Maroc
Maroc, la Mafia
pantagruélique
Salah Elayoubi
Mercredi 20 novembre 2013
Dans le premier des
considérants, qui la fonde,
la charte universelle des droits
de l’homme stipule que « la
reconnaissance de la dignité inhérente à
tous les membres de la famille humaine
et de leurs droits égaux et
inaliénables, constitue le fondement de
la liberté, de la justice et de la paix
dans le monde. »
Dès son préambule
donc et en quelque mots, la charte en
question, met en lumière l’un des
piliers fondateurs de toute société
humaine. C’est en reconnaissant à son
alter ego, la même dignité que l’on
revendique pour soi-même, que l’on bâtit
des sociétés justes et démocratiques.
A contrario, c’est
en refusant à leurs populations toute
dignité, que l’on ouvre la voie au
despotisme et son cortège d’injustices,
légitimant dès lors, comme le souligne
le troisième considérant de la charte
précitée que l’homme soit« contraint,
en suprême recours, à la révolte contre
la tyrannie et l'oppression. »
Le budget de
l’indignité
« Dignité pour
tous ! », fut la revendication
maîtresse du Mouvement du vingt février.
Elle signifiait et signifie encore,
égalité de traitement pour les puissants
comme pour les plus faibles. A bientôt
trois ans du fameux soulèvement
populaire, je réalise combien nous
sommes encore éloignés de toute dignité
et combien l’épure de la nouvelle
constitution est conforme à l’esquisse
que nous dénoncions: scélérate, parce
que nourrissant dans chacun de ses
articles, le dessein perfide, de
reconduire à l’identique, sinon
d’amplifier les errements et les
injustices du passé. Ce qui était
supposé rendre le Maroc meilleur, s’est
révélé pure escroquerie. Un énième
bonneteau encore plus indigne que le
dernier des tours de passe-passe,
entrepris au détriment du peuple
marocain.
Et d’imaginer notre
pays siégeant au Conseil des droits de
l’homme de l’ONU, aux côtés de
l’Algérie, de l’Arabie saoudite, de la
Chine, de Cuba ou encore de la Russie,
ne prêche pas pour l’optimiste, mais
fait plutôt craindre que cette élection
ne soit perçue comme un encouragement
malheureux à cette inclination
particulière de la dictature marocaine
et ses servants pour la dignité à
géométrie variable.
Pour se convaincre de tout cela, il
fallait se trouver à la commission des
finances du parlement marocain de ce
matin du 11 novembre 2013, au cours de
laquelle il s’agissait d’examiner le
projet de budget du palais royal.
Une séance pour la forme. Clairsemée et
expéditive, qui raconte l’histoire
indigne de douze députés qui, en moins
de dix minutes et sans coup férir, ont
augmenté le budget d’un seul homme de
huit millions six cent soixante-dix-huit
mille (8.678.000) dirhams (774.455
Euros), pour mettre à sa disposition,
deux milliards cinq cent
quatre-vingt-cinq millions quatre cent
quarante-sept mille (2.585.447.000)
dirhams (230.734.295 Euros), quand des
départements ministériels aussi
sensibles que la santé publique,
l’éducation nationale, la jeunesse et
les sports ou encore la culture doivent
passer par le chat de l’aiguille, pour
faire passer des budgets au demeurant
dérisoires, au vu l’ampleur de la tâche
qui leur incombe.
Une boulimie
soudaine et pantagruélique
Si l’énormité du
budget ou plutôt du butin en question,
met à rude épreuve le mythe du « Roi des
pauvres », soigneusement entretenu par
un entourage royal véreux, la
disproportion de traitement entre le
palais et les autres départements,
expliquent, en grande partie, le train
de vie surréaliste de la monarchie
marocaine, l’enrichissement
exponentiel du roi et de sa famille, et
la place qui est celle de notre
pays, à la traîne de tous les indices
mondiaux du développement.
