Opinion
Tunisie. Nejib
Chebbi dans un costume de futur
président
Ridha Kéfi
Samedi 11 juin 2011
Dire que
Nejib Chebbi, leader du Parti
démocratique progressiste (Pdp), est en
précampagne pour la présidence de la
république est un pléonasme, car la
machine du candidat est bel et bien en
marche.
Par Ridha Kéfi.
On dit souvent que ce qui manque à M.
Chebbi, c’est peut-être la dimension
internationale. Qu’à cela ne tienne!
L’équipe de campagne, puisqu’il faut
appeler les choses par leur nom, est en
train de lui arranger des rencontres
avec des responsables politiques
étrangers. L’entourage du futur candidat
à la présidentielle, le premier à s’être
ainsi déclaré ouvertement, parle même de
«périple européen», qui a commencé par
l’Italie et qui se poursuivra en
Belgique.
Un
message subliminal
Le style du communiqué relatif
aux activités de M. Chebbi en Italie
ressemble, à s’y méprendre, à une
dépêche que l’agence officielle Tap
aurait consacré à une visite à
l’étranger du Président ou du Premier
ministre. Il suffit de remplacer, dans
le texte, «le leader du Parti démocrate
progressiste (Pdp)» par le «Président de
la République» et vous vous rendrez
compte du message subliminal que ces
chers communicateurs essaient de passer
et du travail de préparation
actuellement en cours pour tailler à M.
Chebbi un costume de chef d’Etat. C’est
légitime, certes, mais il convient de le
souligner. Les lecteurs jugeront…
«Le leader du Parti démocrate
progressiste (Pdp), Ahmed Nejib Chebbi,
est en visite de travail en Italie, ces
derniers jours, où il a eu des
entretiens avec plusieurs responsables
transalpins.
«C’est ainsi qu’il a été reçu par le
ministre italien de l’Intérieur, Roberto
Maroni, entrevue au cours de laquelle il
fut question des relations bilatérales
entre les deux pays aux lendemains de la
révolution, ainsi que les perspectives
d’une coopération plus soutenue, plus
raffermie et plus solide entre la
Tunisie et l’Italie.
«Poursuivant son séjour à Rome, le
fondateur du Pdp s’est entretenu
également avec Gianfranco Fini,
président de la Chambre des députés, et
ancien ministre des Affaires étrangères
dans le troisième gouvernement de Silvio
Berlusconi.
«Il a ensuite rencontré successivement
Pier Ferdinando Casini, président de l’Unione
di Centro (Udc), et Valter Veltroni,
président du Parti Démocrate, également
ancien ministre et ex-député au
Parlement européen.
«L’objectif de ces rencontres était de
débattre sur les possibilités de
renforcer les relations entre la Tunisie
et l’Italie avec comme leitmotiv la
promotion des échanges commerciaux, du
savoir faire et de l’expertise, ainsi
que de la création d’une plate-forme de
coopération capable de résoudre les
problèmes de l’immigration clandestine.
«Un échange fructueux sur des questions
stratégiques d’avenir pour les deux pays
a eu lieu avec tous ces responsables qui
ont exprimé leur soutien à la Tunisie.
«M. Ahmed Nejib Chebbi poursuivra son
périple européen en effectuant une
seconde visite de travail en Belgique,
où il aura également à rencontrer des
responsables locaux, ainsi que les
représentants des Tunisiens en
Belgique.»
Le
lexique de la Tap
«Visite de travail», «échange
fructueux», «relations bilatérales»,
«coopération plus soutenue, plus
raffermie et plus solide», «promotion
des échanges commerciaux, du savoir
faire et de l’expertise», «création
d’une plate-forme de coopération capable
de résoudre les problèmes de
l’immigration clandestine»...
Les lecteurs ont sans doute remarqué
qu’une bonne partie du lexique que la
Tap réserve habituellement au Chef de
l’Etat est utilisée dans ce communiqué.
Foued Mebaza, Béji Caïd Essebsi ou
encore le ministre des Affaires
étrangères Mouldi Kéfi auraient-ils eu
droit à un traitement différent? On
pourrait en douter.
D’autres questions méritent aussi d’être
posées: en acceptant de rencontrer Me
Chebbi, qui n’est «que» le leader de
l’un des 81 partis politiques que compte
la Tunisie, les Roberto Maroni,
Gianfranco Fini, Pier Ferdinando Casini
et autres Valter Veltroni, n’ont-ils
pas, en quelque sorte, «voté» pour Me
Chebbi? En acceptant de rencontrer l’un
des prochains candidats à l’élection
présidentielle en Tunisie, les
responsables italiens (et demain les
Belges) ne s’impliquent-ils pas, ne
fut-ce qu’indirectement, dans les
affaires tunisiennes? Par ailleurs,
accepteraient-ils de rencontrer les
dirigeants des 80 autres partis
tunisiens? Les Ahmed Ibrahim, Mustapha
Ben Jaafar, Moncef Marzouki, Hamma
Hammami ou autres Rached Ghannouchi,
pour n’en citer que quelques uns, savent
désormais ce qu'ils ont à faire:
demander des rendez-vous avec les hauts
responsables des pays frères et amis.
Parions que les responsables européens,
qui vont être ainsi, à l’insu de leur
plein gré, des «acteurs» des futures
campagnes électorales en Tunisie, vont
avoir des agendas particulièrement
chargés au cours des prochains mois!
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Publié le 11 juin 2011 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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