La « communauté
internationale »
Quelle belle expression,
la « communauté internationale »! On imagine des
milliards d’individus regroupés sous la bannière de leurs
gouvernants démocratiquement élus, faisant écho, après enquêtes
et sondages populaires, à leurs désirs pacifistes, impatients de
rendre une justice impartiale et équitable dans chaque conflit
international qui confronte tel peuple hargneux et querelleur
avec son voisin récalcitrant. Rien de tel cependant.
Le conflit
israélo-palestinien n’échappe pas à la dynamique de la « communauté
internationale ». Très souvent ce sont les « amis » de la
Palestine qui psalmodient l’appel pressant à l’intervention
salutaire, engagée, immanente et transcendante de la
« communauté internationale ». Parfois, ces « amis » dénoncent
l’incurie de la communauté, sa partialité; ils pleurent son
impuissance et maugréent contre la lâcheté de ses dirigeants, et
leur incapacité à imposer le droit international et à réprimer
les méfaits de leur protégé, Israël - l’État ethniquement
pur pour « juif » seulement.
Un poncif de la scène
internationale se plaint qu’en «
définitive, chaque round de négociation factice pour les
Palestiniens est bénéfique pour Israël car il consolide une
provocation antérieure, crée un précédent et négocie en fait
pour entériner un nouveau fait accompli. Pourquoi n’ y a t-il
pas un coup d’arrêt de la communauté internationale
? »gémit-il !
L’analyste poursuit et propose une
citation du négociateur palestinien Saëb Erekat « qui
parle d’un parti pris à
l’époque de l’administration Clinton, en 2000, qui s’est
rangée derrière la position israélienne. (…) En suivant
cette stratégie, l'administration Clinton a montré son
incapacité à comprendre que les Palestiniens n'accepteront
rien de moins qu'un État fondé sur les frontières de 1967, avec
Jérusalem-Est pour capitale. ».
L’administration Clinton de la « communauté internationale »
souhaitait-elle vraiment comprendre les Palestiniens ?
L’administration Obama désire-t-elle vraiment comprendre les
Palestiniens?
Un collègue du précité expert,
sympathique à la cause palestinienne de surcroît, écrit ceci :
« Convaincue que les États occidentaux continueront à ne rien
faire pour résoudre le problème, les acteurs de la société
civile se mobilisent de plus en plus (…) Mais il est clair à
présent que seule la solidarité active et militante, au niveau
des sociétés civiles à l’échelle internationale,
est susceptible de forcer les gouvernements occidentaux à
chercher sérieusement une solution pacifique
et juste. ».
Le démographe français Emmanuel Todd
dénonce quant
à lui la lâcheté des puissances européennes membres
de la « communauté internationale » et les appelle à se
ressaisir et à oeuvrer en faveur de sanctions sévères contre
Israël pour les crimes de guerre commis à Gaza, et contre la
flottille de la liberté dans les eaux internationales.
Gideon Levy le grand reporter du journal israélien Haaret’z
entonne le même
cantique dans son
ouvrage « bbb »
Pourquoi ces intellectuels et ces
« amis » de la Palestine en appellent-t-ils
exclusivement aux gouvernements occidentaux en tant que
médiateurs « impartiaux » ? N’ont-ils pas fait appel
précédemment à la « communauté internationale » dans son
ensemble ? À moins qu’il s’agisse d’un aveu non sollicité. Pour
eux, la « communauté internationale » ce ne sont pas les
pays pauvres, les cent dix pays non-alignés, les petits pays
d’Océanie, ni les pays arabes, ni les pays à majorité musulmane,
non plus que les pays riches mais politiquement indépendants
des pressions américaines. Bref, la seule « communauté
internationale » qui vaille et dont l’opinion compte à leurs
yeux, c’est une vingtaine de
pays, occidentaux pour la plupart, à la remorque des Américains.
Je souligne au passage
qu’il est injuste d’accuser la « communauté internationale » de
ne pas chercher âprement et activement une solution pacifique et
juste à la question palestinienne. Pour eux, un bantoustan
palestinien viable sur 18 % des terres de l’antique Palestine du
mandat britannique est une solution juste et elle pourrait être
pacifique si Netanyahu pouvait brider sa droite intégriste juive
hystérique, ce qu’il ne fera pas évidemment, et si les services
de sécurité de Mahmoud Abbas parvenait à exterminer les
résistants en Cisjordanie et à Gaza, ce qu’ils ne pourront pas
assurément.
