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Chronique
Simple manque de
tact, finalement
Philippe Randa
Philippe Randa
Vendredi 23 octobre 2009
Décidément, la vie n’est pas forcément une longue élection
tranquille quand on est « fille ou fils de ». Jean
Sarkozy l’a appris à ses dépens après quinze jours de lynchage
tous azimuts qui auront tout de même permis de laisser respirer
Frédéric Mitterrand, simple « neveu de », lui.
Certes, dans le cas du jeune Conseiller général de 23 ans des
Hauts-de-Seine, il est certain que s’il n’avait pas, justement,
été « fils de », rien ne serait arrivé, à commencer par
sa peu sérieuse prétention à prendre la tête de l’Epad au futur
chiffre d’affaires d’1 milliard d’euros…
Prétention qui aura eu des dommages colatéraux en jetant
brusquement la suspicion sur tous les « fille et fils de…
» s’aventurant en politique.
Jusque-là, seule Marine Le Pen essuyait les salves nourries des
anciens prétendants déçus à la tête de son mouvement. Avec un
père habitué aux tempêtes de la politique autant que de la
pleine mer, elle a montré qu’il lui en fallait davantage pour
chavirer.
En sera-t-il de même pour Marie Bové, fille d’un José passé des
champs de maïs OGM au Parlement de Strasbourg via les prisons de
la République ?
Candidate pour mener la liste Europe-Écologie aux élections
régionales en Aquitaine après le retrait de Noël Mamère, le CPNT
(Chasse, Pêche, Nature et Traditions) ne s’est pas privé de
hurler au « népotisme vert », jugeant que « la “boboécologie”
se partage l’or vert politique en famille ». On n’est guère
moins aimable.
Quoiqu’on pense des intéressé(e)s, du nom qu’il(elles)s portent
et des avantages qu’ils tirent de leur naissance, ce n’est pas
là un fait nouveau en politique et Frédéric Lefebvre,
porte-parole de l’UMP, a fait remarquer avec juste raison que «
ça n’a jamais fait débat dans le pays, le fils du général de
Gaulle a été élu, la fille de Jacques Delors a été élue, le fils
de Valéry Giscard d’Estaing a été élu, le fils de François
Mitterrand a été élu… Je ne vois pas en quoi ce serait un
problème à partir du moment où les électeurs le décident. »
Autrefois, un enfant reprenait souvent le métier de ses parents…
Et cela ne choquait personne qu’un père transmette ainsi son
savoir-faire à ses héritiers. C’était même un bonus dont on ne
manquait pas de faire état pour inspirer confiance en inscrivant
au fronton de l’entreprise familiale : « De père en fils (ou
en fille) ».
Pourquoi devrait-il en être autrement pour le service de l’État
?
Qu’un enfant veuille suivre dans la vie l’exemple de ses parents
n’est en rien exécrable, voire même condamnable. On ne s’en
scandalise d’ailleurs aucunement quand il s’agit d’artisans, de
saltimbanques et il fut même un temps où de simples employés
faisaient embaucher leurs enfants à leur place lors de leur
départ à la retraite, considérant que le patron leur devait
cette faveur en récompense de leurs bons et loyaux services.
C’était d’ailleurs bien souvent le seul héritage qu’ils
pouvaient ainsi leur léguer.
Ce qui reste choquant dans les velléités de Jean Sarkozy à
sauter les étapes et à briguer un poste aux responsabilités
démesurées pour son âge, c’est que son père ne lui ait pas fait
raison garder, si tant est qu’il n’ait pas lui-même provoqué
cette candidature, ce qui serait alors bien pire encore.
Dans la vie, lorsqu’on hérite d’un nom, certains tiennent à se
faire un prénom. C’est tout à l’honneur de Jean Sarkozy d’être
de ceux-là. Et s’il doit regretter quelque chose, ce n’est
certes pas son ambition, c’est de ne pas avoir pu compter sur
les conseils avisés d’un bon père de famille attentif aux
intérêts de son fils.
Le tact, dans l’audace, c’est de savoir jusqu’où on peut aller
trop loin, disait Jean Cocteau.
Mais si Nicolas Sarkozy avait un tant soit peu de tact, cela se
saurait.
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