Opinion
Maroc - Les
illusions perdues du Printemps arabe
Pierre Piccinin
Mercredi 29 juin
2011
"Cette
lucidité nous manque trop souvent : la
lucidité des réalistes, et non les
illusions des rêveurs passifs et des
émotifs naïfs."
(Tariq Ramadan)
Le bilan que l’on peut déjà tirer de
manière assez précise des révoltes qui
ont secoué le Moyen-Orient et l’Afrique
du nord depuis décembre 2010, et ce même
s’il est peut-être un peu trop tôt
encore pour conclure définitivement,
n’exclut pas le cas du Maroc, le grand
oublié du « Printemps arabe ».
Partout, le « Printemps arabe » s’achève
sur le relatif échec de l’opposition et,
partout, la stabilité des régimes
demeure, y compris en Tunisie et en
Égypte, où, derrière des apparences de
changement, les anciens maîtres restent
aux commandes de l’État et de l’ensemble
du secteur économique.
Les « jeunes », qui ont été les
instigateurs et le fer de lance de ces
révoltes, se retrouvent, en pratique,
complètement exclus des négociations
(quand il y en a). C’est que leur
slogan, « dégage ! », repris partout à
travers le monde arabe, ne constitue
aucunement un programme de réformes, de
la part de mouvements, en outre,
spontanés, sans organisation, ni
représentation.
Ceci explique pourquoi les inquiétudes
états-uniennes des débuts se sont
rapidement évanouies pour laisser place
au soulagement. D’où l’absence
d’intervention de Washington : rien de
fondamental, en somme, n’a changé sur
l’échiquier arabo-musulman, qui reste
sous contrôle. « Que
vient si souvent faire ici Jeff Feltman
(Sous-secrétaire d’État US pour le
Proche-Orient)
auprès du gouvernement provisoire ? »,
s’interroge
Radhia Nasraoui
(Ligue des Droits de l’Homme de
Tunisie), que nous avons rencontrée à
Tunis ; « le
dictateur est parti, mais la dictature
est toujours en place ».
Et l’attitude est identique de la part
du gouvernement israélien, même s’il
profite de la situation pour s’alarmer
publiquement et justifier un renfort
sécuritaire : la « nouvelle »
Égypte,
par exemple, protestera certainement sur
la question palestinienne et rouvrira
ses frontières avec la Bande de Gaza.
Mais elle ne fera pas la guerre…
En
Tunisie,
en effet, l’opposition, affaiblie et
désorganisée, comme partout ailleurs,
par deux décennies d’exils et
d’emprisonnements, n’a pas réussi à
chasser l’establishment benaliste de la
direction de l’État. Certes, le
dictateur a quitté le pays et son
premier ministre a démissionné.
Exutoires à la colère du peuple,
fusibles et poudre aux yeux, qui ont
permis le retour au calme et la reprise
en main de la rue par l’armée... Car les
seconds couteaux, inconnus du grand
public, ont su habilement prendre leur
place. Comme nous l’ont confirmé
Radhia Nasraoui,
Hamma Hammami (Parti
communiste des ouvriers de Tunisie) et
Moncef Marzouki
(Parti du Congrès pour la république),
principales figures de l’opposition
tunisienne, les institutions au service
de la dictature n’ont pas été
démantelées, pas même la police
politique du président Ben Ali : elle
reste active et continue de surveiller
et d’intimider les opposants, qui
craignent pour leur vie…
La situation est similaire en Égypte, où
l’armée assure le maintient de l’ordre,
tandis que l’establishment moubarakiste,
qui tient toujours fermement les rouages
de l’État et les outils de financement,
s’est réorganisé en créant de nouveaux
partis.
En Égypte également, l’opposition, qui
peine à s’imposer, est donc laissée pour
compte et cantonnée en marge du pouvoir
(à l’exception notable des
Frères musulmans,
qui nous ont reçu dans leur quartier
général du Caire, seul mouvement
politique structuré, lequel s’est cela
dit rapidement rallié aux anciens
ministres du président Moubarak, pour
former avec eux un gouvernement, et dont
les intentions, à long terme, restent
incertaines). Les élections
législatives, programmées en septembre,
ne réserveront donc guère de surprise ;
des élections qui arrivent beaucoup trop
tôt pour une opposition à peine en train
d’entamer sa reconstruction, en Égypte,
comme en Tunisie.
