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Shamireaders
Lentement,
mais sûrement, vers un Holocauste palestinien
Richard
Falk
Photo sbindymedia.org
on shamireaders@yahoogroups.com
04.07.2007
[J’ai fait la connaissance de l’auteur de cet article, Richard Falk,
à l’occasion d’une table ronde à laquelle nous avons
ensemble participé. C’est un grand juriste international, un
des plus grands de sa génération. Il est actuellement professeur
émérite de droit international à Princeton. Israël Adam
Shamir.]
Cet article a été écrit à
l’invitation du quotidien turc Zaman
[Je signale incidemment que le dernier
sondage d’opinion de l’institut Pew Global Attitudes, publié
la semaine dernière, montre que le pays (sur 47 pays enquêtés)
où les personnes se sont avérées avoir l’opinion la plus défavorable
des Etats-Unis était leur « allié au sein de l’Otan »,
à savoir la Turquie – avec seulement 9 % d’opinions
favorables. Même en Palestine, 13 % des répondants ont exprimé
une opinion favorable des Etats-Unis, bien qu’il soit extrêmement
difficile d’imaginer comment, ou pourquoi, un quelconque
Palestinien pourrait bien (ou devrait) avoir une telle opinion ?]
Et
quelle bête brute, revenue l’heure
Traîne la patte vers Bethléem, pour naître enfin ?”
William Butler Yeats, The Second Coming (1919)
(traduction d’Yves Bonnefoy in Anthologie bilingue de la poésie
anglaise, La Pléiade, 2005)
Nul doute que l’Holocauste nazi ait été
aussi proche que possible du mal absolu tel qu’il a été révélé
tout au long de l’histoire sanglante de l’espèce humaine. Son
caractère massif, son intention génocidaire affichée et son
recours à la mentalité et aux possibilités techniques de la
modernité confèrent à sa mise en œuvre dans les camps de
concentration d’Europe un statut spécial dans notre imaginaire
moral. Ce statut spécial est exhibé, au moyen de la présentation
continuelle de ses réalités sanglantes, par des films, des
livres et toute un ensemble d’artefacts culturels, plus de
soixante ans après que les événements dont il est question
aient cessé. La mémoire permanente de l’Holocauste est
maintenue en vie, par ailleurs, par l’existence de plusieurs muséums
prestigieux, voués exclusivement à la description des horreurs
qui se sont produites durant la période où les nazis étaient au
pouvoir en Allemagne.
Dans ce contexte, il est particulièrement
douloureux, pour moi qui suis juif américain, de me voir dans
l’obligation de décrire les mauvais traitements en cours et
croissants infligés par Israël au peuple palestinien en devoir
recourir à une métaphore aussi incendiaire que celle de l’ «holocauste ».
Ce mot est tiré du grec ‘holos’ (qui signifie « totalement,
complètement ») et ‘kaustos’ (qui signifie « brûlé »).
Il était utilisé en grec ancien pour signifier la calcination
complète d’une offrande sacrificielle sur l’autel d’une
divinité. Un tel contexte impliquant une action rituelle, il y a
une certaine tendance, dans la littérature juive, à lui préférer
le mot ‘Shoah’, en hébreu, qui peut être traduit en gros par
« calamité, catastrophe », et qui fut choisi en 1985
pour titre du film d’une durée de neuf heures, relatant les
conséquences du nazisme, du réalisateur français Claude
Lanzmann. Les Allemands eux-mêmes étaient plus « hygiénistes »
dans leur terminologie, puisqu’ils appelaient officiellement
leur projet : « Solution finale de la question juive ».
Cette désignation, bien entendu, est inexacte, étant donné que
plusieurs autres identités furent aussi les cibles de cette
agression génocidaire, dont les Roms et les Sinti (les Tziganes),
les Témoins de Jéhovah, les homosexuels, les handicaps, les
opposants politiques.