L’alliance
anti-palestinienne
Chacun des complices de la
grande alliance anti-palestinienne en appelle à ses maîtres de
la « communauté internationale » pour qu’ils fassent plus
d’efforts pour soutenir leur section de l’alliance et pas
seulement la section sioniste. Mohamed Dalhan, ex-chef des
forces de sécurité du Fatah à Gaza, réfugié en Cisjordanie après
le coup d’État manqué contre le Hamas en 2007, celui que Thierry
Meyssan accuse d’avoir empoisonné Yasser Arafat, en appelle aux
puissances européennes, découragé de constater que la tactique
Obama n’amènera jamais le bantoustan qu’il voudrait diriger. À
l’occasion de la deuxième ronde de pourparlers directs à Charm-el-Cheikh
en Égypte, Dalhan pousse les Européens du pied :
« Malheureusement l’Administration
Obama est revenue à ses vieilles chimères: elle ne pratique que
de la gestion de crise. Elle n'a pas la volonté politique
suffisante pour régler le conflit. J'en appelle aux
Européens: qu'ils abandonnent leur rôle d'observateurs, ils
ne sont pas de simples bailleurs de fonds, ils doivent
s'impliquer. S'ils s'unissent, ils peuvent peser face aux
États-Unis et à Israël. ».
Ce que Dalhan soulève c’est l’impossibilité pour la
clique du Fatah de vendre un accord qui les ridiculiserait et
que la population palestinienne rejetterait du revers de la main
après avoir désavoué ces pseudo-négociateurs illégitimes et
lourdement compromis.
Noter au passage que la
question des constructions dans les colonies n’est qu’un
leurre, ce n’est pas du tout l’enjeu des pourparlers directs.
D’abord, parce que la construction n’a jamais cessé, même
pendant le supposé moratoire qui se termine le 29 septembre, qui
n’était au dire de Netanyahu lui-même qu’un ralentissement de la
construction; ensuite, parce que si effectivement ces gens
étaient réunis pour négocier la création d’un État palestinien
sous protectorat israélien dans les frontières de la ligne
d’armistice de 1949 (Ligne verte) toutes ces construction
reviendraient à l’Autorité palestinienne et la tâche de déloger
les colons en serait accrue pour le gouvernement israélien.
Il y a trois
véritables questions en litige dans les négociations actuelles.
Premièrement, la question de la renonciation par les
Palestiniens eux-mêmes, non pas par l’OLP, mais par les masses
palestiniennes qui ont voté majoritairement pour le Hamas en
2006, organisation majoritaire non membre de l’OLP et qui ne
reconnaît pas les accords d’Oslo, renonciation dis-je à 78 % de
leur terre ancestrale de la Palestine du mandat britannique;
deuxièmement, acceptation par le peuple palestinien que
l’État sioniste usurpateur est un État pour les juifs et donc
renonciation au droit de retour pour les Palestiniens de la
Nakba; troisièmement renonciation à la résistance et
acceptation de leur sort dans le bantoustan qui leur sera
concédé sous la dictature des services de sécurités de
l’Autorité palestinienne.
Chacun se bouscule pour
étreindre la mariée
Chacun des gouvernements
cooptés au sein de la « communauté internationale »
se dispute l’opportunité d’être présent à la table de
« négociations » afin de soutenir son poulain – Israël –. Le
ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner se
plaint que son préféré, intégré secrètement à l’OTAN et à
l’Union européenne, lève le nez sur les propositions de
collusion européennes : « La France a réclamé hier une plus
grande implication du quartette et de l’Union européenne dans
les négociations directes entre Israéliens et Palestiniens. ».
Le déni américano-israélien est d’autant plus blessant que comme
le dit Kouchner : « Nous ne pouvons pas être les bailleurs de
fonds et ne pas participer au processus de négociations.
(…) L’Union européenne ne doit pas être seulement un
tiroir-caisse. Les Égyptiens nous ont affirmé leur intention
de nous inviter à Charm el-Cheikh, s’ils le pouvaient.
Apparemment cela n’a pas été le cas », a précisé le ministre,
ajoutant : « Cela faisait un peu de difficultés aux
Américains d’après mes sources. ».
C’est qu’il existe une hiérarchie parmi les cooptés de la
« communauté internationale » et le sergent major cherche
parfois à conserver la tutelle exclusive sur le protégé de la
communauté.