À Tunis, ainsi, « l’Instance supérieure
pour la réalisation des objectifs de la
révolution », organe créé pour pallier
la non-représentativité du gouvernement
provisoire (toujours composé des
ministres choisis par Mohammed Gannouchi,
l’ancien premier ministre,
démissionnaire), assemblée chaotique,
non-élue, sert de caution au pouvoir,
désireux de hâter l’élection d’une
« Assemblée nationale constituante »,
chargée de rédiger une nouvelle
constitution pour la Tunisie, avant des
élections législatives et
présidentielles, de sorte à couper
l’herbe sous le pied de l’opposition en
ne lui laissant pas le temps de
s’organiser en vue de ces élections.
Initialement prévue en juillet,
l’élection de cette Assemblée
constituante a finalement été reportée
en octobre, à la demande de l’opposition
(et non à l’initiative du gouvernement
provisoire qui serait soucieux de
conserver le pouvoir le plus longtemps
possible, contrairement à ce que
colportent maints observateurs sensés
« avertis »). Mais ce court laps de
temps supplémentaire suffira-t-il à
l’opposition pour qu’elle puisse
s’organiser et mener campagne pour
affronter ce puissant establishment qui,
en Tunisie aussi, s’est reconverti sous
de nouvelles étiquettes ?
Ironie du sort, s’il en est, les
benalistes du gouvernement provisoire de
Tunisie, pays qui s’effondre dans le
chaos économique et l’explosion de la
criminalité, se sont autorisés l’effet
d’annonce d’un vaste programme pour le
développement de l’emploi dans les zones
les plus défavorisées : le « Plan
Bouazizi », du nom du jeune homme dont
le suicide par le feu avait été à
l’origine de la révolte populaire ;
comme toujours, le système récupère les
symboles...
En Égypte, par contre, la « nouvelle »
constitution a déjà été rédigée, en deux
temps et trois mouvements, par un comité
restreint « d’experts », nommés par le
gouvernement, avec, en termes
d’opposition, le seul concours des
Frères musulmans, qui ont ensuite appelé
au vote du texte lors du referendum, lui
aussi organisé illico presto, le 19 mars
2011 : les Égyptiens, encore tout
étourdis par la chute de Moubarak et
confiants en la « révolution », ont
massivement soutenu le texte et l’ont
approuvé par 77 % des votes. L’affaire
est donc dans le sac pour les tenants de
l’ancien régime qui, de surcroît,
bénéficient désormais de l’aval
« démocratique » que leur confère le
referendum…
En Algérie, en Jordanie aussi, les
mouvements contestataires ont duré le
temps que durent les roses, le temps
d’un « Printemps… arabe » : ils ont pu
être maîtrisés par le pouvoir, à la
faveur de quelques vagues promesses et
concessions mineures, et se sont
progressivement éteints. En Jordanie,
ainsi, si le roi Abdallah II a promis
une réforme des institutions, il n'a
fait que réitérer des engagements pris
en 2000 déjà et qui n'ont jamais été
suivis d'effets. Par contre, dès le
début des émeutes, il a rappelé Maarouf
Bakhit au poste de premier ministre, son
ancien conseiller militaire, qui avait
supervisé le déroulement des élections
de 2007, les plus frauduleuses qu'ait
connu le pays, au terme desquelles pas
un seul membre de l'opposition n'avait
obtenu de siège au parlement jordanien.
Le nouveau premier ministre, chargé de
mener à bien « de
réelles réformes politiques »,
a d'emblée déclaré que le processus
serait « lent
et graduel » et prendrait « le
temps d'une génération »…
Quant aux monarchies de la péninsule
arabique, elles semblent épargnées par
la « vague révolutionnaire ».
Le Bahreïn, seul, a fait figure
d’exception. L’opposition a été écrasée
dans le sang, avec l’aide de l’armée
saoudienne et l’accord tacite des
Etats-Unis qui occupent dans le pays une
base militaire abritant la cinquième
flotte US et plus de trois mille soldats
(certes, la Maison blanche a protesté,
du bout des lèvres ; mais ce genre de
déclaration ne mange pas de pain et ne
change pas le cours des choses ; au
mieux participe-t-il à augmenter le
« soft power » états-unien dans la
région…).
