CounterPunch
Faisons
connaissance avec le Goliath des temps modernes :
Israël nuit gravement à l’éthique juive
Saul
Landau *
10
juin Washington - Photo Neturei Karta
on
CounterPunch.org, 30 juin 2007
http://www.counterpunch.org/laudau06302007.html
On
peut faire remonter les conflits au Moyen-Orient jusqu’à Moïse,
lequel était sourd comme un pot.
Un jour, Dieu lui dit :
« Momo, emmène ton peuple au Canada ! »
Moïse, lui, comprit : « … en Canaan » !
Un
groupe de juifs pieux considère qu’Israël est anathème pour
la morale juive.
Le 10 juin, un groupe de Neturei Karta (Gardiens de la Ville) ont
manifesté, à Washington, contre l’occupation de la Palestine
et des hauts plateaux du Golan (syrien) par Israël.
En
octobre 2005, déjà, le dirigeant des Neturei Karta, le rabbin
Yisroel Dovid Weiss, avait exposé dans des termes très tranchés
la position de ce mouvement sur Israël et sur le mouvement
sioniste.
« Les
sionistes utilisent la question de l’Holocauste à leur propre
profit.
Quant à nous – nous, les juifs qui périrent dans l’Holocauste
–, nous n’imaginons pas l’utiliser afin de servir nos intérêts.
Nous soulignons le fait qu’il y a des centaines de milliers de
juifs, de par le vaste monde, qui s’identifient à notre
opposition à l’idéologie sioniste, et pour lesquels le
sionisme n’a rien de juif, les motivations de ce mouvement étant
purement politiques…
Ce
que nous voulons, ce n’est pas seulement un retrait jusqu’aux
frontières de 1967, mais le retrait de tout le territoire compris
à l’intérieur des dites frontières, afin que le pays puisse
être restitué aux Palestiniens. Alors, nous pourrions vivre en
harmonie avec eux… »
Voici
deux ans de cela, j’ai parlé à un de ces hommes tout de noir vêtus,
portant chapeau noir et les papillotes traditionnelles des juifs
hassidiques (mais, d’hassidiques, ils n’ont que les
papillotes…)
« Comment
les responsables corrompus d’un Etat – et l’on sait que la
plupart des responsables de la plupart des gouvernements sont
corrompus – peuvent-ils mettre en pratique la morale juive ? »
Le rabbin posait cette question avant l’invasion du Liban par
Israël, en juillet 2006, soit avait la révélation du fait que
le chef de l’armée israélienne, à l’époque, le général
Dan Halutz, était fort occupé à revendre les actions qu’il détenait,
le matin même de l’agression contre le Liban, de peur que leur
valeur ne s’effondre.
De
plus, tandis qu’Israël était sur le sentier de la guerre, deux
ministres se faisaient pincer en train de pincer le train de
jeunes et sémillantes fonctionnaires gouvernementales.
« Vous
vous rendez compte : un homme qui se prétend juif »,
poursuivit-il, « a donné l’ordre, à des jeunes hommes et
des jeunes femmes israéliens, dans l’armée ou dans la police,
de tuer des civils palestiniens, de leur briser les os [allusion
au ministre travailliste de la Défense Yitzhak Rabin, qui excita,
en 1989, la soldatesque israélienne à briser les os de
manifestants palestiniens] ?
Un
tel comportement est-il compatible avec notre éthique ?
Est-il
compatible avec la moralité, à un quelconque niveau que ce soit ?
Tant qu’Israël existera, en tant qu’Etat, des juifs et des
juives perpètreront des péchés irrémissibles et pollueront
notre religion pour les générations futures.
Israël
a fomenté un lobby pernicieux aux Etats-Unis et dans leur pendant
qu’est l’Europe, afin de raconter au public non-juif qu’il
s’agirait d’un David démocratique se défendant contre un
Goliath fanatique.
C’est
là pur mensonge.
Aucun
Messie ne reviendra jamais dans un lieu aussi terrible.
Or
il ne saurait exister un Etat d’Israël avant le Retour du
Messie. »
J’ai
tenté de détendre un peu l’atmosphère : je redoutais
qu’il n’explose de colère.
J’ai
raconté l’histoire de ce type, en 1948, peu après la création
d’Israël, qui rentre chez lui et dit à sa femme :
« Le
rabbin a dit que tous les juifs doivent déménager en Israël,
parce que le Messie y est annoncé pour bientôt. »
« Tu
es marteau ? », rétorqua son épouse, « après
tout le fric qu’on a dépensé pour refaire les peintures ?! »
Cela
ne l’a pas fait rire.
