Tunisie
Ennahdha et la
stratégie de pourrissement
Ridha
Kéfi
Samedi 18 août 2012
Le silence d’Ennahdha à propos des
violences perpétrées ces derniers jours
par des extrémistes religieux peut
paraître étonnant. Doit-on y lire de la
gêne ou simplement de la complicité
active, les uns servant les intérêts des
autres?
Par
Ridha Kéfi
Alors que les partis politiques, les
organisations de la société civile, les
médias locaux et internationaux
condamnent fermement les agressions
perpétrées ces derniers jours par les
extrémistes religieux dans plusieurs
villes du pays et soulignent leur
gravité et leurs conséquences négatives
sur le processus de la transition
politique en cours dans le pays, le
parti de Rached Ghannouchi garde
étrangement le silence.
Qui tire les
ficelles derrière les rideaux?
Il en est de même du ministre de
l’Intérieur, le nahdhaoui Ali Lârayedh,
qui a l’habitude de réagir au quart de
tour lorsqu’une manifestation
antigouvernementale éclate quelque part
dans le pays où que le siège de son
parti Ennahdha est attaqué par des
manifestants en colère.
Or, aujourd’hui, alors que des
extrémistes religieux font régner la
terreur dans le pays, empêchent des
spectacles artistiques (à
Menzel Bourguiba et Kairouan),
agressent
à coups de sabres et d’épées des
militants des droits de l’Homme (à
Bizerte) ou provoquent
des combats interconfessionnels entre
chiites et sunnites (du jamais vu en
Tunisie en 16 siècles d’islam), comme
cela vient de se passer hier à Gabes, ni
Rached Ghannouchi, ni Hamadi Jebali, ni
Ali Lârayedh, ni Samir Dilou, ni aucun
autre dirigeant du gouvernement et du
parti islamistes n’a cru devoir prendre
la parole pour s’exprimer à propos de ce
retour de la barbarie moyenâgeuse.
L'une des
victimes de l'agression perpétrée des
takfiristes, avant-hier, à Bizerte
Pis encore : au moment où les
inquiétudes et les angoisses des
Tunisiens s’aggravent, ces chers
responsables nahdhaouis sont occupés à
pousser leurs pions dans
l’administration, la police, la
magistrature, les médias et à négocier
avec les hommes d’affaires (corrompus ou
pas) leurs dîmes à la nouvelle dictature
qui se met en place en Tunisie.
Une stratégie
de pourrissement et d’occupation du
terrain
On remarquera quand-même – et ceci
explique peut-être cela – que ce
déchainement des extrémistes religieux
survient étrangement et par un curieux
hasard au lendemain de la grande
mobilisation des Tunisiens et des
Tunisiennes, le lundi 13 août, pour la
défense des acquis de la femme contre
les assauts répétés des élus islamistes
à l’assemblée qui cherchent à les
réduire. Quelqu’un a-t-il donné le
signal et appuyé sur le bouton? Il n’est
pas difficile d’imaginer qui et pour
quel dessein.
On remarquera, cependant, en passant,
que les débordements extrémistes servent
les intérêts exclusifs d’Ennahdha. Et
pour cause: ils créent une tension et
des inquiétudes dans le pays, et
détournent ainsi l’opinion publique des
vrais problèmes (chômage, pauvreté,
dégradation du cadre de vie,
détérioration du pouvoir d’achat, etc.),
dont les agitations sociales à Sidi
Bouzid, Sfax et ailleurs, sont
l’expression concrète. Ce climat
d’insécurité et de tension permanente,
alimenté par Ennahdha et ses apparentés,
justifie, en dernière instance, le
report annoncé des prochaines élections
au-delà de 2013. Ce qui, on l’imagine
fait l’affaire d’Ennahdha, car il lui
permettra de mieux étendre ses
tentacules dans les rouages de l’Etat et
de la société.
15 points
de suture à la tête après un coup d'épée
d'un islamiste takfiriste à Bizerte.
De là à penser que les salafistes,
takfiristes, tahriristes – et toute la
panoplie de l’islamisme tunisien – et
Ennahdha, c’est du pareil au même, et
œuvrent tous pour les mêmes objectifs:
instaurer une république islamiste en
Tunisie, est un pas que tout analyste
sérieux devrait aujourd’hui s’autoriser
de faire.
Il y a donc péril en la maison
Tunisie ? Oui, sans aucun doute…
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Publié le 19 août 2012 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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