Je vais maintenant
m’employer par quelques exemples à démontrer comment l’écheveau
des intérêts occidentaux s’emmêle à celui du projet colonial
sioniste. La France d’abord.
« La France avait
fortement soutenu le projet d’un État juif en Palestine et avait
voté en ce sens le plan de partage du 29 novembre 1947 à l’ONU.
(…)
La France a beaucoup aidé
à la création du jeune État entre 1945 et 1948 : Non seulement
elle se prononcera à l’ONU en faveur de la légitimation du
projet d’État juif, elle contribua aussi, et d’une manière
massive, au renforcement démographique et militaire du Yishouv,
par la canalisation de l’immigration clandestine et
l’acheminement des armes qui, le moment venu, lui
donneront la supériorité sur le terrain ».
À partir de 1954 et de la généralisation de l’insurrection en
Algérie
contre la colonisation française, les intérêts d’Israël et de
la France se rejoignent parfaitement : il s’agit de s’allier
face au nationalisme arabe qui veut bouter hors d’Alger comme du
canal de Suez les Européens (…). Les liens entre l’armée
française et Tsahal
, l’armée israélienne, sont si
forts que l’on pourrait parler d’une véritable alliance
militaire stratégique entre les deux pays. La générosité
française était très appréciée des milieux militaires israéliens
: « Pour gagner du temps, l’état-
major français avait mis un bureau à ma disposition rue
Saint-Dominique, au ministère des Armées », raconte Asher Ben
Nathan (…). « En 1955, la France s’était engagée à nous fournir
48 Mystère IV. Une seule escadre de l’armée de l’air en était
équipée. Elle a reçu l’ordre de nous les céder, au grand dam du
patron de l’escadre. Mais sur la base de Mont-de-Marsan j’ai eu
la surprise de voir atterrir non pas 48 mais 52 appareils. “Q
uitte
à vous donner mes avions, j’en ai rajouté 4 de réserve, en cas
de pépin”, me dit le colonel.».
Autre exemple français.
Dans chacune des guerres qu’Israël a conduites en violation du
droit international, une avant-scène diplomatique a été
organisée pour lui permettre de gagner du temps, tandis que les
États-Unis bloquent toute résolution du Conseil de sécurité.
En 2006, c’était Romano Prodi et la conférence de Rome.
En 2009 à Gaza, c’est le président français, Nicolas Sarkozy,
qui produit le divertissement. Il a annoncé qu’il consacrerait
deux jours de son précieux temps pour régler un problème où les
autres ont échoué depuis 60 ans. Ne laissant guère de doute sur
sa partialité, M. Sarkozy a d’abord reçu à l’Élysée la ministre
israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, et le leader
sunnite saoudo-libanais Saad Hariri, et s’est entretenu par
téléphone avec le président égyptien Hosni Moubarak, le
président fantoche de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, et
le Premier ministre israélien Ehud Olmert. »
.
Pour la Grande-Bretagne un
petit extrait suffira. En 1999, les
ventes d'armes britanniques à
Israël - un pays qui occupe la Cisjordanie (et aussi Gaza) et
qui construit des colonies illégales pour les Juifs et seulement
pour les Juifs sur une terre arabe – s’élevaient à 11,5 millions
de livres;
en deux ans, cela avait presque doublé et s’élevait à 22,5
millions de livres. Cela comprenait des armes légères, des kits
de grenades prêtes à monter et des équipements pour avions de
combat et des chars. La liste des aides britanniques à l’État
hébreu est très longue
. L’Allemagne a livré à
l’État juif l’an dernier quatre sous-marins capables de lancer
des missiles nucléaires. Qui est une menace nucléaire,
l’Iran ou Israël?
Autre exemple de
l’impartialité des arbitres de la « communauté internationale ».
L'éminent juge sud-africain Richard Goldstone a statué dans
son rapport d’enquête de
l'ONU
sur le bain de sang à Gaza que les deux parties avaient commis
des crimes de guerre. Il
fut, bien sûr, traité de «Méchant» par toutes sortes de
supporters d'Israël aux États-Unis ; son excellent rapport a été
rejeté par sept gouvernements de l'UE.
Comme il le dit dans sa préface, « Israël a développé des
liens politiques et économiques tellement forts avec l'Union
Européenne au cours des dix dernières années qu'il est devenu
presque un État membre de l'Union sans le dire. ».