« Vous
avez perdu votre sens de l’humour », lui demandé-je.
« Dès
lors que c’est d’Israël dont il s’agit », me répondit-il,
« il n’y a vraiment pas de quoi se réjouir… »
Dans
mon enfance, mes aïeuls, des rabbins et autres personnages
religieux m’ont appris les mêmes leçons que celles évoquées
par le journaliste israélien Uri Avnery :
« Le
judaïsme est une religion humaine, c’est « une lumière
pour les Gentils ».
Le
judaïsme enseigne de rejeter la violence, de placer le spirituel
au-dessus de la force, de faire d’un ennemi un ami.
Un
juif est certes autorisé à se défendre :
« Si
quelqu’un vient te tuer,
Tue-le
d’abord, toi », intime l’injonction talmudique –
« mais sans aimer la violence, et sans te laisser intoxiquer
par ta propre puissance ».
Ces
idéaux ont précédé de très loin la création d’Israël en
tant qu’Etat juif, en tant qu’Etat qui n’a jamais cessé
d’être en guerre – ou sur le pied de guerre – avec ses
voisins. Après la guerre de 1967, les sectes orthodoxes et
hassidiques commencèrent à gagner en influence dans la vie
politique et culturelle israélienne.
Les
colonies ont poussé comme champignons après la pluie dans les
territoires conquis sur ses voisins par Israël. Et, avec ces
nouvelles colonies, dont certaines sont d’une religiosité
fervente, sont apparues les prétextes pour exercer une
discrimination à l’encontre des Palestiniens qui revêtirent,
dans le logos de ces Israéliens, les caractéristiques de l’ « aliène »
honni.
L’ironie,
bien entendu, c’était que les nazis avaient développé
exactement le même langage à l’endroit des juifs. Ce que les
Israéliens ont fait subir aux Palestiniens n’était qu’un pâle
reflet de l’Holocauste, mais cela sonnait terriblement faux aux
oreilles de juifs tels que moi, qui entendent des rabbins
justifiant un système que l’ex-président américain Jimmy
Carter a qualifié d’apartheid dans un ouvrage récemment publié.
John
Ross a relaté son expérience en Palestine, où il était allé
aider à la récolte des olives : il a vu sept hommes jeunes,
portant leur yarmulke, dévaler la colline brûlée de soleil en
brandissant de gros bâtons et en balançant d’énormes gadins
potentiellement mortels, proférant en hébreu leurs malédictions
obscènes contre les habitants de cette terre martyrisée.
« J’étais
avec un paysans palestinien et ses enfants, à l’ombre d’un
olivier dont on venait de finir de cueillir les olives, quand
trois de ces types nous ont foncé dessus. J’imagine que pour
eux, j’étais un traître à ma race, dans leur vision pervertie
des réalités. »
Ross
ayant pris ses jambes à son cou, « ces sauvages [adeptes du
culte fasciste à feu le rabbin Meir Kahane] ont cassé les
oliviers. Avant que je n’aie eu le temps de me retourner, ils étaient
sur moi. Le premier m’a balancé un coup qui a ripé sur mon échine,
et je suis allé bouler dans la terre couleur brique, tentant de
me protéger le visage de mes avant-bras.
Le
deuxième m’a fiché un coup de pied dans un poignet, et le sang
commença à jaillir.
Un
jeune nazi prit une grosse pierre hérissée d’aspérités, et
il m’avançait dessus, le vice luisant dans ses yeux maléfiques
et injectés de sang, puis il me lança la pierre d’une distance
de deux mètres. Je sentis le choc terriblement douloureux à mon
genou, puis ils me relevèrent, déchirant mes vêtements et me
firent redescendre la colline à coups de pieds, comme un vieux
ballon de foot crevé. » [Anderson Valley Advertiser, 3 décembre
2003]
Comparez
ces brutes qui ont envoyé Ross à l’hosto avec ces propos tenus
par Mordechai Eliyahu, ancien chef spirituel des rabbins séfarades
d’Israël, et guide spirituel clé des colons israéliens dans
les territoires palestiniens.
Début
juin, il a écrit au Premier ministre, Ehud Olmert.
Il
a prononcé son décret : avoir de la compassion pour la
population civile de Gaza est incompatible avec la protection des
vies des soldats israéliens.