Au Yémen, où, face au risque de
somalisation du pays, le Conseil de
Coopération du Golfe tente de ramener un
semblant de stabilité et a parié sur la
fermeté du président Ali Abdallah Saleh
(ou, à défaut, du système qu’il a mis en
place), la guerre des clans s’enlise
dans les querelles de succession qui se
sont substituées aux révoltes, dont les
revendications sociales sont désormais
passées au second plan.
La guerre tribale s’est aussi invitée en
Libye,
où la France et ses alliés, dans une
logique néocolonialiste manifeste et en
quasi-violation du droit international
(en tout cas en outrepassant, sans doute
aucun, le cadre de la résolution 1973 du
Conseil de Sécurité de l’ONU), ont
choisi de supporter les leaders
de la rébellion,
pourtant d’anciens ministres kadhafistes,
qui ne peuvent que fort difficilement
passer pour de parfaits démocrates, à
commencer par le président même du
Conseil national de Transition, le
nouvel ami du très médiatique
Bernard-Henri Lévy, Mustapha Abud al-Jalil :
ministre de la justice de Kadhafi, c’est
lui qui avait condamné à mort les cinq
infirmières bulgares dans l’affaire que
l’on sait…
L’OTAN a donc choisi Charybde contre
Scylla et participe de facto à une
guerre civile dont elle soutient une des
parties de manière effective, et ce par
des bombardements massifs, qui ont déjà
causé la mort de nombreux civils (il
convient de rappeler ici que la
résolution 1973 autorisait l’emploi de
la force pour protéger la population
civile, et non pour aider une rébellion
armée à renverser et à remplacer le
gouvernement de l’État de Libye).
Est-ce cela, le « Printemps arabe »?
Seule la Syrie, peut-être, au moment où
nous publions cette analyse, paraît en
situation incertaine, bien que le
gouvernement de Bashir Al-Assad, qui
conserve le soutien complet et entier de
l’armée, ait choisi la fermeté et semble
être en passe d’écraser la contestation,
sans que personne, d’ailleurs, n’y
trouve vraiment à redire… Probablement
le retour en grâce de Damas et son
rapprochement avec l’Arabie saoudite
(alliée majeure des Etats-Unis), et ce à
l’instigation de ces derniers,
explique-t-il cela. Il faut de plus
prendre en considération le fait que les
Frères musulmans syriens, beaucoup moins
modérés que leur équivalent égyptien,
ont l’oreille de la rue et prônent un
radicalisme religieux intransigeant : « plutôt
Al-Assad que ces gens-là »,
doit-on se dire dans certaines
chancelleries. Et le gouvernement de
Damas, le seul des États arabes qui,
avec celui du Liban, n’a jamais renoncé
à la lutte contre l’occupation
israélienne de la Palestine
(officiellement et en paroles, du
moins), bénéficie aussi du soutien du
Hezbollah et de l’Iran, sans compter la
sympathie de la résistance
palestinienne, mais également celle des
populations de la région, de manière
générale, pour qui la Syrie demeure le
champion de la cause arabe.
Paradoxalement, le gouvernement de
Bashir al-Assad assure le statu quo à
l’égard d’Israël (en réalité et en
actes, du moins) : depuis le début des
négociations sur le Golan, en 2007, et
la perspective de la restitution de ce
territoire à la Syrie contre un accord
de paix, Damas a scrupuleusement
contrôlé sa frontière et assuré la
tranquillité à son voisin hébreux.
Israël ne peut donc que se féliciter de
la stabilité politique en Syrie et dudit
statu quo, qu’un renversement de régime
risquerait plus que probablement de
remettre en question.
Comme on peut le constater, la
géopolitique du monde arabe est
autrement plus complexe et diverse que
ne pourrait l’expliquer un « élan
révolutionnaire » impulsé par l’acte
désespéré d’un jeune Tunisien.
Au
Maroc,
enfin, où existe un mouvement
de contestation oublié du reste du
monde, l’opposition à la monarchie
absolue du roi Mohamed VI a mis plus de
temps à se manifester, dans la plus
totale indifférence des médias étrangers
et, dès lors, de l’opinion publique
internationale.
