Blog René Naba
Nicolas Sarkozy à Alger,
un rude apprentissage de la causticité algérienne
René Naba
Nicolas Sarkozy et Abdel Aziz Bouteflika
Paris, le 3 décembre 2007
Après un tour de chauffe en juillet dernier, son premier déplacement
hors Europe, Nicolas Sarkozy parait prendre devoir faire le rude
apprentissage de la causticité de ses interlocuteurs algériens,
à l’occasion du voyage officiel qu’il fera du 3 au 5 décembre
en Algérie.
Au delà des propos de circonstance sur la nécessaire
refondation des relations franco-algériennes, une incantation
rituelle depuis vingt ans, le nouveau président français devrait
aussi prendre la mesure des rancœurs suscitées par sa désinvolture
à l’égard de la communauté musulmane en France et l’Islam
en général, quand bien même il a été un des artisans majeurs
de la promotion au sein de son gouvernement des «minorités
visibles» (citoyens français d’origine arabe ou noire, de
confession musulmanes), quand bien même il aura été
l’initiateur de la création du Conseil du culte musulman de
France, l’interlocuteur des pouvoirs publics pour les affaires
musulmanes.
Nicolas Sarkozy est, avec son prédécesseur, Jacques Chirac
(les bruits et les odeurs), et l’ancien premier ministre italien
Silvio Berlusconi (supériorité de la civilisation chrétienne
sur la musulmane), les trois seuls dirigeants occidentaux à avoir
ouvertement tenu des propos à tonalité raciste à l’égard des
Arabes et des Musulmans.
Son refus de la repentance à propos du passif colonial de la
France, doublé des propos désobligeants tant en France qu’au
sein des instances européennes -des moutons égorgés dans les
baignoires, à la crainte de l’invasion musulmane de l’Europe
par des immigrés son assimilables-, de même que le forcing déployé
depuis Paris pour favoriser la venue en Algérie du chanteur
originaire de Cosntantine Enrico Macias, réputé pour ses
positions proisraéliennes, lui ont valu une volée de bois vert
de la part des dirigeants algériens l’accusant d’être
l’otage du lobby juif.
Procédé inhabituel dans les annales diplomatiques
internationales, ces déclarations corrosives de membres du
gouvernement algérien sont intervenues à quelques jours de la
visite en Algérie de M. Sarkozy. Bien que désavouées par le président
Abdel Aziz Bouteflika, elles n’en n’ont pas moins été
interprétées comme un coup de semonce déguisé à l’égard
d’un homme soupçonné d’avoir opéré un retournement complet
de la diplomatie française en faveur des thèses atlantistes et
proisraéliennes.
Premier partenaire commercial de l’Algérie, la France voit
sa position grignotée régulièrement, tant par les Américains
que par les nouveaux venus sur la scène arabe et africaine, la
Chine notamment.
Son virage diplomatique, jugé à contretemps après les déboires
américains en Afghanistan et en Irak, ne parait pas devoir
inverser la tendance. En trois ans, l’Algérie, qui dispose de réserves
de l’ordre de 100 milliards de dollars, a conclu une série de
grands contrats, laissant à la France la portion congrue: 13
milliards pour l’autoroute est-ouest remporté par la Chine et
le Japon, 10 milliards pour les chemins de fer (Turquie-Chine) et
20 milliards dans l’immobilier de luxe et le tourisme qui sont
allés aux pétromonarchies arabes du Golfe.
Quant aux Américains, ils ont raflé le marché des
hydrocarbures, en association avec les Chinois, à l’exception
d’un complexe de vapocraquage d’éthane à Arzew, attribué à
Total pour trois milliards de dollars.
Un grand marché aiguise l’appétit des entreprises françaises
et son acquisition pourrait les consoler de leur éviction des
grands contrats passés. L’édification d’une nouvelle ligne
Morice aux frontières de l’Algérie.
Cinq groupes internationaux sont en compétition pour ce marché
de 500 millions d’euros qui devrait être attribué en 2008: le
groupement français Thales-CS Communication & Systemes,
l’allemand EADS, le groupement espagnol Indra-Alcatel Espagne,
le groupe italien Selex et l’américain Raytheon.
L’Algérie entend déployer un système de protection électronique
sophistiqué sur l’ensemble de ses frontières terrestres et
maritimes en vue de se protéger contre des incursions terroristes
et anticiper d’éventuels conflits dans la région.
Au-delà de sa rivalité traditionnelle avec le Maroc, l’Algérie
est en butte à l’hostilité de la Libye, le nouvel enfant chéri
de l’Occident, que le Président Français s’apprête à
accueillir en visite officielle dans la foulée de son séjour en
Algérie.
Une sourde tension oppose en effet l’Algérie et la Libye à
la suite des nouvelles découvertes minières, notamment de l’Uranium,
dans la région frontalière algéro-libyenne.
Tripoli qui cherche à jouer un nouveau rôle en Afrique aux
cotés de la France notamment dans la zone soudano-tchadienne du
Darfour, réclamerait une nouvelle délimitation des frontières
Nicolas Sarkozy, affligé du désastreux épilogue de l’affaire
de «l’Arche de Zoe », présentée comme une opération d’ingérence
humanitaire en faveur de faux enfants du Darfour, parait devoir en
ce mois Décembre 2007 se livrer à un difficile exercice d’équilibrisme
diplomatique pour tenter de conserver son partenaire algérien, un
des acteurs majeurs du Monde arabe et africain, et sa nouvelle
amitié avec le trublion politique arabe, le colonel Kadhafi,
porteur de promesse de fabuleux marchés lucratifs, notamment pour
le nouvel avion de combat français «Le Rafale» jusque là
invendu dans le Monde.
Difficile exercice d’équilibrisme diplomatique entre son
atlantisme avéré et son projet d’union méditerranéenne,
entre son amitié tonitruante pour Israël et sa conquête des
marchés arabes.
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Publié le 3 décembre 2007 avec l'aimable autorisation de René
Naba
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