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Islam : deuxième religion de France. Premier de ses soucis ?
Saad Khiari
La mosquée de Paris
Vendredi 1er janvier 2010 Revenons à
l’Andalousie, sans complexe, sans fantasmes, sans regret du
passé. Non pas pour convoquer encore une fois Averroes, Avicenne
et d’autres grandes figures de l’histoire des arabes et des
musulmans pour rappeler à un Occident un peu oublieux, leurs
apports à la civilisation universelle. Mais pour dire à ceux qui
l’ignorent, que durant des siècles, synagogues, églises, temples
et mosquées ont célébré un même Dieu dans la fraternité et le
respect. La civilisation arabo-islamique était la bienvenue en
terre d’Occident, à des milliers de kilomètres de son berceau.
Elle apportait son savoir à un Occident qui en
avait bien besoin et participait aux côtés d’autres
civilisations au progrès de l’humanité. Les historiens
pourraient nous dire aujourd’hui qui, de la décadence de la
civilisation arabo-musulmane ou du rejet par l’Espagne d’une
religion importée, a sonné la fin d’une cohabitation qui
continue encore de nos jours, à annihiler tous les arguments
spécieux qui voudraient rendre l’islam infréquentable. Des
siècles plus tard, les responsables arabes ou musulmans, enfin
maîtres de leurs destins et débarrassés de la tutelle des
puissances occidentales, avaient espéré pouvoir revenir dans la
cour de l’Occident, fiers d’un passé glorieux, forts de leurs
gisements pétroliers et soucieux de rattraper le retard.
Non seulement ils ont du déchanter, mais ils
continuent aujourd’hui encore à rêver d’Andalousie et de
démocratie à venir. Pour le rêve, l’Occident ne fait pas
d’objection, mais pour l’avènement de la démocratie, il exige
des anciens territoires sous mandats et des anciennes colonies,
la réalisation en quelques années de ce que lui-même a mis des
siècles à instaurer, non sans guerres et sans drames ; à savoir
le passage à la démocratie. D’où le subterfuge et la
malhonnêteté du verdict sans appel, sur l’incompatibilité entre
islam et démocratie, quand ce n’est pas entre arabe et
démocratie.
La lente érosion de la relation entre le monde
arabo-musulman et l’Occident, accentuée encore plus par la fin
des empires coloniaux et l’insolence des gisements
d’hydrocarbures, a atteint son point d’orgue avec le transfert
de la mauvaise conscience européenne aux Palestiniens, le
soutien inconditionnel à l’Etat d’Israël et la colonisation
brutale, froide et méthodique de La Palestine, sous le regard
complice ou silencieux de ceux-là même qui célébraient hier la
lutte anticoloniale au Vietnam, en Algérie et dans les anciennes
colonies d’Afrique.
L’irruption récente de groupes extrémistes
minoritaires dans les pays musulmans, le drame du 11 septembre
et la situation socio-économique catastrophique de la majorité
de ces pays, ont fini de donner l’image la plus exécrable et la
plus anxiogène du monde arabo-musulman. En France, on découvre
brusquement le danger imminent d’un foulard arboré par quelques
jeunes filles. La classe politique est mobilisée et fait flèche
de tout bois pour jouer sur les peurs en entretenant sciemment
l’amalgame, entre l’islam du Coran et celui d’une poignée de
dangereux aventuriers se réclamant d’un islam inédit. Oubliée la
religion qu’on a côtoyé pendant des siècles et dont on louait
jadis le message de paix et l’esprit de tolérance. La violence
alors, était plutôt à chercher du côté de l’Inquisition, des
Croisés et des autodafés.
Aujourd’hui c’est à qui s’emparerait le premier
dans la classe politique, de l’argument de l’islam-danger pour
mobiliser troupes, électeurs et gogos. La presse en fait son
marronnier de choix car l’islam fait vendre. Il est surveillé
comme lait sur le feu et le moindre fait divers, comme ce
divorce après un mariage non consommé, mobilise jusqu’en
Navarre. Pour la droite populiste, l’islam permet un processus
de mobilisation simple et efficace. Pour la droite au pouvoir il
sert d’épouvantail à la veille de chaque consultation
électorale. La chasse sur les terres du Front National autorise
toutes les dérives. Les quelques voix qui s’offusquent du
procédé, se font répondre que tout ce branle-bas est la preuve
de l’existence d’un véritable débat démocratique qui nous ferait
connaître l’opinion de la majorité des Français.
