Solidarité Palestine
Toute
cette mascarade doit cesser
Message
adressé à
Marie-Ange Patrizio
par Silvia Cattori
1er juillet 2007
Je vous félicite pour
cette mise au point très juste adressée à la rédaction de Il
Manifesto (1) qui montre que vous n’avez pas peur de
la vérité.
Je crois que bien
des gens se sont sentis soulagés en vous lisant.
Des gens qui savent que, par vos traductions, vous vouliez
contribuer à les aider à mieux comprendre les très graves conséquences,
pour les peuples du Proche Orient, des crimes et injustices
commises par Israël et les Etats-Unis.
L’on comprend que vous
êtes aujourd’hui dans le désarroi de constater que, également
à gauche, on trouve, sous la plume de certains journalistes
en qui vous aviez pleine confiance, des analyses biaisées,
parfois une censure, une espèce de ligne
rouge invisible à ne pas franchir, qui empêche de
contribuer vraiment à ce pourquoi vous luttez : la justice.
Ce qui est grave, et qui
vous fait réagir, comprenons-nous en vous lisant attentivement,
est le constat que des personnes, qui prétendent lutter pour les
droits des Palestiniens, soutiennent en fait des thèses qui protégent
les acquis illégaux de l’oppresseur israélien. Et cette
posture -qui n’est pas uniquement propre à l’Italie- vous est
devenue insupportable, d’autant que le soutien que ces prétendus
défenseurs des Palestiniens ont apporté jusqu’ici à l’Autorité
palestinienne compromise avec l’occupant, a bien montré
qu’une solidarité qui se trompe totalement d’allié conduit
à accroître les souffrances d’un peuple qui souffre déjà
atrocement de l’occupation israélienne.
Un universitaire français,
outré par ces dérives, m’a écrit récemment ce petit mot qui
arrive à la même conclusion amère que vous : « Je
suis particulièrement inquiet pour Gaza qui risque de connaître
le sort de la Commune de Paris, c'est à dire un écrasement par
des « Versaillais » sous l'oeil bienveillant des forces
d'occupation (jadis prussiennes, aujourd'hui israéliennes) »
C’est ce qui est en
train de se passer. Cela est terrible. Cela pose question quant à
la position de certains partis et associations qui, depuis
des décennies, se sont toujours refusés à
affirmer la seule chose qui vaille : un soutien clair au
droit des Palestiniens à résister à l’occupation armée
d’Israël.
Durant ces longues années
perdues en faux processus de
paix, des syndicalistes, des féministes, des leaders
de la solidarité, nous ont présenté des gens du Fatah qui
collaboraient ouvertement avec Israël , comme étant les
bons (parce qu’ils pouvaient faire barrage aux résistants du
Hamas, aux femmes voilées, aux barbus).
Ce qui est grave est que c’est avec ces
autorités compromises avec l’occupant que nombre de
responsables de la solidarité internationale ont généralement
travaillé ; et c’est à des ONG et à des syndicats
corrompus, liés à l’autorité palestinienne, qu’ils ont donné
la parole et versé les innombrables collectes d’argent (qui ne
sont que rarement allées dans les bonnes poches ; car, cela
est établi, seules les associations caritatives gérées par des
mouvements religieux n’ont pas détourné l’argent et l’ont
distribué de façon équitable)
Vous avez mille fois raison Marie-Ange, de
vous insurger et de rendre leur humanité à ces femmes voilées
et à ces hommes du Hamas qui ont la foi, déshumanisés par Israël,
et que la gauche, comme la droite, n’aiment pas trop chez nous.
Lors de mon premier voyage en Palestine, en
2002, il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre l’étendue
des dégâts causés par cette solidarité à l’envers, qui
soutenait l’Autorité du Fatah alors que celle-ci haïssait et
persécutait les résistants qui refusaient le processus répressif
d’Oslo, et avaient, eux, la sympathie de la grande majorité
des Palestiniens.
Le Palestiniens ne sont pas des guerriers.
Ils détestent la guerre. C’est pour eux le pire des fléaux.
