Entretien avec Hedy
Epstein et Greta Berlin
« Nous sommes déterminés à lever la
voile pour Gaza »
Silvia Cattori
Photo Sam Tsohonis
11 août 2007
Hedy Epstein et
Greta Berlin, deux parmi les nombreuses personnalités qui
participent au projet « Un bateau pour Gaza »
expliquent, dans l’entretien accordé à Silvia Cattori,
pourquoi le bateau ne « lèvera pas la voile » cet été,
comme initialement prévu, mais au printemps prochain.
Silvia
Cattori : En mai dernier vous aviez
annoncé que vous comptiez partir en bateau à Gaza en août 2007 [1]
Pourquoi avez-vous reporté cette expédition au printemps
prochain ?
Greta Berlin :
Nous avons décidé de reporter ce départ pour trois raisons
principalement.
Premièrement, nous avons dû
changer nos plans parce que nous n’avons pas encore obtenu à ce
jour un montant suffisant pour acheter les bateaux dont nous avons
besoin.
Deuxièmement, nous nous sommes
rendus compte que beaucoup d’aspects logistiques tels que,
l’enregistrement du bateau, les assurances à conclure, le
recrutement d’un capitaine et d’un équipage de confiance,
allaient nous prendre davantage de temps.
Et, bien sûr, la raison la plus
importante qui a conduit au déplacement de la date est que nous
avons décidé de faire coïncider cette action avec le 60ième
anniversaire de la Nakba. [2]
Silvia
Cattori : N’aviez-vous pas une
responsabilité à l’égard des assiégés de Gaza qui
comptaient sur la venue d’un bateau pour mobiliser l’opinion ?
Si votre départ est reporté au printemps 2008, n’allez-vous
pas beaucoup les décevoir ?
Greta Berlin :
Nous sommes déterminés à mener à bien ce projet de lever la
voile pour Gaza. Depuis la fin de l’année dernière, des
dizaines d’entre nous y ont travaillé dur, et nous n’avons
pas l’intention de nous arrêter.
Hedy Epstein :
Nous y sommes plus engagées que jamais. Nous ne voulons pas décevoir
quiconque, y compris nous-mêmes.
Silvia
Cattori : Les associations
solidaires de la Palestine vous ont-elles apporté le soutien espéré ?
Greta Berlin :
Beaucoup d’entre nous ont été sollicités pour parler du
projet de par le monde. La plupart des associations qui se sont
intéressées à ce projet sont encore, pour l’instant, états-uniennes.
Nous serions ravis d’être sollicités par des groupes de
solidarité d’autres pays.
Silvia
Cattori : Quel écho votre
initiative a-t-elle trouvé auprès des médias ?
Greta Berlin :
Nous avons reçu un énorme soutien de la part des sites Internet
et de la part des journalistes qui s’expriment sur ce média.
Nous avons même été surprises
de découvrir que notre expédition à Gaza avait soulevé l’intérêt
de l’« Israeli National News »
qui a écrit un article à ce sujet. C’est ainsi que à la
question : « Est-ce que la Marine israélienne
va tenter d’arrêter le bateau et de le renvoyer à son point de
départ ? » un fonctionnaire de la sécurité israélienne
a répondu que de nombreux facteurs conditionneraient la décision
finale, mais qu’il était très vraisemblable qu’Israël
choisirait de ne pas s’impliquer. Et de conclure par le dédain :
« Si ces gens veulent prendre …des
vacances au "Hamastan", je leur souhaite bonne chance » [3]
Hedy Epstein :
Nombre d’entre nous ont également été contactés par la
presse arabe et les médias musulmans qui ont déjà informé leur
public sur ce projet.
Silvia
Cattori : Depuis que votre projet a
été initié, la situation politique a totalement changé. Gaza
souffre maintenant, non seulement de la guerre de l’occupant,
mais également de la « guerre » anti-Hamas du président
palestinien Abbas. Dans ce contexte, où les grandes puissances
ont isolé Gaza, ne craignez–vous pas d’être accusés de
parti pris avec un mouvement qualifié de “terroriste” ?
Greta Berlin :
Le monde s’emploie à affamer les Palestiniens pour les
contraindre à se soumettre, simplement parce qu’ils ont voté démocratiquement
pour le parti qu’ils souhaitaient porter au pouvoir. Je trouve
cette exclusion du Hamas obscène ! Parce que les Etats-Unis,
Israël, et l’Union Européenne n’aiment pas les principes que
défend ce mouvement Hamas, on le taxe de « terroriste ».
Israël a financé le Hamas dans les années 1970 pour
contrecarrer le gouvernement laïc d’Arafat. Alors pourquoi le
Hamas est-il devenu soudain un groupe « terroriste »
parce qu’il résiste à l’occupation ?