Est-ce une exagération irresponsable que
d’associer le traitement infligé aux Palestiniens avec ce
palmarès criminel d’atrocités collectives perpétrées par les
nazis ? Je ne le pense pas. Les derniers développements dans
la bande de Gaza sont particulièrement dérangeants précisément
parce qu’ils expriment une intention absolument délibérée, de
la part d’Israël et de ses alliés, de soumettre une communauté
humaine entière à des conditions mettant sa vie en danger de la
plus extrême cruauté. La suggestion que ce type de comportement
est en réalité un holocauste en devenir représente un appel
quasi désespéré adressé aux gouvernements du monde entier
ainsi qu’à l’opinion publique internationale leur demandant
d’agir urgemment afin d’empêcher que ces tendances génocidaires
ne culminent dans une tragédie collective. A supposer que l’éthos
d’un « devoir de protection », récemment adopté
par le Conseil de sécurité de l’Onu comme fondement des
« interventions humanitaires » ait une applicabilité,
il consisterait à agir immédiatement afin de commencer à protéger
la population de Gaza contre de nouvelles douleurs et de nouvelles
souffrances. Mais il serait irréaliste d’attendre de l’Onu
qu’elle remue le petit doigt devant cette crise, étant donné
le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël, surtout si
l’on prend en ligne de compte l’énergie avec laquelle les
gouvernements européens ont prêté main-forte aux récents
efforts illicites visant à écraser le Hamas, en tant que force
politique palestinienne.
Même s’il était reconnu que les pressions
exercées sur Gaza ont une potentialité génocidaire, et même si
l’impunité d’Israël, sous le parapluie géopolitique américain
était rangée au placard, il est très peu certain qu’une
quelconque forme d’action protectrice serait entreprise à Gaza.
Il y avait eu de forts signaux avertisseurs, en 1994, d’un génocide
à venir au Rwanda, et pourtant, rien n’avait été fait pour
l’empêcher ; l’Onu et le monde entier ont regardé sans
rien faire, tandis que se déroulait le massacre de Bosniaques, à
Srebrenica, en 1995 – incident que la Cour Internationale de
Justice a qualifié de « génocide », voici de cela
quelques mois ; de même, il y a eu des allégations réitérées
d’un comportement génocidaire au Darfour, tout au long des
dernières années écoulées, or la communauté internationale
n’a pour ainsi dire pas bougé le petit doigt, ni afin de protéger
les personnes menacées, ni pour résoudre le conflit en répartissant
de manière équitable le pouvoir et les ressources naturelles
entre les groupes ethniques en conflit. Mais la situation à Gaza,
du point de vue moral, est pire, et de très loin, bien que des décès
massifs ne s’y soient pas encore produits. C’est bien pire,
car la communauté internationale est en train de regarder le
spectacle hideux se dérouler tandis que certains de ses membres
les plus influents encouragent et secondent activement Israël
dans sa façon de traiter Gaza. Non seulement les Etats-Unis, mais
aussi l’Union européenne, sont complices, comme le sont ces piètres
voisins que sont l’Egypte et la Jordanie, qui redoutent
manifestement que le Hamas ait un rapport, d’une façon ou
d’une autre, avec leurs propres problèmes liés à
l’ascension des Frères musulmans à l’intérieur de leurs
propres frontières. Il est utile de rappeler ici que les démocraties
libérales de l’Europe ont rendu hommage à Hitler, lors des
Jeux Olympiques de 1936, après quoi elles ont envoyé balader des
dizaines de milliers de réfugiés juifs fuyant l’Allemagne
nazie. Je ne suggère nullement que la comparaison doive être perçue
comme littérale, mais j’insiste sur le fait qu’un certain
type de criminalité associée à l’action politique israélienne
à Gaza a été, de fait, soutenu et secondé par les grandes démocraties
du vingt-et-unième siècle.
Pour étayer ces allégations, il faut
prendre en considération le contexte de la situation actuelle.