Quiconque
est susceptible de nourrir des sentiments humains met en
danger des vies israéliennes.
Shmuel,
le fils du rabbin, a interprété ce décret :
« S’il
ne suffit pas de tuer cent Arabes pour mettre un terme au
lancement de roquettes Qassam contre Israël, alors il faut en
tuer mille.
Et
si cela ne suffit encore pas, alors, tuons-en dix mille, cent
mille, et même, pourquoi pas, un million. Eliminons autant de
Palestiniens qu’il faudra pour qu’ils arrêtent ! »
Eliyahu
a clamé que « tous les civils vivant dans la bande de Gaza »
sont « collectivement coupables des attaques contre Sderot
à la roquette Qassam » et qu’il n’y avait « strictement
aucune objection morale contre l’assassinat indiscriminé de
civils au cours d’une offensive militaire massive, toujours
possible, à Gaza, visant à arrêter les tirs de roquettes. »
Le
journaliste [Uri] Avnery a trouvé cette lettre dans la revue Olam
Katan [Petit Monde], « un hebdomadaire distribué dans les
synagogues de tout le pays. »
Eliyahu
écrivait qu’il s’agissait là d’ « un message
adressé à tous les dirigeants du peuple juif : qu’ils
n’aient aucune compassion pour ceux qui bombardent des civils,
chez eux, avec leurs roquettes. »
Son
fils, Shmuel Eliyahu, grand rabbin de Safed, a déclaré que son père
« préconisait des bombardements en tapis de toute la région
d’où les tirs de Qassams étaient lancés, sans aucune considération
pour le prix en vies palestiniennes » [Avnery, Gush Shjalom,
9 juin 2007]
Dans
son courrier, Eliyahu justifiait son édit en citant les Psaumes.
« Je
poursuivra mes ennemis et je les arrêterait, et je n’aurai de
paix tant que je ne les aurai pas éradiqués. »
Avnery
a écrit un papier sur l’équation disproportionnée d’Eliyahu.
Durant
les six dernières années, neuf Israéliens ont été tués, à
Sderot, par les « missiles Qassam bricolés avec une extrême
cruauté. » Mais 650 Palestiniens ont été tués, l’an
dernier, (plus de la moitié étaient des civils non-armés,
d’après Amnesty International) au cours d’attaques perpétrées
par l’armée d’Israël, une des plus puissantes et des plus
modernes dans le monde. »
En
Israël, jusqu’ici, aucune protestation, aucun rejet n’ont
suivi cet appel au meurtre. Bien au contraire, écrit Avnery :
« Le nombre des rabbins qui soutiennent publiquement de
telles méthodes n’a fait que croître, atteignant des
centaines. La plupart d’entre eux sont originaires des colonies »,
où les juifs ont volé les terres des Palestiniens, ainsi que
leur eau, et sur lesquelles ils ont bâti leurs propres quartiers
– bien que la Cour Internationale de Justice ait déclaré
qu’aucune nation ne saurait s’approprier le territoire conquis
sur une autre nation [Gush Shalom].
Aux
Etats-Unis, des propagandistes et des partisans inconditionnels
d’Israël, dont le Congrès, s’accrochent à l’image d’Epinal
d’un Israël en petit David assiégé par une meute de Goliaths,
d’une nation de démocrates et de gens aspirant à la justice,
isolée dans un océan d’ennemis antidémocratiques et iniques.
Un
pays disposant au minimum de deux cents têtes nucléaires et des
capacités industrielles et technologiques les plus importantes de
la région : un pauvre petit David ??
Au
fronton des synagogues de Washington, Department of Columbia, des
pancartes proclament :
« Nous
soutenons Israël dans son combat pour la paix et la justice. »
Israël
se soucie comme d’une guigne, tant de la paix que de la justice.
Ses
dirigeants savent très bien qu’aucun pays, ni aucun groupe de
pays, n’oseraient l’attaquer, de peur d’avoir à connaître
la colère d’un gouvernement parfaitement sur la même longueur
d’onde que le rabbin Eliyahu. Israël est devenu Goliath.
Espérons
qu’un David israélien émergera, aussi, et qu’il guidera son
peuple vers la paix et la justice.
Traduit
de l’anglais par Marcel Charbonnier
[* Saul Landau publie régulièrement sur
progresoweekly.com
http://www.progresoweekly.com
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