Hedy Epstein :
Aux Etats-Unis, on a soutenu de nombreuses organisations « terroristes »,
comme le Groupe Stern, l’Irgun,
la Haganah. Ces sont les tenants de ces
organisations qui sont les premiers terroristes au Moyen-Orient.
Ce sont elles qui se sont par la suite muées en Gouvernement d’Israël,
tenant le pouvoir du haut en bas de l’échelle.
Silvia
Cattori : Que comptez-vous faire
maintenant pour surmonter les obstacles qui sont apparus ?
Hedy Epstein :
Nous savons tous que les autorités israéliennes exercent un
contrôle total -terrestre, aérien et maritime- qui maintient les
gens dans une prison en plein air. D’une certaine manière,
notre action est un « test de véracité » concernant
les mensonges d’Israël, selon lesquels il aurait quitté Gaza.
Gaza est soumise à un blocus
inhumain. En 2000, avant la deuxième Intifada,
les pêcheurs de Gaza pêchaient 823 tonnes de poisson pour
nourrir leurs familles et pour la vente au marché. Depuis qu’Israël
a fermé Gaza et refusé de laisser les gens pêcher, ils peuvent
à peine prendre 50 tonnes par mois, une quantité insuffisante
pour nourrir leurs familles ou pour la vente. Et les poissons
qu’ils arrivent à pêcher sont minuscules ; sans compter
que la pêche si près des côtes, détruit le cycle de
reproduction.
Greta Berlin :
Selon les « Accords d’Oslo »,
les Palestiniens ont le droit de pêcher jusqu’à six miles
de la côte. Israël ne les laisse même pas entrer dans leurs
bateaux sans leur tirer dessus et détruire les bateaux. L’armée
israélienne a tué de nombreux pêcheurs au cours des deux dernières
années. [4]
Silvia
Cattori : Que dites-vous à ceux qui
vous reprochent d’avoir un parti pris, qui vous suspectent
"d’antisémitisme", que vous devriez plutôt vous intéresser
au Darfour ?
Hedy Epstein :
La « communauté » juive américaine
est déjà en train de remuer ciel et terre pour apporter son
soutien aux populations au Darfour en « donnant
de l’argent ». Cette « communauté »
projette sa mauvaise conscience sur ceux d’entre nous qui défendent
la paix et la justice pour les Palestiniens, au lieu de désavouer
ce qui est fait en notre nom (juif). Des projets d’aide, comme
celui du Darfour, sont principalement soutenus par des
organisations sionistes qui veulent détourner l’attention du
vrai problème qui est celui du sort réservé par Israël aux
Palestiniens.
Greta Berlin :
Ecoutez, c’est nous, les Etats-Unis qui finançons
l’occupation de la Palestine. Nous versons 10 millions de
dollars PAR JOUR à Israël pour occuper la Palestine, tuer,
affamer, et chasser la population autochtone au profit des
colonisateurs. Nous avons une obligation morale de nous occuper de
cette question car c’est principalement nous qui avons permis à
Israël que cette tragédie se poursuive.
Silvia
Cattori : Que comptez-vous faire
pour surmonter les obstacles qui ont retardé votre départ pour
Gaza ?
Greta Berlin :
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour faire connaître le
projet Free Gaza et collecter suffisamment de fonds pour l’achat
de deux ou trois bateaux. Nous devons encore trouver 250’000
dollars. En l’espace de deux mois, nous avons collecté près de
30’000 dollars.
Donc nous savons que l’on peut y
parvenir si tous ceux qui lisent cet entretien, ou d’autres
articles qui parlent de notre projet, versent une contribution en
allant simplement sur notre site web, www.freegaza.org
et en cliquant sur DONATE.
Silvia
Cattori : Et si, pour quelque
raison, ce projet ne se réalisait pas ?
Hedy Epstein :
Si cela devait arriver, ce que nous ne pensons pas, nous
verserions l’argent collecté à des projets humanitaires à
Gaza. Il n’y aura, hélas, pas de pénurie de projets à
financer, aussi longtemps que la communauté internationale
continuera d’affamer la population de Gaza.
Traduit de l’anglais par JPH
[1]
http://www.voltairenet.org/article148842.html#article148842
http://www.mondialisation.ca/index.php ?context=va&aid=5968
[2]
La Nakba (cataclysme) c’est ainsi que les Palestiniens
qualifient les massacres, les destructions de villages et la déportation
de près d’un million des leurs en 1948 par des organisations
terroristes juives
[3]
www.israelnationalnews.com (July, 2007)
[4]
http://electronicintifada.net/v2/article6557.shtml
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