Opinion
Moncef Marzouki,
l'homme qui rassure les Tunisiens
Rachid Barnat
Photo:
Kapitalis
Vendredi 16 décembre
2011
Quelques réflexions sur l’interview du
nouveau président par intérim à la
chaîne Al Wataniya 1, mercredi 14
décembre, aux salons du Palais de
Carthage. Par
Rachid Barnat
Voici l’homme qui rassure les
Tunisiens sur le respect des droits de
l’homme, et qui veillera à ce qu’Ennahdha
ne franchisse pas la ligne rouge. Je
veux lui faire confiance, en restant
critique sur toute action
qu’entreprendra son premier ministre...
avec un RDV dans 6 mois, pour faire un
premier bilan. Wait and see.
Tout le long de l’interview, le
président Moncef Marzouki s’est montré
humain, simple, sincère et émouvant !
L’éloquence
d’un militant des libertés
Son éloquence, que ce soit en arabe
littéraire ou dialectal, tranche avec
celui que les Tunisiens ont «dégagé» le
14 janvier 2011, qui n’a jamais brillé
sur ce plan. Ce qui confirme sa bonne
maîtrise de deux cultures, puisqu’il
s’exprimait parfaitement aussi en
français. Que Ben Ali ne maîtrisait pas.
Les deux journalistes étaient, quant
à eux, totalement à l’aise et ont pu lui
poser toutes les questions que les
Tunisiens se posaient et lui rapporter
toutes leurs inquiétudes. Sans la
flagornerie à laquelle leurs confrères
nous avaient habitués du temps de Ben
Ali et qui choquaient tant de Tunisiens
!
- Sur les libertés, en tant qu’un
militant des droits de l’homme, ses
propos sont rassurants. Il a bien
insisté aussi sur les droits de la femme
et sur le respect des acquis qu’elle a
eu depuis l’indépendance. En précisant
la nécessité de son accès au travail.
- Il rappelle que son mandat, comme
celui du gouvernement, n’excéderont pas
1 an, voire un an et quelques mois tout
au plus, le temps pour la Constituante
de parachever la rédaction de la
nouvelle constitution.
- Il assure qu’il veillera à ce que
l’attribution des postes se fasse au
mérite sur CV. Il prône la méritocratie
par la compétence pour rompre avec le
système «du piston» que l’ancien régime
avait érigé en système, avec ses dérives
dont le clientélisme qui s’était
généralisé.
- Quant à la polémique à propos du
terme «safirat», qu’il avait utilisé
lors de sa prestation de serment à
l’Assemblée constituante, pour désigner
les Tunisiennes qui font le choix de ne
pas se couvrir le chef, il en est
étonné, d’autant plus qu’il n’avait
aucunement l’intention de les blesser ou
de les choquer. Qui pourrait lui
reprocher la réhabilitation d’un mot de
la langue arabe dans son acception
d’origine que certains voudraient
dévoyer en le connotant péjorativement ?
- Il redit son intention d’envoyer un
message clair quant à la liberté
vestimentaire dans le respect des lois.
En précisant que celles qui veulent se
couvrir le visage ne peuvent se
soustraire au contrôle à l’intérieur de
l’administration tunisienne...
Faire
redémarrer la machine économique
- Il demande une trêve de 6 mois à
toutes les actions corporatistes,
politiques... pour ramener le calme et
la sécurité afin de redémarrer la
machine économique d’une Tunisie
exsangue.
- Il insiste sur le retour de la
sécurité et reconnaît que la police
nationale a été elle-même victime du
régime de Ben Ali. Si certains policiers
corrompus ont abusé de la situation,
d’autres intègres ont souffert du
système et ont subi l’injustice à
l’intérieur même de l’institution.
- Il a espoir que l’économie
redémarre si tout le monde participe de
l’effort national, et si leur
patriotisme prime sur leurs
revendications personnelles.
- Il compte bien sur l’entraide entre
les Tunisiens et les Libyens, les deux
complémentaires pour se sortir de leurs
difficultés post révolutionnaires...
- L’insigne qu’il porte sur le revers
de sa veste n’est autre qu’un pin’s
représentant le portrait d’un martyr de
la révolution, que lui avait accroché
publiquement la mère du défunt, contre
la promesse qu’il n’oubliera pas les
martyrs de la révolution.
Il assure qu’il s’occupera
personnellement du dossier des martyrs,
et que le jour où nous ne le verrons
plus arborer la photo que lui avait
confiée cette mère, c’est qu’il aura
réglé cette question ô combien
douloureuse pour les familles des
martyrs.
- Lors de son investiture, il portait
un burnous en poil de chameau. Ce qui a
interpellé beaucoup de Tunisiens. Il dit
qu’il provient du village d’origine de
sa famille. Il l’a porté pour rendre
hommage aux traditions de notre pays en
affirmant son identité, mais aussi parce
que cela lui avait beaucoup manqué dans
son exil en France.
- Devant son refus de porter la
cravate : il reconnaît que c’est devenu
un dilemme pour lui, qui croit que
l’élégance est dans la personnalité,
dans l’éducation et le savoir d’un
être... mais nullement dans une cravate.
Ceci dit, ses filles la lui recommandent
pour le respect de la fonction. Il
promet d’en mettre, si Ghannouchi
accepte d’en mettre lui aussi. Riressss
sur le plateau.
Aucune raison
pour ne pas faire confiance
J’espère que son appel pour la trêve
sera entendu par tous les Tunisiens.
Il nous faut lui faire confiance,
tout en restant vigilants bien
évidemment sur les actions qu’il mènera
avec son ami le premier ministre Hammadi
Jebali.
Je sais qu’il faut se méfier des
discours qui peuvent être parfaits et la
réalité plus contestable. Ben Ali, lui
aussi, lors de sa prise du pouvoir avait
fait un discours magnifique. On a vu la
suite, hélas !
Il faudra donc veiller à la réalité de
l’exercice du pouvoir mais il n’y a
aucune raison a priori de ne pas faire
confiance à quelqu’un qui a été dans sa
vie un défenseur ardu des droits de
l’homme.
J’ajoute que Moncef Marzouki, doit
être conscient que la seule manière
d’entrer dans l’histoire c’est de
conduire ce pays vers une réelle
démocratie et vers un dynamisme
économique.
Enfin, je crois fortement que la
fonction, dans certain cas, élève la
personne et je pense que nous sommes
dans ce cas.
Bon vent monsieur le président !
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Publié le 16 décembre 2011 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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