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UJFP
Le sionisme est-il un obstacle à une paix
juste ?
Pierre Stambul
Pourquoi la paix au Proche-Orient est-elle si difficile ?
Le sionisme est-il un obstacle à une paix juste ?
Intervention de Pierre Stambul, membre du Bureau National de
l’UJFP à Rochefort Samson (Drôme) le 9 novembre 2008.
La guerre entre Israéliens et Palestiniens a commencé il y a un
siècle avec le début de la colonisation sioniste et avec la
dépossession des Palestiniens de leur terre. Cette guerre a
connu des périodes très différentes : le colonialisme
britannique, l’arrivée massive de nouveaux immigrants juifs
après 1945, la Nakba avec l’expulsion de 800000 Palestiniens de
leur propre pays, la deuxième conquête sioniste en 1967,
l’Intifada, les accords d’Oslo, l’échec total de ce processus,
la division de la Palestine en « bantoustans » …
La question centrale
Cette guerre dure inexorablement. D’autres diront bien mieux
qu’un membre de l’Ujfp l’insupportable situation du peuple
palestinien : des gens et leurs descendants qui sont des
réfugiés depuis plusieurs générations. Des millions de personnes
qui vivent quotidiennement l’occupation, l’enfermement, la
pénurie organisée, les assassinats dits « ciblés », les
arrestations arbitraires (plus de 600000 prisonniers en 40 ans),
les check points, les humiliations, les souffrances, une
annexion qui n’est même plus rampante, une confiscation
incessante, un pillage de l’eau et de la terre, l’impossibilité
de vivre normalement …Sans oublier ceux qu’on appelle
improprement les Arabes Israéliens ou les Bédouins du Néguev
réduits à l’état de sous-citoyens dans un « Etat Juif » qui
ignore ouvertement toute idée de citoyenneté.
Je limiterai mon propos à donner le point de vue d’un Juif
Français ayant une histoire personnelle « classique » (celle de
l’antisémitisme et du génocide nazi que les sionistes
instrumentalisent pour justifier leur fuite en avant).
Pourquoi n’y a-t-il pas de paix juste à brève échéance ?
Qu’on le veuille ou non, d’un point de vue juif, la question
centrale, c’est le sionisme. Les Israéliens forment aujourd’hui
un peuple. La Nakba a été un crime et il faudra que ce soit
reconnu. Mais on ne reviendra pas en arrière. Il n’y a pas
d’autre solution qu’une paix entre Palestiniens et Israéliens.
Il ne peut pas y avoir de paix sans une égalité totale des
droits et avec le sionisme, c’est impossible. D’un côté, le
sionisme a engendré (et on doit considérer que c’était
inéluctable) un courant (laïque ou religieux) prônant la «
purification ethnique » et le « transfert » des Palestiniens
au-delà du Jourdain. Mais ceux qui feignent de croire qu’il
existe un « sionisme à visage humain » sont incapables
d’expliquer pourquoi Oslo a échoué et pourquoi il y a
aujourd’hui 4 fois plus de colons qu’au moment de la signature
de ces accords.
Le sionisme a engendré un monstre : une société « autiste » qui
s’est convaincue qu’elle a tous les droits et que c’est elle la
victime. Il n’y aura pas de paix sans une rupture de la société
israélienne avec le projet sioniste ou sans un dépassement du
sionisme, un passage au « post-sionisme », une « sécularisation
» de la société israélienne. Sans un tel processus, les
aventures militaristes ou colonialistes et les crimes contre les
Palestiniens se poursuivront.
Un programme ininterrompu de destruction de la Palestine.
Il est symptomatique de voir que les prochaines élections
israéliennes se sont d’abord jouées à l’intérieur d’un parti (Kadima)
que l’on ose qualifier de « centriste ». C’est une ancienne du
Mossad (Tzipi Livni qui a probablement du sang sur les mains)
qui l’a emporté sur un dirigeant de l’armée (Shaul Mofaz
poursuivi pour crimes de guerre). Toute la classe politique est
corrompue ou poursuivie pour délits sexuels. L’élection se
jouera donc désormais entre Livni et Nétanyahou, dont les
programmes d’annexion et de démembrement de la Palestine ne
diffèrent que sur des détails : la quantité de territoires
annexés.
Au moment de la signature des accords d’Oslo, la direction
palestinienne a fait un compromis incroyable : entériner la
décision prise dès 1988 à Alger en limitant le futur Etat
Palestinien à 22% de la Palestine historique. Dans l’esprit des
signataires palestiniens, les dirigeants israéliens allaient
accepter l’idée de « la paix contre les territoires » et se
retirer. Ce processus est aujourd’hui totalement enterré.
