‘L'armée rebelle ?
C'est une bande d'étrangers’
Robert Fisk
Robert
Fisk
Jeudi 23 août
2012
Robert Fisk est un vrai journaliste
indépendant. Il sait se garder à
distance de l’appareil
politico-médiatique et des parties en
conflit sans négliger les vraies
victimes. Ce qu’il décrit ici contredit
ce que la "grande" presse raconte depuis
un mois sur la "bataille d’Alep". On
comprend que les journalistes toxiques
de Libération, Le Monde, France 24, etc,
- qui présentent les "rebelles" de l’ASL
en libérateurs, en révolutionnaires, en
démocrates - mentent et manipulent les
faits. Ainsi, contrairement aux pseudos
reporters, "embarqués" dans les
véhicules de l’ASL qui présentent les
"rebelles" - et autres mercenaires qui
croient se battre en Palestine et non
pas en Syrie - comme des "libérateurs",
des "révolutionnaires démocrates", Fisk
a lui l’honnêteté de dire qui ils sont :
de dangereux bandits. (Silvia
Cattori)
Une armée
victorieuse ? Il y avait des douilles
partout dans les ruelles de pierres
anciennes, des fenêtres criblées de
balles et des marques de projectiles sur
tout le côté de la mosquée Sharaf, où un
homme armé tirait depuis le minaret. Un
tireur d’élite continuait à tirer à
seulement 150 mètres de là – c’est tout
ce qui reste des quelques cent rebelles
qui avaient presque, mais pas tout à
fait, encerclé la citadelle d’Alep,
vieille de 4000 ans.
«
Vous ne le croirez pas », criait
tout excité le major Somar.
« Un de nos prisonniers
l’a dit : Je ne m’étais pas rendu compte
que la Palestine était si belle que ça !
Il pensait qu’il était venu ici en
Palestine pour combattre les Israéliens
! »
Si j’y crois ?
Certainement, les combattants qui se
sont engagés dans les rues adorables à
l’ouest de la citadelle étaient, selon
toutes les informations, un groupe
hétéroclite. Leurs graffitis
« Nous sommes les
Brigades de 1980 » - l’année au
cours de laquelle une première révolte
des Frères Musulmans avait menacé le
pouvoir du père du président Syrien
Bachar al-Assad, Hafez – étaient encore
affichés sur les murs des hôtes
syro-arméniens et des boutiques. Un
général de 51 ans m’a tendu une des
grenades artisanales qui jonchaient le
sol de la mosquée Sharaf : une mèche
souple qui sort du haut d’un morceau de
shrapnel, enveloppé dans du plastique
blanc et couvert par un ruban adhésif
noir.
A l’intérieur de la
mosquée, des balles, des boîtes de
fromage vides, des mégots de cigarettes
et des piles de tapis de prière que les
rebelles avaient utilisés comme
couchage. La bataille a duré au moins 24
heures. Un projectile a fissuré la
pierre tombale de style bosniaque de la
tombe d’un imam musulman, un turban en
pierre finement sculpté sur le dessus.
Les archives de la mosquée – des listes
de fidèles, des Corans et des documents
financiers – étaient répandus par terre
dans une pièce qui avait été à
l’évidence le dernier bastion occupé par
plusieurs hommes. Il y avait un peu de
sang. Entre 10 et 15 des défenseurs –
tous Syriens – se sont rendus après
avoir accepté une offre de clémence
s’ils déposaient les armes. La nature de
cette miséricorde ne nous a bien sûr pas
été précisée.
Les soldats syriens
étaient contents, mais il
reconnaissaient partager une immense
tristesse pour l’histoire d’une ville
dont le cœur même, un site du patrimoine
mondial, a été ravagé par des roquettes
et des obus. Les officiers hochaient la
tête quand ils nous ont conduits dans
les remparts de l’immense citadelle.
« Il y a une vingtaine
de jours, les terroristes ont tenté de
la prendre à nos soldats qui la
défendaient », déclare le Major
Somar. « Ils avaient
rempli d’explosifs les bonbonnes de gaz
– 300 kilos - et les avaient fait
exploser au niveau de la première porte
au-dessus du fossé. »
Hélas, c’est vrai.
L’énorme porte médiévale en bois et en
fer, ornée de ses gonds et de ses étais
- un ouvrage qui était resté intact
pendant 700 ans – a été littéralement
anéanti. J’ai grimpé sur le bois
carbonisé et des blocs de pierre marqués
de fines inscriptions coraniques. Des
centaines de marques de projectiles
mouchetaient les pierres de la porte
intérieure. Plus bas, j’ai trouvé un
char T-72 dont la tourelle avait été
touchée par la balle d’un tireur d’élite
qui était toujours logée dans le métal,
le blindage brisé par une grenade. «
J’étais à l’intérieur à
ce moment là, » explique son pilote.