Depuis plus de quarante ans, c’est-à-dire en permanence, depuis
1967, Gaza a été occupée d’une manière qui a transformé
cette zone surpeuplée en un véritable chaudron de douleur et de
souffrance de toute une population, quotidiennement, avec plus de
la moitié des Gaziotes habitant dans de misérables camps de réfugiés,
plus nombreux encore étant ceux qui dépendent des secours
humanitaires pour satisfaire leurs besoins humains les plus vitaux
et élémentaires. A grands sons de tambours et trompettes, sous
la houlette de Sharon, Israël a soi-disant mis un terme à son
occupation militaire, et démantelé ses colonies, en 2005. Ce
processus a été dans une très large mesure une mascarade, Israël
ayant maintenu son contrôle total sur les frontières, l’espace
aérien, les eaux territoriales, tout en affirmant son contrôle
militaire sur Gaza, engageant des incursions violentes, tirant des
missiles sur Gaza à volonté, pour des missions d’assassinats
ciblés qui sont en elles-mêmes des violations du droit
humanitaire international, et trouvant le moyen de tuer plus de
300 civils gaziotes depuis son départ physique supposé.
Tout aussi inacceptable que cette première
partie de cette histoire, un tournant dramatique, vers le pire,
s’est produit lorsque le Hamas a remporté les élections législatives
palestiniennes, en janvier 2006. Quelle ironie amère que le Hamas
ait été encouragé, tout particulièrement par Washington, à
participer à ces élections afin de faire montre de son
engagement vis-à-vis d’un processus politique (en tant
qu’alternative à la violence) pour se voir ensuite terriblement
puni pour avoir eu la témérité de l’emporter ! Ces élections
furent placées sous contrôle international, sous l’autorité
de l’ancien président américain Jimmy Carter, et elles furent
déclarées totalement libres et démocratiques. Carter a qualifié
récemment ce refus israélo-américain de reconnaître l’issue
d’un tel verdict électoral démocratique de « criminel »
lui-même. Cela discrédite par ailleurs gravement la campagne déployée
par l’administration Bush visant à promouvoir la démocratie
dans cette région du monde, une initiative d’ores et déjà
fortement obérée par le fiasco de la politique américaine en
Irak.
Après avoir remporté les élections
palestiniennes, le Hamas fut châtié, au prétexte qu’il se
serait agi d’une organisation terroriste qui n’aurait pas
renoncé à la violence contre Israël et qui aurait refusé de
reconnaître l’Etat juif en tant qu’entité politique légitime.
De fait, le comportement et l’allure du Hamas sont tout autres.
Dès le début de sa création, le Hamas s’est dit prêt à
travailler avec d’autres formations palestiniennes, en
particulier avec le Fatah et Mahmoud Abbas, afin de créer un
gouvernement d’ « union ». Plus encore, ses
dirigeants ont fait montre d’une volonté de progresser vers une
acceptation de l’existence d’Israël, dès lors que ce pays
accepterait, quant à lui, de se retirer à l’intérieur de ses
frontières antérieures à 1967, en mettant enfin en application
les Résolutions 242 et 338 adoptées à l’unanimité par le
Conseil de Sécurité.
Plus théâtralement encore, le Hamas a
proposé une trêve de dix ans avec Israël, allant jusqu’à décréter
et mettre en vigueur un cessez-le-feu unilatéral qui tint plus de
dix-huit mois, et qui ne fut rompu qu’afin, pour lui, de se
lancer dans des frappes plutôt pathétiques essentiellement en
représailles à de violentes provocations israéliennes dans la
bande de Gaza. Comme l’aurait dit Efraim Halevy, ancien chef du
Mossad (service de renseignement israélien) : « Ce
dont Israël a besoin, de la part du Hamas, c’est d’une fin
des violences, et non d’une reconnaissance diplomatique. »
Et c’est précisément ce que le Hamas a offert, et qu’Israël
a rejeté.
L’arme principale à la disposition du
Hamas, et d’autres éléments palestiniens extrémistes, c’étaient
les missiles Qassâm, qui causèrent la mort de pas plus de 12
civils israéliens en six ans. Même si chaque mort de civil est
une tragédie inacceptable, il y a une telle disparité dans les
ratios des morts et des blessés des deux côtés que cela remet
en cause la logique sécuritaire consistant à infliger en
permanence une force excessive ainsi que des punitions collectives
à la toute la population de Gaza en état d’insurrection,
laquelle est considérée, à juste titre, comme la population
carcérale de la plus grande ‘prison’ du monde.