Mais, confrontés à des occupants israéliens qui ne leur ont
apporté que malheurs, misère et famine, dans leur abandon, ils
ont trouvé un appui en ces forces de résistance musulmanes qui
mettaient la justice en pratique. Il eût fallu respecter
leur choix.
Cela se savait que, au sein de l’Autorité
palestinienne, des personnages liés à M. Abbas -comme Rabbo,
Erekat, Dhalan- avaient des liens étranges avec l’occupant et
imposaient à leur peuple des mesures contre nature. Cela se
savait que les membres du Hamas qui sont passés par les geôles
palestiniennes, sortaient encore plus mal en point que des geôles
israéliennes.
Vous avez raison de vous demander
aujourd’hui pourquoi des journalistes et des politiciens ont-ils
caché les crimes de ceux qui, au sein du Fatah – il y a
aussi des honnêtes gens sans pouvoir au sein du Fatah- ont,
depuis 1994, fait arrêter, torturer, livrer des résistants
palestiniens à l’occupant ?
Vous avez raison aussi de
vous interroger quant à la loyauté de ceux qui ont soutenu ces
responsables palestiniens qui acceptaient l’argent d’Israël
et de la CIA pour fomenter des troubles entre Palestiniens et
ensuite incriminer le Hamas.
Ces liens entre le Mossad,
la CIA et les autorités palestiniennes, ont été dénoncés dès
les années 90. Pourquoi de nombreux responsables de la solidarité
n’ont-ils jamais voulu en parler ?
Quand, en 2003, j’ai rencontré des
dirigeants politiques du Djihad et du Hamas, dont ce père de
famille qu’était Rantissi, et qu’Israël a assassiné, j’ai
réalisé ce que ces hommes et ces femmes ostracisés avaient
souffert à cause de cette partie du Fatah qui collaborait avec
l’occupant. J’ai réalisé aussi combien cela les rendait
amers de voir qu’aucune association internationale, aucun
syndicat n’allait jamais à leur rencontre. Alors qu’ils
voyaient des « missions civiles » se promener à Gaza,
guidées par des notables du Fatah qui divisaient leur peuple et dénaturaient
leur cause.
Toute cette mascarade doit cesser si l’on
prétend servir la justice et les droits du peuple palestinien,
foulés aux pieds par Israël.
La solidarité devrait
cesser tout de suite de travailler avec ceux qui ont permis
à Israël de gagner du temps pour renforcer son emprise sur cette
terre volée aux Palestiniens.
Une solidarité digne de
ce nom ne devrait travailler qu’avec ceux des Palestiniens qui
luttent pour défendre la dignité bafouée de leur peuple.
Elle devrait aussi se distancier de ce camp
de la paix israélien qui a, lui, des intérêts
propres qui ne sont pas forcément ceux des Palestiniens qui ne se
soumettent pas aux desiderata de l’occupant. Bref, un camp de
paix qui semble n’être pro
Palestinien que dans la mesure où les Palestiniens ne
remettent pas en cause les faits accomplis d’Israël.
Il ne reste plus qu’à espérer que les
souffrances des Palestiniens, souvent si mal accompagnés par une
solidarité à l’envers, finissent par faire émerger la parole
des honnêtes gens que certains professionnels de la solidarité
ont étouffée, voire même accusée d’antisémitisme ; et
de remettre la solidarité à l’endroit, c’est-à-dire au
service des Palestiniens qui résistent, contre l’occupant, pour
la défense de leurs droits.
Ce sont toutes ces questions, qui demandent réponse
urgente, que votre texte a le mérite de soulever.
Silvia Cattori
1er juillet 2007.
(1)
« Votre
Palestine » ?
Lettre
adressée par
Marie-Ange Patrizio
à l’auteur de l’article Nostra Palestina,
du samedi 23 juin 2007, à
la direction de Il manifesto
qui assume cet éditorial et aux journalistes.