« Bang - ! Mais mon tank
fonctionnait encore ! »
Voici donc la
version officielle de la bataille pour
la partie orientale de la vieille ville
d’Alep et des affrontements qui ont duré
jusqu’à hier après-midi dans les ruelles
étroites aux murs de pierre blanchis, et
où chaque tir rebelle était suivi d’une
longue rafale de mitrailleuse des
soldats du Major Somar. Quand l’armée a
pu prendre en tenaille les hommes armés,
30 rebelles – ou membres de «
l’Armée syrienne libre
» ou « combattants
étrangers » – ont été tués et un
nombre indéterminé blessés. Selon le
supérieur du major Somar, un général
nommé Saber, les forces gouvernementales
syriennes n’ont eu que huit blessés.
J’ai pu rencontrer trois d’entre eux,
dont l’un est un officier de 51 ans, qui
a refusé d’être envoyé à l’hôpital.
Une bonne partie de
l’armement des rebelles a été évacué par
les hommes des renseignements militaires
avant notre arrivée : il est dit qui y
figuraient trois fusils de précision au
standard OTAN, un mortier, huit
pistolets mitrailleurs autrichiens et
une quantité de Kalashnikovs qui on pu
être volées à l’armée gouvernementale
par des déserteurs. Mais c’est le choc
de découvrir de telles batailles rangées
dans ce site du patrimoine mondial ; ce
qui est bien plus terrible que les armes
utilisées par l’un ou l’autre camp.
Marcher sur de la pierre et du verre
brisé avec les soldats syriens kilomètre
après kilomètre, dans la vieille ville
avec ses mosquées et ses musées – le
magnifique minaret de la mosquée
omeyyade se dresse au milieu du champ de
bataille de la veille – est une source
de tristesse infinie.
Beaucoup des
soldats qui avaient été encouragés à
parler avec moi, même quand ils étaient
agenouillés au bout de rues étroites
avec des balles qui ricochaient contre
les murs, ont fait part de leur
étonnement de voir qu’il ait fallu
autant de « combattants
étrangers » à Alep.
« Alep a cinq millions d’habitants, »
m’a dit l’un d’entre eux.
« Si l’ennemi est si
certain de gagner la bataille, il n’y a
sûrement pas besoin d’amener ces
étrangers pour qu’ils y participent ;
ils perdront. »
Le major Somar, qui
parle un excellent anglais, n’a que trop
bien compris compris la dimension
politique. « Notre
frontière avec la Turquie est un gros
problème, » reconnaît-il. «
Il faudrait fermer la
frontière. La fermeture de la frontière
doit être coordonnée par les deux
gouvernements. Mais le gouvernement turc
est du côté de l’ennemi. Erdogan est
contre la Syrie ». Je l’ai bien sûr
questionné sur sa religion, une question
à la fois innocente et empoisonnée.
Somar, dont le père est général et la
mère enseignante, et qui entretient son
anglais avec les romans de Dan Brown, a
esquivé en souplesse la réponse.
« Ce n’est pas où vous
êtes né ou quelle est votre religion, »
dit-il. « C’est ce qu’il
y a dans votre esprit. L’islam vient de
cette terre, les Chrétiens viennent de
cette terre, les Juifs viennent de cette
terre. C’est pourquoi il est de notre
devoir de protéger cette terre. »
Plusieurs soldats
croyaient que les rebelles essayent de
convertir les Chrétiens d’Alep, «
des gens paisibles, »
précisaient-ils à leur sujet. Il y aune
histoire qui a tourné en boucle la
veille au sujet d’un commerçant Chrétien
qui avait été forcé de porter un habit
musulman et d’annoncer lui-même sa
conversion devant une caméra vidéo.
Dans les villes, en
temps de guerre, on trouve des soldats
loquaces. Un des hommes qui ont repris
la porte de la citadelle est Abul Fidar,
connu pour avoir marché entre Alep,
Palmyre et Damas pendant 10 jours pour
faire entendre la nécessité de la paix,
inutile de dire que le président l’avait
accueilli chaleureusement à son arrivée
à Damas. Et puis il y avait le sergent
Mahmoud Daoud, originaire de Hama, qui a
combattu à Hama même, à Homs, à Jbel
Zawi et à Idlib. « Je
veux être interviewé par un journaliste,
» avait-il annoncé et bien sûr il a eu
ce qu’il voulait. « Nous
sommes tristes pour les civils d’ici,
» dit-il. « Ils étaient
en paix auparavant. Nous donnons notre
parole de soldats que nous veillerons à
ce qu’ils retournent à une vie normale,
même si nous devons perdre la vie. »
Il ne mentionne pas tous les civils tués
par les bombes de l’armée ou par les «
shabiha », ni ces
milliers de personnes torturées dans ce
pays. Dawood a une fiancée appelée
Hannan qui étudie le français à
Lattaquié, son père est enseignant : il
dit qu’il veut « servir
sa patrie ».
Mais on ne peut
s’empêcher de penser que l’objectif
premier d’hommes comme le sergent Daoud
– et de tous ses compagnons d’armes ici
– n’était certainement pas de libérer
Alep mais de libérer le plateau du Golan
occupé, juste à côté de la terre que les
« djihadistes » pensaient apparemment
être en train de «
libérer » la veille – jusqu’à ce
qu’ils découvrent qu’Alep n’était pas
Jérusalem.
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