaza ne parlent jamais de ce dont
nous souffrons dans notre chair. Ils vont toujours interroger des
gens du Fatah, qui ne représentent rien ici, car ils veulent accréditer
l’idée que le Hamas est quelque chose de mauvais pour la société.
Ils nous font tant de mal quand ils disent que, chez nous, les
jeunes et les femmes sont brimés par les autorités du Hamas.
Ils veulent distiller peu à peu
l’idée que c’est le Hamas qui est un problème. Alors que,
pour nous qui vivons ici, le problème c’est Abbas et ses
notables corrompus qui s’emploient à nous intimider et à nous
affamer par des mesures d’enfermement. Ils nous contraignent à
vivre enfermés, à la merci d’Israël qui ferme, quand il le
veut, le robinet de l’eau, du mazout, de la nourriture. Une nuit
sur deux, Israël nous coupe l’électricité et nous plonge dans
le noir.
Silvia Cattori
Traduit de l’anglais par SC
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