Bien loin d’user de diplomatie et de
respecter les résultats d’élections parfaitement démocratiques,
Israël et les Etats-Unis ont pesé de tout leur poids pour
renverser le résultat des élections législatives de 2006 en
organisant un ensemble d’initiatives internationales visant à
faire échouer le Hamas dans sa gouvernance de la bande de Gaza.
Ces efforts furent renforcés par la mauvaise volonté associée
des éléments vaincus du Fatah à coopérer avec le Hamas en vue
de la création d’un gouvernement susceptible de représenter
l’ensemble des Palestiniens. La principale tactique anti-Hamas
sur laquelle on comptait beaucoup consistait à soutenir Abbas en
tant qu’unique dirigeant légitime du peuple palestinien, à
imposer un boycott économique aux Palestiniens de manière générale,
à envoyer des armes aux milices du Fatah et à impliquer des pays
voisins dans ces initiatives, en particulier l’Egypte et la
Jordanie. Le gouvernement américain nomma un envoyé spécial, le
lieutenant général Keith Dayton, qu’il envoya sur place
travailler avec les forces d’Abbas ; celui-ci a contribué
à convoyer 40 millions de dollars dans les territoires occupés,
afin de mettre sur pied la garde présidentielle [prétorienne]
d’Abbas, composée des forces du Fatah fidèles à Abbas.
C’était là, en l’occurrence, une
politique particulièrement désastreuse. Les milices Fatah, en
particulier à Gaza, étaient depuis fort longtemps largement
corrompues, et elles faisaient souvent usage de leurs armes pour
terroriser leurs adversaires et pour intimider la population de
toutes sortes de manières violentes. Ce sont ces abus du Fatah
qui ont joué un rôle non négligeable dans la victoire électorale
du Hamas, en 2006, ainsi que le sentiment largement répandu dans
la population que le Fatah, en tant qu’actant politique,
n’avait ni la volonté ni la capacité d’obtenir des résultats
quelque peu positifs pour le peuple palestinien, tandis que le
Hamas, au contraire, avait réussi à résister et à mettre à la
disposition de la population des services publics quasi
unanimement admirés par les Gaziotes.
La phase ultime de cette dynamique interne /
externe allait introduire des dissensions proches de la guerre
civile à Gaza, qui aboutirent à une prise de contrôle totale
par les forces du Hamas. Par une ironie dont l’Histoire a le
secret, tout un ensemble de politiques adoptées par Israël en
partenariat avec les Etats-Unis, une fois de plus, produisirent un
résultat aux antipodes de leurs effets escomptés. L’impact du
refus de reconnaître les résultats des élections a rendu
(dix-huit mois plus tard) le Hamas bien plus puissant
qu’auparavant dans l’ensemble des territoires palestiniens
[c’est-à-dire tant en Cisjordanie que dans la bande de Gaza,
ndt], et il a eu pour effet de placer celui-ci aux manettes à
Gaza. Un tel résultat rappelle un effet similaire de la Seconde
guerre du Liban, en juillet 2006, qui avait été déclenchée par
la doublette stratégique Israël / Etats-Unis en vue de détruire
le Hezbollah, mais qui a eu pour conséquence, en réalité, de
faire de celui-ci une force encore plus puissante et respectée,
tant au Liban que dans l’ensemble du Moyen-Orient…
Israël et les Etats-Unis semblent empêtrés
dans une logique faussée, qui les rend incapables de tirer la leçon
de leurs erreurs, et qui leur fait prendre toute déconvenue pour
l’indication qu’au lieu de réfléchir et de mettre la pédale
douce, leur initiative brouillonne doit au contraire être amplifiée
et intensifiée, l’échec ayant résulté (à leurs yeux) du
fait qu’ils auraient fait trop peu de ce qui s’imposait, plutôt
que de ce qui était pourtant la réalité, à savoir qu’ils
venaient de faire une énorme connerie…Ainsi, bien loin de tirer
parti de l’appel réitéré du Fatah à la constitution d’un
gouvernement d’union, et de ses assurances que son action n’était
pas dirigée contre le Fatah en tant que tel, mais bien uniquement
motivée par le fait que « nous ne pouvions pas faire
autrement que mettre au pas une petite clique en son sein »
(Abu Ubaya, commandant militaire du Hamas), Israël semble plus déterminé
que jamais à fomenter une guerre civile en Palestine, à faire
payer les Gaziotes de leur bien-être et de leurs vies le prix
suffisant pour écraser leur volonté, et pour séparer une bonne
fois pour toutes les destinées de la bande de Gaza de celles de
la Cisjordanie.