Les citoyens-électeurs sont mis en garde contre
le risque de déstabilisation de la société française par la
présence d’une religion affublée de tous les dangers. L’islam
est rendu responsable de la crise économique, de l’aggravation
du chômage et de l’insécurité. C’est le message envoyé sous des
formes plus ou moins claires, plus ou moins subliminales. Les
propos racistes et islamophobes de responsables de haut niveau,
les profanations des lieux de culte et des tombes de soldats
musulmans morts pour libérer La France ; rien de tout cela ne
provoque l’indignation qu’on est en droit d’attendre.
Pire encore, on s’est demandé si on n’allait pas
vers un incident diplomatique avec la Suisse qui a osé griller
la politesse à La France avec le coup des minarets.
Les arguments de la Droite et de
l’Extrême-droite sont bien huilés depuis que Le Pen a trouvé le
tempo. Il a fait beaucoup de petits depuis. Les médias se
régalent. Chacun joue bien son rôle. Le pays finit par perdre
vraiment la tête à force de reniements. La France est un « pays
qui se dit laïc mais qui est resté bel et bien chrétien…et où,
aux musulmans d’aujourd’hui comme aux juifs d’hier, on demande
de rester invisibles » ( Esther Benbassa).
L’islam, deuxième religion de France, serait-il
devenu le premier de ses soucis, loin devant le poids de la
dette publique et de la question sociale ? Entre ce pays et ses
propres citoyens musulmans, il y a plus que du désamour. Il
existe bel et bien une véritable barrière difficile à franchir
pour des citoyens qui veulent vivre leur foi, sans se renier
pour autant. Cette situation fait honte au pays des droits de
l’homme et doit toujours être dénoncée avec force. De la même
manière que doit être déplorée, dans un autre registre, la
posture victimaire de ceux des citoyens musulmans qui ne font
rien pour faire bouger les lignes.
Disons pour faire court, que les musulmans, si
tant est que le terme désigne une entité précise et homogène,
ont aussi leur part de responsabilité dans l’aggravation de
cette crise. Beaucoup d’entre eux sont responsables, pour ne pas
avoir osé dépoussiérer des traditions et modifier des postures
qui n’ont plus rien à voir avec l’évolution du monde. Ils sont
responsables parce qu’ils ont une vision déformée ou incomplète
de leur religion et qu’ils continuent de véhiculer des
stéréotypes relatifs aussi bien à celle des autres religions
qu’à la leur.
Rien d’étonnant dès lors, lorsque certains
d’entre eux ; même s’ils sont une minorité, succombent à la
tentation de tourner le dos au modèle de modernité qui leur est
proposé. Ils le font parce qu’ils sont persuadés de n’avoir
d’autres choix que de revenir aux temps de la révélation
coranique ; aventure qui trouve de plus en plus d’adeptes
notamment chez les jeunes dits salafistes, lassés d’attendre un
avenir qui ne vient pas. La société arabo-musulmane engluée dans
des difficultés existentielles, refuse de se remettre en
question et s’avère incapable d’introduire les réformes
nécessaires, ni même de rappeler le véritable message coranique.
Les musulmans, aussi bien ceux vivant en Occident que ceux
vivant en terre d’islam, sont en partie responsables des ravages
causés à l’islam.
Les premiers, ayant choisi de se libérer de la
tutelle du pays des parents, éprouvent toutes les peines du
monde à convaincre autour d’eux qu’ils aspirent à être des
citoyens à part entière, avec les mêmes devoirs et les mêmes
droits que les autres, avec les mêmes particularités culturelles
que les autres religions de France, sans passe-droit ni
avantages particuliers. Ils considèrent à juste raison que le
partage de l’espace public commun, devrait signifier la même
chose pour tout le monde ; c’est-à-dire, soit la liberté de
porter discrètement un signe distinctif religieux, soit son
interdiction totale.