Pourquoi ? À cause du sionisme. Rabin, lui-même avant son
assassinat a installé 60000 nouveaux colons. Aujourd’hui, il y a
500000 Israéliens qui vivent dans les territoires conquis en
1967. La moitié sont dans le « grand Jérusalem » qui couvre 4%
de la Cisjordanie entre Ramallah et Bethléem et rend totalement
non viable toute idée d’Etat palestinien. La première chose qui
frappe quand on visite la région, c’est « où est la frontière »
? Elle a disparu : les routes de contournement, les nouvelles
banlieues installées sur des terres palestiniennes, les colonies
dites « légales » ou illégales sont omniprésentes. Aucune carte
n’indique la « ligne verte », c’est-à-dire la frontière d’avant
1967.
Manque de chance ? Occasion loupée ? Non. Dans le projet
sioniste, les Palestiniens sont des étrangers dans leur propre
pays. Autrefois, ils n’existaient même pas, on disait « les
Arabes ». Les délires sur « Jérusalem capitale unifiée » ou sur
le Grand Israël sont partagés par la majorité de la société
israélienne. La propagande israélienne présente de façon
permanente le Palestinien comme un terroriste qui rêve d’achever
le génocide hitlérien, ce qui permet aux dirigeants de prétendre
« nous n’avons pas de partenaire pour la paix » .
Tous les courants du sionisme, de droite ou dits « de gauche »
ont perpétré des crimes contre les Palestiniens. La droite,
héritière de Jabotinsky et Begin, n’a jamais rompu avec les
méthodes expéditives. Elle prône ouvertement le « transfert »
(au-delà du Jourdain) au nom de théories ouvertement racistes.
Mais la « gauche », celle des héritiers de Ben Gourion ou de
Golda Meïr a toujours utilisé les mêmes méthodes avec un
discours présentant les Israéliens comme des victimes. Cette
gauche a programmé l’expulsion du peuple Palestinien au moment
de la Nakba. Elle a prémédité et réalisé les conquêtes et les
annexions de 1967. Elle est à l’origine de la décision politique
de coloniser en 1967, même si elle a dû faire appel au courant
National-Religieux pour réaliser cette colonisation. Elle était
au pouvoir quand Barak et Clinton ont sommé Arafat de capituler.
Et c’est encore un ministre travailliste qui est à l’origine de
la construction du Mur de l’Apartheid. Le sionisme a gommé les
différences idéologiques et il n’y a que des nuances entre ses
courants. Même la gauche sioniste qui a signé les accords d’Oslo
et l’initiative de Genève n’a jamais considéré les Palestiniens
comme des égaux. Pour elle, il y a une priorité absolue : sauver
le projet sioniste et elle exige des Palestiniens qu’ils se
soumettent à cette exigence.
Un projet multiforme.
Il est difficile de réduire le sionisme en le comparant à
d’autres idéologies. Aujourd’hui Israël est incontestablement un
pion avancé de l’Occident et de l’impérialisme américain au
Moyen-Orient. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Plus de 60
ans après, les Palestiniens continuent de payer pour un crime
qu’ils n’ont pas commis : l’antisémitisme européen et le
génocide nazi. Mais en 1948, il y avait un consensus incluant
l’URSS et ses satellites pour la création de l’Etat d’Israël et
sa victoire militaire. Aujourd’hui, la direction israélienne,
même si elle est très dépendante de l’énorme aide militaire et
financière américaine, a une autonomie certaine. Aucun dirigeant
américain, Obama compris, n’est en situation de s’opposer à une
décision qui ferait consensus en Israël. Le pays est devenu un
exportateur d’armes sophistiquées, de « villes sécurisées » et
de divers produits utilisés par les armées, les polices et les
milices. Il y a des conseillers militaires israéliens un peu
partout et le gouvernement israélien joue un rôle actif (attesté
par la guerre contre le Liban) pour le maintien des troupes
occidentales en Irak et en Afghanistan ou pour déclencher une
agression contre l’Iran. Il est fortement aidé par un courant
millénariste et antisémite (les « Chrétiens Sionistes ») dont
les fidèles ont déversé des milliards de dollars pour la
colonisation. Bref, Israël est en mesure d’empêcher toute
rupture avec l’idéologie du « choc des civilisations » et de la
« guerre du bien contre le mal » si chère à l’ancien président
Bush.