La tournure insidieuse prise par
l’occupation israélienne est la suivante : pousser Abbas
à se raccrocher à une approche dure, sans aucun compromis, vis-à-vis
du Hamas, illustrée par la création d’un gouvernement « d’urgence »
non élu, en remplacement du leadership (démocratiquement) élu.
Le Premier ministre d’urgence désigné, Salam Fayyad, étant
nommé afin de remplacer le chef du Hamas, Ismaïl Haniyyéh, en
tant que chef du gouvernement de l’Autorité palestinienne. Il
est révélateur de se remémorer que lorsque le parti de Fayyad
participait aux élections de 2006, ses candidats n’ont remporté
que 2 % des voix… Israël, rapporte-t-on, serait par ailleurs
disposé à alléger certaines restrictions imposées aux déplacements
en Cisjordanie, de manière à convaincre les Palestiniens
qu’ils pourraient connaître un avenir meilleur en répudiant le
Hamas et en misant sur le canasson Abbas, désormais devenu un
personnage politique totalement discrédité, qui a carrément
bradé la cause palestinienne pour se gagner les faveurs et le
soutien d’Usraël, et pour s’imposer dans la lutte interne
pour le pouvoir palestinien. Afin d’atteindre ces objectifs, il
est concevable, bien qu’improbable, qu’Israël en vienne à élargir
Marwan Barghouthi, le seul dirigeant Fatah crédible, de sa
prison, pour peu que celui-ci soit prêt à accepter l’approche
israélienne Sharon / Olmert en matière de création d’un
« Etat palestinien ». Cette dernière initiative est
peu probable, Barghouthi étant le jour et la nuit par rapport à
un Abbas : il est extrêmement peu probable que Barghouthi
accepte autre chose qu’un retrait total d’Israël jusqu’à
l’intérieur de ses « frontières » de 1967, avec, y
compris, le démantèlement des colonies sionistes en Cisjordanie
et à Jérusalem Est.
Ce dernier revirement dans la politique israélienne
doit être compris dans le contexte plus large du refus opposé
par Israël à l’obtention d’un compromis raisonnable avec le
peuple palestinien, et ce, depuis 1967. La quasi-totalité des
observateurs admettent qu’un tel résultat dépend d’un
retrait israélien, de la création d’un Etat palestinien doté
d’une souveraineté totale sur la Cisjordanie et la bande de
Gaza, dont la capitale serait Jérusalem Est, et d’une aide
financière extérieure suffisante pour ouvrir aux Palestiniens la
perspective d’une viabilité économique. La vérité, c’est
qu’il n’y a aucun dirigeant israélien qui nourrisse cette
vision ou qui soit partisan de négocier une telle solution, and
c’est la raison pour laquelle le combat va se poursuivre, avec
des violences des deux côtés.
