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Analyse
Un vote de petits blancs
Rudolf Bkouche
Rudolf Bkouche - Photo Palestine
Solidarité
Lundi 23 février 2009
Les
"petits blancs", comme on les appelle souvent avec mépris, sont
les soutiers de la colonisation. Situés au bas de l'échelle des
colonisateurs, ils sont d'autant plus solidaires de la
colonisation qu'ils savent qu'il y a plus bas qu'eux, les
colonisés. Ils pensent ainsi partager les bénéfices de la
colonisation.
Ainsi ont fonctionné les colonies de peuplement, ainsi
fonctionne Israël même si les conditions en sont différentes.
Israël n'est pas un Etat colonial classique au sens où il n'est
pas l'émanation d'une métropole. Mouvement de conquête bien plus
que mouvement colonial, le sionisme avait pour objectif moins
d'exploiter les indigènes de la terre conquise que de les
expulser. Mais il lui fallait, pour assurer sa politique le
soutien des puissances impérialistes ce qui l'a conduit à
s'allier à celles-ci, la Grande Bretagne d'abord, les Etats-Unis
aujourd'hui.
Mouvement nationaliste plus que mouvement colonial, il lui
fallait conquérir "son" peuple, c'est-à-dire les Juifs. Né en
réaction à l'antisémitisme européen, le mouvement sioniste su
aussi profiter de cet antisémitisme pour apparaître, après le
grand massacre du milieu du XXème siècle, comme le seul recours
contre l'antisémitisme, et faire croire que l'Etat d'Israël issu
de la conquête de la Palestine était le refuge pour les Juifs.
La partie était d'autant plus facile que la plupart des
opposants au sionisme, juifs orthodoxes ou juifs
révolutionnaires, communistes ou bundistes, avaient disparu dans
le génocide. Le sionisme s'imposait ainsi comme la seule
expression juive dans le monde.
L'Etat d'Israël pouvait alors regrouper en son sein la grande
majorité des survivants du génocide, transformant ainsi les
parias de l'Europe
en un peuple conquérant. Et cela était d'autant plus facile que
le jeune Etat bénéficiait du soutien de l'Occident, URSS
comprise, mêlant la culpabilité européenne devant les
conséquences de l'antisémitisme et les intérêts géopolitiques
des puissances.
Les parias de l'Europe se retrouvaient ainsi les petits soldats
de l'impérialisme, le bastion avancé de la civilisation face à
la barbarie, pour reprendre une expression de Herzl ; ce qui
n'était peut-être qu'un argument de circonstance pour obtenir le
soutien des puissances coloniales est devenu aujourd'hui l'un
des points forts du soutien de l'Occident à Israël. Il est moins
question, pour l'Occident, de soutenir un Etat étranger que de
soutenir une part de lui-même et la récente décision de
"rehaussement" prise par l'Union Européenne nous rappelle que
pour celle-ci l'Etat d'Israël fait partie de l'Europe. Cette
décision qui renforce les accords d'association antérieurs
marque l'entrée officieuse d'Israël dans l'Union Européenne.
Le
résultat des dernières élections israéliennes marque une
continuité politique, moins dans la répartition des voix selon
les différents partis que dans la volonté de continuer de tenir
à distance les Palestiniens, de continuer l'occupation et la
colonisation et d'assurer l'hégémonie israélienne sur la terre
palestinienne. Quelle différence, en ce qui concerne les
Palestiniens, entre un parti travailliste classé à gauche, un
parti dit centriste et un parti dit de droite ? Ils ont tous
contribué à renforcer l'hégémonie israélienne, ils ont tous
contribué à renforcer la colonisation, ils ont tous contribué à
refuser toute possibilité d'une solution reconnaissant les
droits des Palestiniens. Ils n'ont su qu'exaspérer le sentiment
d'insécurité des Israéliens pour mieux l'utiliser pour mener à
bien leur politique.
Qu'importe alors qui sera premier ministre, cela relève de la
lutte de clans entre les divers partis israéliens, mais cela ne
changera pas la politique. Pour le comprendre il suffit de
regarder l'histoire des divers processus de paix qui se sont
déroulés ces dernières années. Un invariant marque ces divers
processus, la poursuite de la colonisation de la terre. On
pouvait expliquer, publiquement, que ces processus, pour aboutir
à un règlement général, exigeaient, sinon le démantèlement des
colonies, du moins l'arrêt de leur extension, la colonisation
continuait au nom d'une croissance démographique proclamée
naturelle. Et les Palestiniens voyaient se rétrécir de jour en
jour le territoire dont ils disposaient.
Il faut
alors comprendre que cette politique ne relève pas d'un débat
politique entre les partis. Elle est inscrite dans l'idéologie
qui a conduit à la création de l'Etat d'Israël en Palestine. Cet
Etat est né de la volonté de conquérir la terre palestinienne et
d'en expulser les habitants. La seule paix possible, pour les
leaders du mouvement sioniste, ne peut venir que de
l'acceptation pas les habitants de la Palestine des diktats
israéliens.
La proposition d'Arafat acceptant le principe de deux Etats,
l'israélien et le palestinien, proclamée en 1988, si elle
marquait l'acceptation du fait accompli, était inacceptable pour
l'Etat d'Israël qui n'y a jamais répondu, y compris lors des
Accords d'Oslo. Et la poursuite de la colonisation montrait
combien le droit des Palestiniens ne comptait pas pour les
gouvernements israéliens, quelle que soit leur couleur
politique.
L'Etat d'Israël est en guerre depuis sa création, guerre au nom
de sa sécurité, ce maître-mot qui définit la politique
israélienne. Et cela sonne d'autant plus fort qu'il n'est pas
seulement question de la sécurité d'un Etat, mais de la sécurité
des Juifs du monde. Car cette guerre permanente ne se contente
pas de développer un chauvinisme israélien, elle conduit à un
chauvinisme juif qui tend à s'imposer à tous les juifs du monde.
La question n'est plus de transformer la population d'Israël en
"petits blancs" au sens que nous avons dit ci-dessus, elle est
de transformer l'ensemble de la population juive dans le monde
en "petits blancs" solidaires de la politique israélienne. Cette
solidarité proclamée par les officines sionistes que sont
devenues trop souvent des organisations se proclamant les
représentants des communautés juives
dans le monde, permet de renforcer l'équation "juif =
sioniste" et ainsi un sentiment de solidarité entre l'ensemble
des Juifs et la politique israélienne, d'autant que cette
volonté d'israélisation des Juifs est acceptée par les
souteneurs d'Israël.
C'est le sens de la politique israélienne, c'est aussi le sens
d'un vote d'enfermement des Israéliens qui ont choisi, quel que
soit le parti pour lequel ils ont voté, la continuité d'une
politique criminelle.
Rudolf Bkouche
membre de l'UJFP et du mouvement IJAN
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