Ainsi, le 2 juin, Kamal Ammari, un jeune
homme de trente ans, est décédé des
blessures qu’il avait reçues lors de la
grande manifestation du 29 mai ; c’est
le premier mort du fait de la répression
des manifestations au Maroc. Pas une
ligne dans les quotidiens européens ;
pas une image des démonstrations qui ont
suivi son enterrement, ni des
manifestations du 5 juin où son portrait
fut brandi dans toutes les villes
marocaines…
© photo Nathalie DEPREZ - 5
juin 2011
La contestation s’est organisée via les
sites sociaux de l’internet, à
l’initiative d’un groupe d’étudiants,
inspirés par les événements survenus en
Tunisie : le Mouvement du 20 février
réclame la réforme des institutions pour
l’instauration au Maroc d’une monarchie
constitutionnelle ; des
manifestations-monstres, pacifiques, un
dimanche par mois, rassemblent les
opposants depuis le 20 février, date de
la première marche des jeunes, qui
a eu
lieu dans cinquante-trois villes, selon
le ministère de l’intérieur.
Certes, les Marocains ont toujours eu le
droit de manifester et, régulièrement,
ils en ont usé. Mais, dès le début, le
Mouvement du 20 février a pris une
ampleur géographique inhabituelle : le
20 mars, la deuxième manifestation a
touché plus de soixante villes et, le 24
avril, cent six villes et villages.
En outre, les jeunes ont réussi à lever
les barrières qui existaient entre les
différentes composantes de
l’opposition : islamistes, nationalistes
et socialistes ont marché ensemble,
alors que l’État avait jusque-là réussi
à les jouer les uns contre les autres.
C’est probablement là ce qui constitua
un premier facteur d’inquiétude pour les
autorités.
Plus encore, le 9 mars, le roi était
sorti de sa réserve : dans son discours,
il avait affirmé avoir entendu le
message du peuple et annoncé de
profondes réformes pour y répondre. Le
roi, personne sacrée, ayant pris
position, le « Marzen », l’État
monarchique, ne pouvait plus tolérer la
moindre réplique ou protestation.
Pourtant, les 20 mars et 24 avril, les
marches ont redoublé : le roi a promis
une nouvelle constitution, mais c’est
lui qui a nommé la commission chargée de
l’élaborer. Les manifestants ont demandé
la dissolution de cette commission.
© photo Nathalie DEPREZ - 5
juin 2011
Ils ont aussi demandé la fermeture du
centre de détention illégal de Temara,
situé dans la banlieue de Rabat, où la
police politique enferme et torture les
opposants (Khadija Ryadi, Présidente de
l’Association marocaine pour les droits
humains, nous a confié que le centre
aurait également reçu des personnes
transférées au Maroc, notamment depuis
Guantanamo, pour y être interrogées ; il
ferait partie des fameuses « prisons
secrètes de la CIA »). Les manifestants
ont ainsi organisé un immense
pique-nique devant le centre, autre
facteur qui a provoqué la réaction de
l’État.
La répression a donc commencé, le 15
mai, à Temara. Les forces de police
avaient reçu des ordres : viser les
militants les plus actifs, les leaders,
et leur casser un bras ou une jambe.
Elle s’est poursuivie, de plus en plus
brutale, lors de la manifestation du
dimanche 22 mai, puis le 29, se soldant
cette fois par un décès.
Dans le même temps, les autorités ont
emprisonné Rachid Niny, directeur du
seul groupe de presse réellement
indépendant de l’État,
al Massae,
et chroniqueur qui, depuis plusieurs
semaines, dénonçait sans ménagement la
pratique de la torture à Temara et les
corrompus gravitant dans l’orbite du
roi. « Lorsqu’il
a été arrêté,
nous a expliqué Youssef Jajili, le
porte-parole du groupe et le rédacteur
en chef de l’hebdomadaire
al Awal
(l’un
des seuls médias marocains à faire état
des manifestations et à avoir fait sa
une sur la mort de Kamal Ammari),
nous avons pensé à un accident de
parcours dans le processus de
démocratisation engagé par le roi ;
mais, très rapidement, aussi avec
l’augmentation de la répression, nous
avons compris que le pouvoir avait
décidé de ‘gérer’ autrement la
contestation. »
Le pouvoir semble en effet avoir perçu
les limites du Mouvement du 20 février :
s’ils ont été rejoints par les médecins,
les fonctionnaires, les avocats, les
enseignants, autant de corporations qui
avaient l’habitude de manifester seules
et se fédèrent à présent, les jeunes,
pour la plupart issus des milieux
universitaires, n’ont pas réussi à
mobiliser les masses des milieux les
plus défavorisés, dubitatives. Les
pauvres du Maroc manifestent depuis
toujours, pour du pain, des logements,
de meilleurs salaires, des transports
publiques ; mais que veulent ces jeunes,
qui réclament une nouvelle
constitution ? Le Mouvement du 20
février reste donc élitiste et confiné à
la classe moyenne.