L’approche israélienne du défi
palestinien est basé sur l’isolement de la bande de Gaza et un
saucissonnage de la Cisjordanie conservant intouchés les blocs
d’implantation, ainsi que l’appropriation de la totalité de Jérusalem,
considérée comme la capitale d’Israël. Cette mise au rencart
de la diplomatie a été le trait dominant du comportement israélien
pendant des années, y compris durant le processus dit « de
paix » d’Oslo, qui avait été lancé dans la roseraie de
la Maison Blanche, à Washington, en 1993, par une célèbre poignée
de mains échangée entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat. Pendant
qu’on bavardait de paix, le nombre des colons israéliens
doublait, des sommes énormes étaient investies dans des routes réservées
aux colonies et directement reliées au territoire israélien, et
le processus ‘colonisation israélienne’ / éviction des
Palestiniens’ de Jérusalem Est se poursuivait inexorablement,
à grands pas. De manière significative, également, le « modéré »
Arafat fut totalement discrédité en tant que dirigeant
palestinien capable de négocier avec Israël, étant traité
comme quelqu’un de dangereux précisément parce qu’il était
impatient d’accepter un compromis raisonnable. Il est intéressant
de noter que, jusqu’à tout récemment, dès lors qu’il était
devenu (l’idiot) utile pour renverser la victoire électorale du
Hamas, Abbas fut traité par les Israéliens comme quelqu’un de
trop faible, manquant trop d’autorité pour agir au nom du
peuple palestinien dans un processus de négociation – une
excuse de plus, pour Israël, pour s’enferrer dans sa tactique
unilatérale adorée.
Ces considérations rendent elles aussi
hautement improbable que Barghouthi soit relâché, à moins que
ne se produise un changement d’attitude spectaculaire du côté
israélien. Au lieu d’œuvrer dans le sens d’un forme ou
d’une autre d’une solution politique, Israël a érigé une
muraille de sécurité aussi technologiquement sophistiquée
qu’illégale sur le territoire palestinien, il a étendu les
colonies, il a rendu invivable la vie des 1,4 millions de
Palestiniens confinés dans la bande de Gaza, et il prétend que
ces « faits accomplis » illégaux paveraient la voie
en direction de la sécurité et de la paix !
Le 25 juillet prochain, des dirigeants israéliens,
égyptiens, jordaniens et ‘autorito-palestiniens’ vont se
rencontrer à Sharm El-Sheikh, sur la Mer Rouge, afin d’aller de
l’avant dans leur diplomatie anti-Hamas. Israël propose de libérer
250 prisonniers fathaouis (sur les 9 000 Palestiniens qu’il
détient, à ce jour), et de refiler les revenus des taxes
palestiniennes à Abbas à tempérament, pour peu que pas un
centime de ces fonds ne soient utilisés dans la bande de Gaza, où
une catastrophe humanitaire est en train de bourgeonner, de jour
en jour. Ces dirigeants sont convenus de coopérer dans cet effort
visant à briser le Hamas et à imposer une Autorité
palestinienne à direction Fatah pur sucre à une population
palestinienne rétive. Il faut se souvenir que le Hamas a gagné
les élections de 2006, non seulement dans la bande de Gaza, mais
aussi en Cisjordanie ! Dénier aux Palestiniens leur droit à
l’autodétermination garantit un retour de manivelle similaire
à celui produit par des efforts du même acabit, qui ont le don
de générer une version radicalisée de ce qu’on souhaiterait
voir disparaître… Comme l’ont indiqué certains
commentateurs, la seule manière de se débarrasser du Hamas,
c’est de le remplacer par Al-Qa’ida !
Actuellement, Israël durcit le boycott économique
qui a placé la population de la bande de Gaza au bord de la
famine. Cet ensemble de politiques, suivies depuis plus de
quarante ans, a imposé une existence infra-humaine à des gens
qui ont été continument et systématiquement pris pour cible par
tout un éventail de formes particulièrement cruelles de punition
collective. La totalité de la population de la bande de Gaza est
traitée comme « ennemie » d’Israël, et on se
soucie peu, à Tel Aviv, de reconnaître l’innocence de cette
société civile martyrisée depuis si longtemps. Persister dans
une telle approche, dans les circonstances actuelles, est de fait
génocidaire, et risque de détruire une communauté palestinienne
toute entière, qui fait partie intégrante d’un ensemble
ethnique. C’est cette perspective qui rend appropriée une mise
en garde contre un holocauste palestinien en puissance, et qui
devait rappeler au monde entier le célèbre vœu de l’ère
post-nazie : « Plus jamais ça ! »
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
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