Or on constate qu’on stigmatise le foulard
islamique alors qu’on ne le fait pour la tenue loubavitch,
pourtant autrement plus ostentatoire. Le législateur est dans
pareil cas soupçonné de partialité. Et quand il a la sagesse de
réprimer par la loi les propos antisémites, et qu’il oublie ou
refuse de le faire pour les propos islamophobes, on se retrouve
à tout le moins, devant un déni de justice. Les victimes, quant
à elles, n’ont ni le poids ni les moyens pour obtenir l’égalité
de traitement. Sans compter que mes frères manquent sérieusement
d’humour dès qu’on s’aventure sur le terrain religieux, et
qu’ils auraient certainement réussi à décrisper un peu
l’atmosphère s’ils avaient osé l’autodérision de « Rabbi
Jacob ».
Facile à dire, il est vrai, quand on sait que,
la crise économique les frappe plus que les autres, qu’ils
doivent vivre avec les discriminations et les vexations
quotidiennes, que les grands médias ne mettent jamais en avant
les modèles positifs d’intégration, qu’on reproche à leurs
intellectuels indépendants de ne pas se manifester alors qu’on
refuse de leur donner la parole et qu’ils se retrouvent
périodiquement contre leur gré, au centre des surenchères
électoralistes. On ne peut pas avoir une guêpe dans son pantalon
et sourire, dit le proverbe chinois. J’ajoute qu’en général, on
a recours à l’autodérision quand on est sûr d’avoir les rieurs
de son côté.
Les seconds et particulièrement ceux des pays
musulmans qui disposent des moyens nécessaires pour rétablir un
véritable dialogue avec l’Occident, n’ont toujours pas pris
d’initiatives dans ce sens. Si l’Eglise catholique est
actuellement en retrait par rapport au magistère de Sa Sainteté
Jean-Paul II, ce n’est pas tant parce que Le Pape Benoît XVI
serait moins sensible à la question des rapports avec l’islam.
C’est probablement aussi parce que les musulmans, même s’ils
n’ont pas de clergé qui parlerait en leur nom, n’ont pas envoyé
les signes encourageants qui auraient permis d’avancer dans la
bonne direction.
Arrêtons-nous à un exemple : celui de
l’édification d’églises en Arabie Saoudite. Rien ne pourra
jamais me convaincre de la légitimité de l’absence d’églises
dans le pays berceau de l’islam. Aucun motif, aucune
explication, aucune justification ne sont recevables pour la
simple et unique raison que les gardiens des lieux saints de
l’islam ne peuvent s’appuyer, à ma connaissance, sur le moindre
interdit religieux. Bien au contraire ils devraient prendre
exemple sur l’accueil réservé par le Prophète Mohammed (PSL) qui
autorisa en janvier 631 ( an 10 du calendrier musulman ) une
délégation composée de Soixante dix chrétiens avec notamment
sept prêtres et un Evêque, à célébrer leur messe à l’intérieur
de la mosquée de Médine.
Si les périmètres urbains de La Mecque et de
Médine sont considérés à juste titre comme espaces sacrés, il
n’en va pas de même, ni pour la capitale Riadh, ni pour le reste
du royaume. Et, sauf à décréter l’ensemble du territoire réservé
exclusivement aux musulmans ; il n’y a aucune raison d’interdire
l’édification de lieux de cultes pour les fidèles des autres
religions.
Ceci pour dire qu’un certain nombre de signaux
forts ou même symboliques suffiraient à gêner sérieusement les
manœuvres des opposants irréductibles au rapprochement entre les
grandes religions et entre les peuples donc, et couperait
l’herbe sous les pieds des officines racistes et islamophobes.
En effet, passé l’épisode des quelques centaines de femmes-burqas,
et une fois épuisé l’arsenal qui va des minarets au mouton dans
la baignoire, en passant par la casquette à l’endroit et
l’abandon du verlan, il leur resterait, diraient les plus
sceptiques et les plus teigneux, à interdire la circoncision au
prétexte de mutilation barbare. Pour cela, je répondrais que les
musulmans n’auraient rien à craindre, car les plus téméraires
d’entre les ennemis de l’islam, ne s’aventureraient pas sur ce
terrain, parce qu’ils savent que les musulmans ne seraient pas
les seuls concernés. Leurs cousins veillent.
Dossier religion musulmane
Publié le 3 janvier
2010 avec l'aimable
autorisation d'Oumma.com
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