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Pourquoi Hugo Chavez a triomphé
Pierre BEAUDET

 

Lors du référendum du 15 août, au Venezuela, 94,9 % de la population s’est prononcé. De ce nombre, plus de 58 % ont dit oui à Chavez, ce qui donne au président élu pour la première fois en 1998, un mandat très fort. En fait, c’est la quatrième fois qu’Hugo Chavez remporte une victoire sur ses adversaires conservateurs dominés par les partis traditionnels, les associations d’entrepreneurs et les grands médias, dont les deux grands quotidiens du pays, Universal et Nacional.

Les Vénézuéliens, qui habitent un pays pétrolier riche comme le Koweït, sont pauvres. Et pendant des décennies, l’économie a été conçue et gérée pour satisfaire les besoins de seulement 20 % de la population, dont le niveau de vie se compare à celui de la Californie. Mais depuis l’arrivée de Chavez à la présidence, un grand vent de changement a soufflé. Les écoles comptent un million de plus d’enfants sur leurs bancs, alors que 1,2 million d’adultes ont été alphabétisés. Trois nouveaux campus universitaires ont été construits, tandis que la construction de six autres est prévue pour 2006. La réforme agraire mise de l’avant, a permis la rétribution de plus de 2 millions d’hectares de terres à de petits paysans. L’amélioration des services de santé est sans doute le plus spectaculaire des changements. Dix mille médecins cubains ont été déployés dans 11 000 cliniques communautaires, cependant que le budget national dévolu à la santé triplait. Le résultat est sans ambiguïté : la vie s’améliore considérablement pour les pauvres et les démunis. Tous les observateurs avaient donc prédit la victoire de Chavez.

Une question de dignité

Tout cela a été rendu possible, d’abord parce que Chavez a redirigé les ressources financières provenant des exportations de pétrole vers les besoins humains. Ces revenus étaient auparavant l’apanage de l’oligarchie. Et pour la première fois de l’histoire du Venezuela, il a été demandé aux riches de payer des impôts. Une pratique inconnue dans ce pays, où le 10% le plus riche fait 62 fois plus que le reste de la population. Dans les bidonvilles et les villages, les damnés de la terre sont sortis de l’ombre. Au Venezuela, le clivage social prend une connotation raciale. Alors que l’étroite classe dominante est de peau blanche, les pauvres sont métissés de sang africain et amérindien. L’opposition au président ne s’est d’ailleurs jamais gênée pour qualifier Chavez de « singe noir ». Pour les dominants, la majorité de la population appartient à une sorte de sous-humanité, qui n’a pas vraiment de droits. Et pour eux, il est intolérable qu’un représentant de ces sous-humains puisse se retrouver à la tête du pays. Pour les gens ordinaires, c’est l’inverse. C’est parce qu’Hugo Chavez est l’un des leurs, que pour la première fois dans l’histoire du pays, ils se sentent vénézuéliens à part entière.

Le populisme et ses limites

Nul doute qu’Hugo Chavez est appuyé par une grande majorité de ses concitoyens. Par contre, il n’est pas si sûr que les transformations en cours représentent un projet à long terme pour le pays, compte tenu du fait qu’elles viennent « d’en haut », sans vraiment d’organisations populaires et de relais organisés au sein de la société civile. Dans ce sens, Hugo Chavez perpétue la lignée des grands héros populistes de l’Amérique latine, qui ont tant donné à leurs peuples, à l’exception d’une seule chose : la capacité de s’organiser de manière autonome et de se battre pour leurs propres intérêts. Mais on ne peut reprocher cela à Chavez seulement, puisque cette situation existait bien avant lui. On peut toutefois se demander légitimement si dans cette nouvelle « révolution bolivarienne », il y a place pour une redynamisation « par en bas » en faveur du développement de structures de mobilisation et d’organisation réellement populaires. En tout cas, le débat est lancé et la grande majorité des militants de la gauche, qui se sont ralliés à Chavez, travaillent à réinventer une culture politique orientée vers la démocratie et la participation populaire. En Amérique du Sud, la victoire de Chavez a un effet électrisant. De São Paulo à Buenos Aires en passant par Bogota et Lima, le président vénézuélien est l’homme du jour, celui qui tient tête aux grands, et notamment aux États-Unis qui ont tout fait (et continueront de tout faire) pour briser ce nouveau pouvoir. Chavez a aussi un avantage sur les autres chefs d’État progressistes d’Amérique du Sud, il dit tout haut ce que beaucoup craignent de dire : comme d’affirmer que la résistance en Irak est légitime et proclamer que l’avenir du continent latino-américain passe par une grande alliance contre la domination américaine.

Cela contraste avec les approches prudentes de Lula, le président brésilien. Encore là, on peut voir le défaut de la qualité dans l’approche de Chavez. Le monde actuel est traversé de complexes rapports de forces et on n’a pas le choix de tenter de manœuvrer, comme le Brésil a réussi à le faire en bloquant de façon effective la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). À la limite, on pourrait dire, comme le pensent beaucoup de Latino-Américains, qu’on a besoin et de Chavez et de Lula. En tout cas, dans les confrontations à venir dans l’hémisphère Sud, entre les peuples et l’oligarchie soutenue par les États-Unis, le nom d’Hugo Chavez continuera de résonner.

Pierre Beaudet. L’auteur est directeur d’Alternatives.

 

 


Source : Alternatives
http://www.alternatives.ca/article1415.html


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