Le sionisme est bien sûr une forme de colonialisme.
L’acquisition des terres dès la fin du XIXe siècle, l’expulsion
progressive des Palestiniens, la confiscation du pays et de ses
richesses, l’enfermement de la population indigène dans des
camps, la séparation (Apartheid) rigoureuse entre les nouveaux
arrivants et la population autochtone, tout ceci rappelle fort
des phénomènes semblables à ce qu’a connu l’Algérie avec la
colonisation française ou plus généralement l’Afrique. Mais le
colonialisme sioniste a une grande spécificité. Sauf peut-être
pendant une courte parenthèse entre 1970 et 1990, il ne vise pas
à asservir le peuple autochtone en le transformant en peuple de
travailleurs bon marché ayant pour seul avenir le statut
d’auxiliaire du projet colonial. Le sionisme vise à expulser le
peuple autochtone et à le remplacer. Les sionistes ont rêvé du
crime parfait, celui réussi aux Etats-Unis ou en Australie où la
population autochtone n’est plus en mesure d’exiger ses droits.
Sur ce plan, les sionistes ont échoué.
Le sionisme a triomphé à cause du génocide nazi (en exploitant
la mauvaise conscience occidentale) et il a toujours prétendu
être LA réponse à la persécution séculaire des Juifs. Il y a là
une propagande insidieuse et hélas efficace qu’il faut contrer.
D’abord, pour les Juifs Orientaux venus du monde arabo-musulman,
c’est exactement l’inverse. Il n’y a pas eu de persécution des
Juifs avant l’avènement du sionisme. C’est essentiellement
l’apparition de cette idéologie (née en Europe), l’appel de la
direction sioniste à l’émigration des Juifs et l’expulsion des
Palestiniens qui a rompu une cohabitation millénaire, certes
loin d’être parfaite, mais en tout cas exempte des drames que
les Juifs ont connus en Europe. Pour les Juifs européens, on est
en plein paradoxe : le sionisme, minoritaire jusqu’à 1945, a
partagé assez largement les mêmes thèmes que les antisémites. Il
a affirmé que les Juifs ne peuvent ni s’émanciper, ni se
mélanger, ni s’assimiler, qu’ils ne peuvent vivre qu’entre eux,
que l’antisémitisme est inéluctable et qu’il est vain de vouloir
le combattre, bref que la seule solution est la disparition des
Juifs disséminés et leur regroupement en Israël.
L’Europe a été ravie de se débarrasser de la « question juive »
(sur le dos du peuple palestinien). Il est symptomatique de
constater l’absence des sionistes dans l’engagement massif des
Juifs dans tous les combats émancipateurs du XXe siècle
(résistances diverses, citoyenneté, mouvements révolutionnaires
ou anticolonialistes …). Il est symptomatique de voir leur
connivence avec des antisémites avérés pour favoriser le départ
des Juifs vers le Proche-Orient et la création de leur Etat
Juif.
Israël n’est pas un « havre de paix » pour les Juifs, il faut le
dire avec force : la politique israélienne n’est pas seulement
criminelle pour les Palestiniens, elle est aussi suicidaire pour
les Juifs. Comment imaginer que les crimes incessants perpétués
depuis des décennies seront sans conséquence ? Alors que les
Juifs américains ou européens ne subissent aucune forme de
discrimination, s’il y a bien un pays où les Juifs sont en
insécurité, c’est Israël et il en sera ainsi tant que durera la
tentative d’écraser la Palestine. La politique israélienne
provoque dans le monde entier un « antiisraélisme » (pour
reprendre une formule d’Edgar Morin) parfaitement justifié.
Quand la propagande sioniste mélange sciemment et délibérément
juif, sioniste et israélien, elle met en péril le « judaïsme »
dans sa totalité, laïque ou religieux.
Comment le sionisme a inventé une nouvelle « identité » juive ?
Il n’y a pas de différence fondamentale entre le colon fanatique
qui affirme que Dieu a donné cette terre au peuple juif et
l’Israélien moyen, élevé avec le complexe de Massada, que l’on a
dressé dans « la peur de ne plus avoir peur ». Tous sont le
fruit d’une réécriture de l’histoire et d’une identité
falsifiée.
Le sionisme n’est pas un nationalisme comme les autres. Il puise
ses sources dans le terreau de l’explosion de tous les
nationalismes européens, ceux qui propagent l’idée simple et
incroyablement dangereuse : 1 peuple= 1 Etat. Il reprend les
théories raciales en vigueur à l’époque (les Aryens, les Sémites
…) aussi fausses que dangereuses en imaginant qu’il y a une race
juive descendante des Hébreux.
