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Le Web de l'Humanité
Gaza. Le terrible tribut à la terreur de
l'Etat israélien
Pierre Barbancey
© Photo PCHR
Mardi 30 décembre 2008
Proche-Orient . Les attaques militaires lancées ce week-end par
Tel Aviv se sont poursuivies hier et pourraient aboutir à une
offensive terrestre. Elles ont fait déjà plus de 320 morts.
Les cinq filles de la famille Baaloucha - Jawaher, 4 ans, Dina,
8 ans, Samar, 12 ans, Ikram, 14 ans et Tahrir, 17 ans - ont été
enterrées lundi dans le camp de réfugiés de Jabaliya, au nord de
la bande de Gaza, en présence de centaines de personnes qui ont
bravé les drones (ces avions sans pilote) et les raids aériens
incessants. Leurs petits corps n’ont pas été amenés dans la
mosquée qui jouxte la maison de leurs parents, parce que le lieu
saint a été détruit lors du bombardement qui leur a coûté la
vie. « Si un seul enfant israélien avait été tué, le monde
entier se serait indigné et le Conseil de sécurité de l’ONU se
serait réuni », hurlait leur père, Anwar, lors de l’enterrement.
« Le sang de nos enfants n’a pas de valeur aux yeux du monde.
C’est un crime de guerre, les dirigeants de l’ennemi doivent
être traînés en justice. »
C’est là un des bilans de l’opération « Plomb durci ». Une
dénomination qui en dit long sur les visées meurtrières du
gouvernement israélien.
Des tonnes de bombes
déversées
Selon un bilan fourni hier en milieu de journée par le chef
des services d’urgence dans la bande de Gaza, Mouawiya Hassanein,
les attaques aériennes israéliennes ont fait depuis samedi au
total 318 tués, et plus de 1 400 blessés.
Depuis samedi, date du début de l’opération, des centaines de
tonnes de bombes et autres missiles ont été déversés sur ce
minuscule territoire. Dans la nuit de dimanche à lundi, un
appareil israélien a bombardé l’université islamique de Gaza et
a détruit notamment le bureau du premier ministre du
gouvernement du Hamas, Ismaïl Haniyeh. Selon l’UNRWA, l’agence
de l’ONU d’aide aux réfugiés palestiniens, citant des chiffres
obtenus de sources hospitalières, on dénombre plus de 60 morts
civils « dont des femmes et des enfants ». Un chiffre très
certainement sous-évalué tant les bombardements sont intenses.
Certains corps ne sont même pas amenés à l’hôpital et n’entrent
donc pas dans le décompte. C’est là qu’éclate tout le cynisme
des dirigeants israéliens qui parlent de terrorisme dès qu’un
Israélien est tué ou simplement blessé.
Avec plus de 300 cadavres sur la conscience, Tzipi Livni, la
ministre des Affaires étrangères, qui espère naviguer sur le
sang palestinien pour arriver jusqu’au poste de premier
ministre, ose déclarer : « Malheureusement, dans toute guerre
des civils en paient parfois le prix. » Quant au ministre de la
Défense, le travailliste Ehud Barak, il explique doctement
devant la Knesset (où seuls les députés communistes et les
députés arabes s’opposent à ce nettoyage programmé) : « Nous
n’avons rien contre les habitants de Gaza mais nous sommes
engagés dans une guerre sans merci contre le Hamas et ses
alliés. » Comme tous les assassins, ils ne veulent pas trop de
témoins. Comme à Jénine en 2002, la zone de massacre est
décrétée « zone militaire », Israël se donnant le droit
d’abattre quiconque essaie de passer à Gaza. C’est le cas des
journalistes.
Dans une tribune publiée par le quotidien Haaretz,
l’historien et écrivain Tom Seguev souligne que « depuis l’aube
de la présence sioniste sur la terre d’Israël, aucune opération
militaire n’a jamais fait avancer le dialogue avec les
Palestiniens ». Il écrit également : « Israël frappe les
Palestiniens pour leur "donner une leçon". Il s’agit là d’une
conception qui accompagne l’entreprise sioniste depuis ses
origines : nous sommes les représentants du progrès et des
Lumières, de la rationalité et de la morale, alors que les
Arabes ne sont que des foules primitives et violentes, des
enfants ignorants qu’il faut éduquer et à qui il faut enseigner
la sagesse, par la méthode de la carotte et du bâton, bien sûr,
comme le conducteur de bestiaux le fait avec son âne. »
La carotte ce sont les quelques camions d’aide humanitaire
qu’Israël daigne laisser entrer à Gaza, le bâton on voit ce
qu’il en est. Tom Seguev fait également remarquer : « Toutes les
guerres d’Israël ont eu pour fondement une autre hypothèse
encore : nous ne faisons que nous défendre. "Un demi-million
d’Israéliens sous le feu", hurlait le titre qui barrait la une
du Yediot Aharonot de dimanche. Comme si la bande de Gaza
n’avait pas été soumise à un siège de longue durée qui a détruit
les chances d¹une génération tout entière de vivre une vie qui
vaille la peine d’être vécue. » Une voix malheureusement très
minoritaire en Israël où des écrivains comme Amos Oz soutiennent
mordicus les raids aériens., Enfin revenu à Paris de ses
vacances brésiliennes, Sarkozy, pas ému outre mesure, annonce
qu’il recevra Tzipi Livni début janvier. Pour faire part à ses
amis israéliens de son soutien dans ces moments difficiles,
peut-être ?
Des chars massés autour de gaza
Cette opération aérienne pourrait être suivie d’une invasion
terrestre. Des centaines de chars sont maintenant massés tout
autour de la bande de Gaza prêts à écraser, à tuer, à détruire.
Une tactique déjà mise en oeuvre au Liban en 2006. Mais le Hamas
n’est pas le Hezbollah. Les roquettes tirées depuis Gaza ont
fait deux morts en trois jours et la configuration du terrain
n’est pas la même. Chaque Palestinien deviendrait, comme à
Jénine en 2002, un combattant en puissance avec pour toute arme
la volonté de défendre sa terre, son pays. Prêt à mourir pour
cela, justement parce que Palestinien.
© Journal l'Humanité
Publié le 31 décembre 2008 avec l'aimable autorisation de l'Humanité.
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