Surtout, les couches populaires
demeurent fidèles à leur roi : la
monarchie de droit divin n’est pas
remise en question par ces milieux ; ni
non plus, d’ailleurs, par une partie des
islamistes les plus radicaux (le parti
« Justice et Développement ») qui
défendent le
« Commandeur des Croyants »
(nous ne parlons pas ici des salafistes,
qui sont pour ainsi dire inexistants au
Maroc).
La majorité des Marocains n’est donc pas
prête à faire la révolution contre son
roi (qui, enfin, lui apparaît, par le
biais d’une propagande médiatique
omniprésente, comme le seul à se soucier
réellement du bien-être de son peuple),
et ce d’autant moins que le pouvoir a
tiré les leçons des mésaventures qu’ont
connues ses voisins et, entre autres
mesures, a sans tarder distribué du pain
aux milieux les plus pauvres et augmenté
les aides d’État pour court-circuiter le
mouvement de contestation.
Le pouvoir peut donc frapper sans plus
craindre un embrasement généralisé : la
« vague révolutionnaire », semble-t-il,
sera venue mourir sur les plages du
Maroc.
Reste la question de savoir quelle
attitude, en fonction de l’évolution des
événements, adopteront les mouvements
islamistes, auxquels adhère la majeure
partie de la population. En effet, si le
courant radical, incarné par le parti
« Justice et Développement », défend la
monarchie, le courant dominant,
« Justice et Spiritualité », plus modéré
et qui a axé son discours sur la justice
sociale, semble vouloir emboîter le pas
à la contestation.
© photo Nathalie DEPREZ - 5
juin 2011
Cet islamisme-là, qui contredit tous les
fantasmes de l’Occident, cet islamisme
éclairé, l’islamisme de la solidarité et
du partage des richesses, pourrait bien
rapidement faire valoir ses droits et
s’ériger en arbitre de la « révolution »
marocaine.
La « nouvelle » constitution promise par
le roi sera soumise à
référendum, ce 1er juillet. Il s’agit de
la réponse du Marzen à la contestation,
une constitution qui a été réélaborée
sans l'opposition et ne change pas
réellement les bases du régime : loin de
présenter une « nouvelle » constitution,
le texte proposé apparaît davantage
comme le résultat d’un « toilettage » de
l’ancienne constitution et le principal
changement réside dans le fait que le
roi, qui nommera toujours lui-même son
premier ministre, devra toutefois le
choisir parmi les élus du parti
vainqueur des élections.
Sans changer radicalement la donne,
cette modification de la constitution
pourrait néanmoins apparaître comme une
avancée démocratique, aussi légère
soit-elle. C’est d’ailleurs ainsi
qu’elle a été reçue par la diplomatie
européenne. Toutefois, paradoxalement,
cette mesure reviendrait à un
renforcement de la position du
monarque : le premier ministre, qui ne
pourra agir, comme auparavant, que sous
la tutelle du roi, assumera désormais
seul les décisions du gouvernement,
lesquelles, cependant, continueront de
dépendre de la volonté du palais.
Si les Marocains devaient voter
favorablement à l'adoption de cette
constitution, incontestablement, il
s'agirait, dans les faits, d'un
plébiscite de soutien au roi, qui
retrouverait une pleine légitimité, et
d'un désaveu du Mouvement du 20 février,
et donc, peut-être, de la fin de la
"révolution" au Maroc.
De Damas à Rabat, les fleurs du
printemps se sont déjà fanées.
Lien(s) utile(s) :
Centre de
Recherche sur la Mondialisation.
© Cet
article peut être librement reproduit,
sous condition d'en mentionner la
source.
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