Tous les nationalismes ont fabriqué des « histoires
politiquement correctes ». L’enseignement en France a inventé
des actes fondateurs (le sacre de Clovis, Roland de Roncevaux,
le chêne de Saint-Louis, Jeanne d’Arc…) dans le but évident de
donner une raison d’être à une certaine conception de la nation.
Il n’y a pas si longtemps, on ne pouvait pas avoir son
certificat d’études sans connaître toutes les dates des guerres
contre l’ennemi héréditaire allemand.
Les sionistes ont été confrontés à la nature même des
communautés juives dispersées. Une communauté de destin liée à
la situation de minorité religieuse, mais des langues, des
cultures et des situations sociales très différentes. Les
sionistes ont fait une construction intellectuelle. Pour
l’historien Shlomo Sand, ils ont inventé la notion de peuple
juif. Cette idée fait débat dans l’Ujfp. Personnellement, elle
me paraît pertinente.
Alors que dans l’Europe des années 1900, la croyance religieuse
est en très forte diminution, les sionistes (même les
non-croyants) reprennent comme vérité historique le récit
biblique. S’il y a encore aujourd’hui des discussions de détail
dans la communauté des archéologues et des historiens, il est
avéré que l’épisode d’Abraham (l’arrivée des Hébreux depuis la
Mésopotamie), celui de Moïse (une entrée puis une sortie
d’Egypte), celui de Josué (la conquête sanglante de Canaan) et
celui du royaume unifié de David et Salomon sont des légendes. À
l’époque présumée de Salomon, Jérusalem était un village et les
royaumes d’Israël et de Juda ont probablement toujours été des
entités distinctes. On se trouve dans une situation ahurissante.
Prenons l’exemple du créationnisme. Certes, cette croyance a un
pouvoir de nuisance énorme. Ses adeptes parviennent à
s’infiltrer un peu partout. Mais scientifiques ou dirigeants
conviennent qu’il est impossible ou dangereux de mettre sur le
même pied créationnisme et Darwinisme. Prenons l’exemple de
l’Iliade et l’Odyssée. Ce texte est magnifique et fondateur,
mais tout le monde sait que ce qu’il raconte est très largement
légendaire. Dans le cas de la Bible, le texte est pris pour
argent comptant. Il est enseigné comme une vérité dans les
manuels scolaires. Il sert à justifier le nouveau royaume unifié
(l’Etat d’Israël), l’expulsion des Palestiniens sur le mode de
la conquête de Josué et la colonisation. Il est à la base du
projet sioniste dans toutes ses versions, laïque ou religieuse.
Pourtant il est avéré que ce texte est très largement
légendaire.
Shlomo Sand va plus loin. Il explique qu’il n’y a pas eu d’exil
et qu’il n’y a donc pas de retour. Bref, il met par terre tout
ce qui est au centre du projet sioniste. Qu’on accepte ou non la
notion de peuple juif, il rappelle une vérité largement connue
des historiens : il n’y a pas eu d’exil. L’existence de
communautés juives à Babylone, Alexandrie ou Rome est antérieure
à la guerre menée par Titus. Ce n’est pas le peuple juif qui est
parti avec la conquête romaine, ce sont les élites religieuses.
Les Romains n’ont pas chassé les peuples qu’ils occupaient et
ils n’avaient pas les moyens de déporter toute une population.
C’est la religion qui s’est dispersée.
Pendant des siècles, le judaïsme a été prosélyte et en
concurrence avec d’autres religions. Les descendants des Hébreux
de l’Antiquité sont donc en grande partie les Palestiniens et
les Juifs d’aujourd’hui sont assez largement les descendants de
populations converties de l’Empire Romain. Si on peut parler de
peuples séfarade, judéo-berbère, yiddish ou falasha (peuples qui
étaient souvent en relation entre eux), selon Sand il n’y a pas
de peuple juif. Cette construction intellectuelle a été le
résultat de la persécution des Juifs d’Europe.
Les sionistes se sont acharnés à présenter la diaspora comme une
parenthèse, alors qu’elle est l’essence du judaïsme. Ils se sont
acharnés à détruire tout ce qui évoquait la diaspora. Pour créer
l’Israélien nouveau, il a fallu tuer le Juif, le cosmopolite,
l’universel, le minoritaire luttant pour l’égalité des droits.