Et c’est
précisément parce que le diable se cache
dans les détails que l’opacité, l’omerta
et un halo de mystère enveloppent un peu
plus, d’une loi de finance à l’autre,
les dépenses du palais, comme son budget
de fonctionnement qui équivaut à celui
de quatre ministères réunis : les
transports et l’équipement, la jeunesse
et les sports, la culture et enfin
l’habitat et l’urbanisme. Une ligne de
crédit pharaonique, aux desseins
machiavéliques parce qu’elle finance la
transhumance royale, incessante,
coûteuse et inutile et dont le seul but
est d’entretenir un mythe éhonté, celui
du roi qui travaille. Un marketing
indigne, financé par les deniers du
peuple.
D’autres détails
trahissent encore le peu de scrupules
que manifeste Mohammed VI à puiser sans
compter dans les deniers publics, comme
cette ligne pompeusement surnommée
« Dotations de souveraineté ». Rien
moins qu’une caisse noire, mise à
disposition du roi qui représentera
cette année cinq cent dix-sept millions
cent soixante-quatre mille (517.164.000)
dirhams (46.153.517 Euros) que
l’intéressé s’acharnera sans aucun doute
à consommer, comme de coutume, en
totalité, sans que personne ne vienne
jamais s’enquérir de la façon dont les
fonds ont été épuisés.Une rubrique à la
source des moyens dont se sert la
monarchie pour s’acheter les consciences
Urbi et Orbi.
Et que dire de ces frais de bouche qui
engloutissent deux pour cent (2%) du
budget de l’Etat après avoir fait
l’objet d’une brutale augmentation de
plus de cinquante-cinq pour cent (55%),
en 2001. A croire que la disparition
de Hassan II et l’accession au trône de
Mohammed VI, aurait déclenché chez ce
dernier, une fringale soudaine,
confinant à une boulimie pantagruélique.
L’arène de la
lâcheté
Une fois n’est pas
coutume, une voix bien timide, celle du
député du PJD,
Abdelaziz Aftati, du PJD s’est
élevée pour réclamer que des
administrateurs viennent s’expliquer sur
le montant de l’enveloppe pharaonique
que le palais projetait de s’adjuger.
Peine perdue, car comme ces vieux singes
à qui l’on n’apprend plus à grimacer,
nos parlementaires ont passé outre,
ayant appris à discerner chez leurs
pairs, leurs gesticulations pour la
galerie. De simples faire-valoir qui
font la façade démocratique du régime
marocain.
Abdelaziz Aftati ne démissionnera donc
pas de sa députation. Le terme démission
ayant été banni du vocabulaire de nos
hommes politiques. Le terme courage
aussi, la scène politique marocaine
ressemblant de plus en plus à une arène
de la lâcheté.
Alors de tous ces
chiffres astronomiques, je préfère n’en
retenir qu’un seul : deux cents. C’est
le nombre de postes budgétaires
supplémentaires que nos parlementaires
d’un autre âge ont octroyé au Palais
royal pour l’année 2014, alors que
la crise bat son plein et que tous les
ministères en sont à contracter leurs
effectifs et manquent cruellement de
moyens.
Pour quatre cent dix millions deux cent
mille (410.200.000)
dirhams(36.628.270Euros), qu’on refuse
cruellement à ces centaines de
diplômés chômeurs qu’on bat comme
plâtre, parce qu’ils manifestent pour
leur droit à la dignité, dans le
travail.
Deux cent postes et des millions de
dirhams qui manqueront cruellement dans
l’Atlas, où l’on continuera, sans doute
de mourir de froid, d’inanition,
d’enclavement et de misère, lorsque
l’hiver sera venu.
Deux cents raisons
de conclure enfin, que le régime
politique marocain s’est structuré, pour
se mettre au service d’un seul homme,
empruntant aux plus sinistres mafias,
leurs coups de mains, leurs brutalités,
leur collecte de fonds, leur loi du
silence, au point qu’il n’a désormais
plus rien à leur envier.
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Publié le 20 novembre 2013
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