Cet article est
tendancieux et mensonger par omission : il fait un étalage
subjectif d’éléments non factuels, empreint de jugements idéologiques
faciles, à la place d’une argumentation qui obligerait à
reconnaître ce que même la presse de droite admet maintenant :
les affrontements qui ont mis en déroute les forces du Fatah à
Gaza, en moins de 48 heures, ne sont pas que la conséquence du désespoir
de gens affamés, de luttes fratricides, etc. La Palestine ne se
tue pas « toute seule », non.
Stefano Chiarini
avait été l’un des premiers à annoncer que ce n’étaient
pas tous des « frères » ceux qui n’avaient pas
« introjecté » des « valeurs », mais
encaissé des dizaines de millions de dollars offerts par « l’ennemi »:l’administration
étasunienne, à l’époque, officiellement. Maintenant Israël
également et ouvertement
A vous lire, les
Palestiniens ont voté très majoritairement en faveur d’un
parti qui allait ensuite les prendre au piège d’une « société
répressive, obscure, où règnerait la loi de l’intégrisme et
du fanatisme islamique » ? On notera au passage
le mépris : mépris à l’égard des Palestiniens qui
seraient à ce point dépourvus de lucidité politique. Mépris
pour votre propre confrère qui vous avait alertés en mettant en
évidence les conséquences gravissimes d’une politique que vous
ne dénonciez pas, quant aux trahisons des gens liés à l’Autorité
Palestinienne, la dangerosité de Dahlan, l’homme fort du Fatah,
lié à la CIA, pour ne parler que de lui.
Mépris à l’égard
des lecteurs. Que ce genre de désinformation vienne de ceux que
vous appelez « les ennemis » (sans les nommer) est
compréhensible, mais de la part d’un quotidiano
comunista, c’est inacceptable et, là oui,
suicidaire.
Suicidaire votre
ligne politique : vous ne donnez aucun élément pour
analyser comment il se fait que « la Palestine n’a jamais
obtenu de devenir un état ». Au lieu de pleurer sur la
« tragédie sans fin » vous feriez mieux d’exposer
clairement les raisons de cette situation, à commencer par celles
qui nous impliquent nous, ici. Inadmissible votre position sur la
résistance qui est un droit légitime des peuples sous
occupation. Suicidaire pour votre journal, avec cette
psychologisation à la petite semaine sur la haine réciproque des
frères : tu parles d’une fraternité !
Vous savez ce qui
est bon pour les Palestiniens, pas eux. Est-ce de n’être pas
affamés qui donnerait cette lucidité ? Peut-être, oui, que
quand on a faim on essaie d’abord d’avoir à manger, après on
verra ce qu’on fait du voile.
Vous avez des
projets, vagues, pour votre
Palestine, celle « des hommes et des femmes en chair et en
os -mais sans barbe et sans voile ?- pris entre deux options
mortifères », la première option étant celle qu’ils
sont allés se chercher, et la deuxième, en une moitié de phrase :
« Al Fatah et ses sommets corrompus qui répondent par la même
logique armée ». Nous avons bien lu : le Fatah répond.
C’est eux (les terroristes barbus) qui ont commencé.
Argumentation fausse et de petit niveau à laquelle on ne peut répondre
que : même pas vrai.
Devant
l’horreur de cette situation que nous, européens,
progressistes, laïcs, (et féministes bien sûr !), avons
laissée s’installer, c’est tout ce que vous trouvez à dire
en première page ? Ces pleurnicheries démobilisatrices,
moralisatrices et arrogantes ? « Une gauche
dissoute, une société laïque anéantie par la guerre » :
la guerre avec qui ? Et ici ?
Puisque vous
savez quels bénéfices les Palestiniens auront ou n’auront pas
selon pour qui ils votent, dites-nous aussi, déjà, quels bénéfices
vous tirez, vous, de ce genre d’articles ? Question aussi
aux amis et camarades à qui j’adresse d’habitude mes
traductions de Il manifesto.
Parce que nous ici, nous devons réfléchir au moins à ça : les
nôtres de projets dans notre « milieu » du business
de la tragédie palestinienne.
Bon courage à
ceux des qui continuent la lutte à Via Tomacelli.
Marie-Ange Patrizio
(Marseille)
Lire
l'éditorial traduit par Marie-Ange Patrizio
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