Il a fallu détruire les langues, les cultures, les mémoires, les
histoires et les identités juives. À la place, on a créé un
peuple artificiel sans passé, militariste et colonialiste.
Tous les Israéliens, de gauche comme de droite, s’imaginent être
les descendants d’une histoire illustre, unique, extraordinaire.
Tous s’imaginent avoir survécu à une suite ininterrompue de
persécutions, achevée avec le retour du peuple élu en terre
promise. Belle histoire, mais c’est tout faux. On a appris aux
Israéliens que personne n’aimait les Juifs, que tout le monde
voulait les détruire, qu’ils ne pouvaient vivre qu’entre eux et
qu’ils devaient tous venir en Israël. On les a élevés dans la
peur de l’anéantissement et dans l’ignorance totale de « l’autre
», le Palestinien assimilé aux pogromistes. Dans cette
histoire-là, il n’y a pas de place pour deux peuples dans la
région et la fuite en avant criminelle ne peut que continuer.
Il ne faut pas confondre sionisme et religion. Dans la
conception juive religieuse, l’exil est symbolique, il ne
suppose à aucun moment un quelconque « retour ». D’ailleurs au
cours des siècles, les Juifs ont eu de nombreuses occasions
d’émigrer en Palestine et ils ont en général fait d’autres
choix. Il y a eu chez les religieux comme chez les laïques une
réécriture rendue nécessaire pour justifier le projet sioniste
et la colonisation.
Une rupture du « front intérieur » ?
Soutenir le peuple palestinien, c’est bien sûr lutter contre son
étouffement (en particulier à Gaza) et son isolement. C’est
aller là-bas pour témoigner et apporter une solidarité concrète.
C’est populariser la cause palestinienne. C’est aider à
renverser le rapport de force politique et militaire. C’est
exiger de nos gouvernants et de l’Europe la fin de l’impunité de
l’occupant. C’est exiger des sanctions politiques, économiques
et culturelles contre Israël (et donc le boycott) tant que
durera l’occupation. C’est exiger le désinvestissement, par
exemple celui d’Alstom Véolia qui viole le droit international
en construisant le tramway entre Jérusalem et la colonie de
Pisgat Zeev. C’est affirmer la primauté du droit international
et de l’égalité contre toutes les arguties qui visent à
justifier l’injustifiable.
Pour l’instant, rien ne bouge. En Israël, la petite minorité
anticolonialiste qui avait réussi à enclencher un mouvement de
masse contre la première guerre du Liban (1982) n’arrive pas à
remuer l’opinion. La société israélienne ne souffre pas des
crimes commis en son nom. Certes, le libéralisme a entraîné une
explosion de la pauvreté, mais la majorité des citoyens vit avec
le train de vie des classes moyennes occidentales. Les
Israéliens peuvent savoir sans problème ce que leur armée ou les
colons font et ils s’en moquent. C’est le résultat de « l’homme
juif nouveau » que les sionistes ont réussi à fabriquer. Les
Israéliens se vivent en victimes, pas en bourreaux.
Le terrain de la lutte idéologique contre le sionisme a été en
partie déserté et les Palestiniens en subissent les
conséquences. On a trop facilement laissé les sionistes parler
au nom du judaïsme et utiliser l’antisémitisme et le génocide
comme bouclier. La société israélienne vit une forme de névrose
ou de psychose collective. Rares sont celles et ceux qui
s’attaquent à cette mise en condition de masse.
Parmi ceux qui participent (souvent consciemment) à la
propagande israélienne, certains croient faire œuvre de
philosémitisme en voulant interdire toute critique d’Israël ou
en assimilant antisémitisme et antisionisme (voir Philippe Val,
Alain Finkielkraut, BHL …). C’est tout aussi stupide que de
croire (pour prendre l’exemple français) que pour soutenir les
Pieds Noirs, il fallait soutenir l’OAS. En soutenant une
politique criminelle et en laissant ses instigateurs parler au
nom du judaïsme, on met en danger tous les Juifs et on fait acte
d’antisémitisme.
Pour une paix juste fondée sur l’égalité des droits, il faudra
une « rupture du front intérieur » en Israël et dans les «
communautés juives organisées » à l’image de la rupture qui a
accompagné la chute de l’Apartheid sud-africain quand la
direction politique des Blancs a compris que cette rupture était
obligatoire pour assurer le maintien sur place de la population
blanche comme composante du peuple sud-africain. Pour l’instant
on est loin d’un dépassement du sionisme ou d’une rupture, mais
rien n’interdit une modification brutale du contexte.
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