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La France offre une protection nucléaire
aux Emirats arabes unis
Peter Schwarz
Le Rafale M02 - Photo: Acam.asso
Vendredi 19 juin 2009 Le 26 mai, la France a
ouvert sa propre base militaire à Abou Dhabi. Voir « La
France ouvre sa première base militaire permanente dans le Golfe
persique » A présent, le quotidien français Le Figaro
rapporte que Paris a fourni des garanties aux Emirats arabes
unis (EAU) de les défendre « avec tous les moyens militaires »
c’est-à-dire également avec le recours à l’arme nucléaire.
Le 15 juin, le quotidien
conservateur, Le Figaro écrivait, « Selon les clauses
secrètes de l’accord renégocié entre Paris et Abou Dhabi, la
France s’engage à utiliser tous les moyens militaires dont elle
dispose pour défendre les Emirats arabes unis s’ils venaient à
être agressés. Tous les moyens militaires, c’est-à-dire
également l’arme nucléaire, s’il le faut. »
L’article du Figaro
se base sur des déclarations anonymes faites par des
responsables de haut rang et des diplomates versés dans la
formulation du contrat. Selon le journal, le terme de
« nucléaire » n’apparaît pas dans le texte du contrat parce que
« Ce serait contraire à la philosophie de la dissuasion, qui
consiste à en dire le moins possible sur la doctrine d’emploi. »
Toutefois, le contrat est formulé de manière plus
« contraignant[e] » encore que l’article 5 du traité de
l’Atlantique Nord qui « engage les membres de l’OTAN à se porter
au secours (…) d’un autre membre qui aurait été attaqué. »
Aucune arme nucléaire n’est stationnée
directement à Abou Dhabi, mais la France dispose de ses propres
sous-marins qui sont équipés d’armes nucléaires et qui
patrouillent en permanence dans la zone ainsi que le
porte-avions Charles de Gaulle qui a à son bord des avions de
chasse équipés de bombes nucléaires. Les sous-marins comme les
avions de chasse peuvent être déployés à tout moment dans la
région du Golfe.
La France avait déjà signé un contrat de
défense avec les EAU en 1995, dont le texte était resté secret.
Selon Le Figaro, le vieux contrat maintenait l’obligation
d’intervenir militairement dans « une ambiguïté et une
incertitude ». Le nouveau contrat et l’installation de la base
militaire française a radicalement changé la situation en
augmentant considérablement la possibilité d’un « déclenchement
automatique de l’accord bilatéral, puisqu’une attaque de l’Iran
pourrait être considérée comme portant atteinte aux intérêts
vitaux de Paris. » Pour cette raison, selon Le Figaro,
Paris s’est placé « au premier rang en cas de conflit avec
l’Iran. »
Depuis son entrée en fonctions, il y a deux
ans le président, Nicolas Sarkozy, a entrepris une révision
systématique de la politique de défense française.
Il y a un an, il présentait le Livre blanc
sur la Défense qui redéfinit l’orientation stratégique du pays.
L’accent géographique préconisé dans le Livre blanc se
concentrait sur « un axe allant de l’Atlantique jusqu’à la
Méditerranée, au Golfe arabo-persique et à l’océan Indien. » Cet
axe couvre les « zones où les risques impliquant les intérêts
stratégiques de la France et de l’Europe sont les plus élevés »,
précise le Livre blanc. Les Emirats arabes unis occupent une
position centrale sur cet axe situé au bord du détroit d’Ormuz,
par où transitent 40 pour cent de l’approvisionnement en pétrole
du monde, dans le voisinage immédiat de l’Iran.
Au début de cette année, la France a
réintégré le commandement de l’OTAN après l’avoir quitté en 1966
sous le président de Gaulle. Ce qui superficiellement était
apparu comme un rapprochement des Etats-Unis s’est en réalité
avéré être exactement l’opposé.
Une étude minutieuse entreprise par
l’Institut allemand pour la politique internationale et la
sécurité (Stiftung Wissenschaft und Politik, SWP) sous le titre
« Le nouveau cours de l’OTAN de la France » arrive à la
conclusion « qu’il ne peut pas être question d’un changement
complet de la politique transatlantique de la France ». Avec le
retour à l’OTAN, Sarkozy poursuit plutôt le but de fournir à la
France une plus grande prépondérance dans l’Alliance atlantique
et l’élargissement de la marge de manœuvre internationale de son
pays. De plus, il anticipe une augmentation progressive mais
nette de l’autonomie militaire de la Politique européenne de
sécurité et de défense (PESD) parce qu’il reconnaît que
l’autonomie de la PESD ne peut être amplifiée face à
l’opposition américaine.
L’étude du SWP conclut en disant : « Ainsi,
le ré-intègrement du pays dans le commandement intégré de
l’Alliance atlantique est basé sur le calcul rationnel de
sauvegarder le prestige international et le droit de déterminer
la politique tout en promouvant dans le même temps la PESD. »
L’accord conclu entre la France et les
Emirats arabes unis confirme cette analyse. Il est frappant de
voir que l’accord ait été conclu à un niveau bilatéral et
renferme des clauses secrètes. Dans une région que les
Etats-Unis dominent depuis 50 ans et où ils sont engagés dans
deux importantes guerres, en Irak et en Afghanistan, la France
offre une protection nucléaire à un pays sans coordonner ses
actions avec l’OTAN et les Etats-Unis. Sarkozy n’aurait pu
montrer plus clairement l’intention de la France de jouer à
l’avenir dans la région un rôle indépendant dans les conflits à
venir.
Quant aux EAU, ils voient en leur alliance
avec la France l’occasion d’affaiblir leur actuelle dépendance
des Etats-Unis. Le Figaro remarque : « En demandant à
Nicolas Sarkozy d’installer une base française à Abou Dhabi, ils
cherchent également à diversifier leurs alliances, afin de ne
plus dépendre uniquement de leur allié américain. »
Ce genre d’alliance bilatérale comportant des
clauses secrètes d’assistance rappelle fortement les conflits
qui ont opposé les grandes puissances au siècle dernier quand la
lutte pour un nouveau partage du monde avait finalement mené à
la Première Guerre mondiale. L’émergence de la France comme
puissance nucléaire dans la région du Golfe ne fera qu’exacerber
les tensions dans cette poudrière où tout danger d’accroître des
conflits devenant incontrôlables augmente le risque d’une guerre
nucléaire.
L’article du Figaro est largement
passé inaperçu en France. La raison en est que tous les partis
politiques, y compris le Parti socialiste et le Parti
communiste, soutiennent sans réserve les objectifs impérialistes
de la politique étrangère française. C’est particulièrement vrai
pour la force de frappe française inaugurée par le président de
Gaulle dans les années 1960 dans le but de restituer à la France
un statut de grande puissance en réduisant son indépendance des
Etats-Unis.
Même les différents groupes radicaux, tels le
Nouveau Parti anticapitaliste et Lutte ouvrière, gardent un
silence discret lorsqu’il est question de la force de frappe.
Ils ne veulent pas gâcher leurs relations avec des alliés
potentiels dans les autres partis sur la question de la
politique étrangère.
(Article original paru le
19 juin 2009)
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Publié le 20 juin 2009 avec l'aimable autorisation du WSWS
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