Javier Solana, le
chef de la politique étrangère de l'UE (anciennement secrétaire
général de l'OTAN), a effectivement déclaré l'an dernier qu'«
Israël, permettez-moi de le dire, est un membre
de l'Union Européenne sans être membre de l’institution
"
Israël, base militaire
permanente de l’Occident au Levant opère la plus grande base
d’espionnage intégrée au réseau Echelon. « Le réseau Echelon est
un système US d’interception planétaire. Il a la capacité de «
happer » 1.300.000 communications par minute, aux fins
d’espionnage, (…) Le système désigné sous le nom de code Echelon
se distingue des autres systèmes de renseignement par le fait
qu’il présente deux caractéristiques qui lui confèrent un niveau
de qualité tout particulier. (…) La deuxième caractéristique,
c’est que le réseau Echelon exerce ses activités grâce à la «
coopération » de six États (Royaume-Uni, États-Unis, Canada,
Australie, Nouvelle-Zélande et, bien sûr, la prunelle des
yeux étatsuniens, Israël) (…) »
.
Le dernier exemple mais
non le moindre du soutien inconditionnel de la « communauté
internationale » à leur pupille israélienne, la vente de
l’avion de pointe le plus sophistiqué de la flotte aérienne
américaine à la colonie sioniste. « Le F-35 est l’avion de
combat de l’avenir qui permettra à Israël de préserver sa
suprématie aérienne et son avance technologique, explique Ehud
Barak dans un communiqué officiel. Les premiers exemplaires
devraient être livrés “à partir de 2015” pour une mise en
service environ deux ans plus tard. L’achat négocié avec le
constructeur et le Pentagone est assorti de 50 options. Ce qui,
au final, est proche des 75 exemplaires évoqués depuis septembre
2008 avec vingt-cinq appareils fermes et cinquante options. Coût
évalué à 2,75 G$ pour les vingt premiers avions.
La transaction négociée ces dernières semaines, à l’issue
d’une ultime rencontre à Washington entre Ehoud Barak et son
homologue américain Robert Gates, prévoit également une
coopération avec l’industrie israélienne et principalement IAI (Israel
Aircraft Industries), avec un accord pour la production
d’éléments jusqu’à hauteur d’au moins 4 G$. L’annonce a
surpris tous les observateurs. Selon Tel-Aviv, le pris unitaire
du F-35.I (“I” pour Israël) avoisinerait 96 M$,
sans la prise en compte des rechanges, de la formation et du
soutien spécifique. Un chiffre à rapprocher des 130 à 150 M$
préalablement avancés sans précision sur le contenu de
l’enveloppe. Étant néanmoins entendu que la transaction sera
en grande partie financée par l’aide militaire américaine. »
.
Dites-moi que peuvent
espérer les « amis » du peuple palestinien par leurs appels
incessants à la médiation de cette engeance internationale ?
Que le proxénète répudie sa péripatéticienne ? N’y comptez pas.
Les puissances occidentales ont trop investi dans le projet
colonial « juif » israélien pour l’abandonner alors qu’elles
sont si près du but,
pensent-t-elles, c’est-à-dire la création d’un protectorat
palestinien sur le reste des terres pas encore expropriées et
annexées par la puissance coloniale israélienne, la pacification
du peuple autochtone local et sa mise sous tutelle de sa propre
bourgeoisie compradore nationale, si et seulement si cette
dernière se montre apte à réprimer les résistances nationales
palestiniennes, ce qui n’a
aucune chance de survenir.
In memoriam : Ci gisent
les pourparlers directs Benjamin Netanyahu – Mahmoud Abbas.
Samir KASSIR et Farouk MARDAM-BEY, Itinéraires de
Paris à Jérusalem La France et le conflit israélo-arabe,
tome I, 1917 – 1958, page 72, Les livres de la Revue
d’Études Palestiniennes, 1992 – 1993.
Acronyme de Tsava Haganah le Israël, armée de défense
d’Israël. Elle fut créée officiellement le 31 mai 1948,
à partir de la fusion de la milice Haganah (milice juive
clandestine du mouvement sioniste, née en 1920) avec les
autres groupes armés notamment ceux de l’Irgoun et du
Ledi . Le service militaire est obligatoire pour trois
ans pour les hommes et deux ans pour les femmes. Les
Arabes israéliens et les Juifs les plus orthodoxes en
sont exemptés.